.. Chargement en cours ..

💩 Les impacts des systùmes de transport sur la ressource en eau douce 🚊

Par : Futura Mobility 26 septembre 2025 no comments

💩 Les impacts des systùmes de transport sur la ressource en eau douce 🚊

Futura-Mobility a pour mission d’imaginer et de partager les transformations nĂ©cessaires aux mobilitĂ©s d’ici 2050 pour respecter les limites planĂ©taires et accroitre le bĂ©nĂ©fice sociĂ©tal.

En 2025, le think-tank a dĂ©cidĂ© d’explorer les impacts et contributions des mobilitĂ©s avec deux limites : la perte de biodiversitĂ© et le prĂ©lĂšvement d’eau douce. Avec des experts dans les domaines de l’énergie, des transports, ou bien en gĂ©ologie, cette sĂ©ance du 5 septembre 2025, a Ă©tĂ© l’occasion d’approfondir quatre questions essentielles sur l’utilisation de l’eau douce par les systĂšmes de transports.

Il est d’ailleurs apparu lors de la prĂ©paration que le sujet Ă©tait beaucoup moins traitĂ© que la dĂ©carbonation. « Pourtant le prĂ©lĂšvement d’eau douce est bien une des limites planĂ©taires : la dĂ©passer rend la vie sur Terre plus difficile, voire impossible par endroits et perturbe tout le systĂšme Terre. Pas seulement la vie humaine, mais aussi celle des non-humains, donc les plantes, les animaux, les champignons, les bactĂ©ries  », explique JoĂ«lle TourĂ©, dĂ©lĂ©guĂ©e gĂ©nĂ©rale du think-tank en introduction.

❓ Pourquoi se prĂ©occuper de la ressource en eau douce sur Terre, puisque l’eau ne disparait pas, en permanence en mouvement dans le cycle de l’eau ?  

L’eau prĂ©sente sur Terre est Ă  97,5 % de l’eau salĂ©e. Il n’y a donc que 2,5 % d’eau douce dont 69 % est stockĂ©e dans les glaces et 30% dans les aquifĂšres. Il ne reste que 1 % de ce 2,5 % qui est « libre » et se trouve essentiellement dans les grands lacs, les marais et les cours d’eau.

La limite du prĂ©lĂšvement d’eau douce est dĂ©crite par deux sous-limites :

l’eau bleue, issue des prĂ©cipitations, elle se retrouve dans les lacs, les nappes souterraines, ou circule dans les cours d’eau ;

l’eau verte, est l’eau qui est utile aux vĂ©gĂ©taux : ce sont les prĂ©cipitations dites « efficaces » et l’eau stockĂ©e dans les sols par la matiĂšre organique. C’est l’eau qui est utile aux cultures, aux arbres, Ă  la vĂ©gĂ©tation en gĂ©nĂ©rale. L’eau verte est Ă©galement indispensable Ă  la circulation de l’eau dans l’atmosphĂšre grĂące Ă  ce stockage et Ă  l’évapotranspiration.

Les « limites » sont « dĂ©passĂ©es » lorsque la proportion de surfaces de la Terre sur lesquelles le dĂ©bit des cours d’eau (pour l’eau bleue) et l’humiditĂ© des sols (pour l’eau verte) sont dĂ©viĂ©es de leur cycle naturel par les activitĂ©s humaines au-delĂ  de la valeur haute de cette dĂ©viation Ă  l’époque prĂ©industrielle (1661-1860). En 2024, dans un article paru dans la revue scientifique Nature Water, des chercheurs d’instituts finlandais et suĂ©dois, estiment que plus de 18% des surfaces terrestres pour les eaux bleues et prĂšs de 16% pour les eaux vertes connaissent une dĂ©viation du cycle naturel, contre des limites Ă©tablies Ă , respectivement, 10 % et 11 %.

Le prĂ©lĂšvement d’eau douce a Ă©tĂ© la sixiĂšme des neuf limites planĂ©taires franchies. Ces limites sont interconnectĂ©es, ce qui signifie qu’un dĂ©passement de l’une d’elle augmente le risque pour d’autres, avec des effets en cascade.

L'Ă©volution du cadre des limites planĂ©taires (source : prĂ©sentation d’AndrĂ© Stephen)

« Bien que les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre (GES) aient reçu et continuent de recevoir une attention considĂ©rable, d’autres limites, comme l’utilisation de l’eau douce sont Ă©galement dĂ©passĂ©es », rappelle AndrĂ© Stephan, professeur associĂ© en construction et performance environnementale de l’University of Melbourne.

Le monde est confrontĂ© Ă  une crise de l’eau douce de plus en plus grave, avec environ la moitiĂ© de la population mondiale subissant une pĂ©nurie d’eau sĂ©vĂšre au moins un mois par an. Cette situation est exacerbĂ©e par le changement climatique, qui entraĂźne des flux d’eau plus erratiques et se manifestant par davantage de sĂ©cheresses et d’inondations.

L’eau est une ressource qui s’analyse localement, car les dommages environnementaux liĂ©s Ă  l’eau sont localisĂ©s, contrairement aux Ă©missions de gaz Ă  effet de serre dont les Ă©missions Ă  un endroit de la planĂšte ont un effet partout dans le monde. « Certes des Ă©valuations mondiales de la raretĂ© de l’eau peuvent donner une idĂ©e gĂ©nĂ©rale, mais il faut des Ă©valuations qui soient plus localisĂ©es », explique M. Stephan.

Joëlle Touré, déléguée générale du think-tank, introduisant la séance

❓ Dans le contexte du changement climatique, dans quelle mesure la ressource en eau douce va-t-elle ĂȘtre moins disponible ?

Simon FerriĂšre, chef de projet Energie & Climat du Haut-Commissariat Ă  la StratĂ©gie et au Plan  a prĂ©sentĂ© des travaux trĂšs Ă©clairants sur le sujet, et notamment les principaux constats relevĂ©s lors de la grande Ă©tude prospective L’eau en 2050 : graves tensions sur les Ă©cosystĂšmes et les usages, parue en juin 2025.

Simon FerriĂšre, chef de projet Energie & Climat du Haut-Commissariat Ă  la StratĂ©gie et au Plan (photo – Gery Nolan)

Le premier volet de l’étude prĂ©sente un Ă©tat des lieux de la consommation d’eau par usage en France. Le territoire français reçoit annuellement 500 milliards de mĂštres cubes d’eau sous forme de prĂ©cipitations. Environ 60 % (300 milliards de mĂštres cubes) sont captĂ©s par la nature, Ă©vaporĂ©s par les sols ou absorbĂ©s et transpirĂ©s par les plantes, un phĂ©nomĂšne « absolument essentiel » pour les zones humides et les forĂȘts, insiste M. FerriĂšre. Les 40 % restants, soit 200 milliards de mĂštres cubes, constituent l’eau renouvelable – l’eau bleue – qui ruisselle dans les cours d’eau ou s’infiltre dans les nappes. Cette eau est Ă  la fois utilisĂ©e par les Ă©cosystĂšmes et pour les activitĂ©s humaines (Ă©nergie, industrie, eau potable, etc.).

« Quand on rĂ©flĂ©chit au sujet de l’eau, il faut se rappeler que cette eau est vitale pour les Ă©cosystĂšmes aquatiques », explique M. FerriĂšre. « Ainsi on devrait commencer par se poser la question – est-ce qu’on rĂ©pond bien aux besoins environnementaux ? –  avant de se demander si on a assez d’eau pour rĂ©pondre Ă  nos activitĂ©s humaines », explique-t-il. « Cette approche va Ă  l’encontre de notre tendance Ă  privilĂ©gier les besoins des humains ».

Pour ce qui concerne les activitĂ©s humaines, il est Ă©galement important de distinguer le prĂ©lĂšvement, le rejet et la consommation.  Le prĂ©lĂšvement dĂ©crit le pompage dans un cours d’eau ou une nappe phrĂ©atique pour les besoins des humains ; le rejet est la part du prĂ©lĂšvement traitĂ©e puis remise dans un cours d’eau aprĂšs notre usage, donc restituĂ©e au milieu ; la consommation se rĂ©fĂšre Ă  la part du prĂ©lĂšvement qui s’évapore ou n’est plus disponible pour les Ă©cosystĂšmes, donc pas restituĂ©e au milieu. « Ces trois notions sont importantes puisqu’elles impactent diffĂ©remment la disponibilitĂ© de la ressource en eau douce », ajoute M. FerriĂšre.

Les grandes conclusions de ce premier volet soulignent qu’en France mĂ©tropolitaine, le secteur de l’énergie est en tĂȘte des prĂ©lĂšvements d’eau douce, en particulier en raison du fonctionnement des centrales nuclĂ©aires, et l’agriculture est le secteur d’activitĂ© le plus consommateur, en raison des besoins d’irrigation.  Deux constats qui Ă©videmment pose une question sur le dĂ©veloppement des biocarburants, une source d’énergie certes moins carbonĂ©e, mais plus gourmande en eau.

Le deuxiĂšme volet de l’étude fait l’exercice d’un diagnostic prospectif de la situation hydrologique en France. Les responsables de l’étude ont dĂ©coupĂ© le territoire en 40 bassins versants pour suivre une logique hydrologique, plutĂŽt qu’un dĂ©coupage administratif. Ensuite, ils ont regardĂ© bassin par bassin le nombre de mois en 2050 pendant lesquels les besoins environnementaux ne seront pas satisfaits (avec un focus sur les Ă©cosystĂšmes aquatiques). « On a fait deux essais, un sur une annĂ©e particuliĂšrement sĂšche en 2050, l’autre sur une annĂ©e particuliĂšrement humide en 2050 », prĂ©cise M. FerriĂšre.

Les rĂ©sultats rĂ©vĂšlent qu’en 2050, les besoins environnementaux d’une grande partie de ces 40 bassins versants ne seront pas satisfaits pendant plusieurs mois, mĂȘme sans aucune activitĂ© humaine de prĂ©lĂšvement ou de consommation d’eau. Ce constat s’aggravera considĂ©rablement en annĂ©e sĂšche, oĂč la situation, « catastrophique partout », entraĂźnera une dĂ©gradation sĂ©vĂšre des Ă©cosystĂšmes. L’étude montre Ă©tonnamment que, mĂȘme en annĂ©e humide, certains territoires, notamment dans le sud de la France, verront leurs Ă©cosystĂšmes « en stress ». La principale cause de cette dĂ©gradation ? Le changement climatique directement liĂ© Ă  l’activitĂ© humaine.

Le troisiĂšme volet de l’étude examine l’Ă©volution des usages de l’eau par les humains dans ces mĂȘmes 40 bassins versants Ă  travers trois scĂ©narios pour 2050 :

  1. Le scĂ©nario Tendanciel projette les usages de l’eau en suivant les tendances historiques sur les annĂ©es 2010-2020. Dans cette hypothĂšse, la dĂ©carbonation n’est pas atteinte, et les Français gardent peu ou prou les mĂȘmes les rĂ©gimes alimentaires qu’aujourd’hui.
  2. Le scĂ©nario Politiques Publiques intĂšgre toutes les politiques publiques françaises en cours, telles que la StratĂ©gie nationale bas-carbone (SNBC) qui visant la neutralitĂ© carbone d’ici 2050, ainsi que la relance du nuclĂ©aire.
  3. Le scĂ©nario de Rupture met l’accent sur des mesures de sobriĂ©tĂ© fortes. InspirĂ© du scĂ©nario 2 de l’ADEME, il prĂ©voit une rĂ©duction significative de la consommation d’Ă©nergie, une diminution des dĂ©placements et des rĂ©gimes alimentaires fortement vĂ©gĂ©talisĂ©s.

Les projections montrent des tensions sĂ©vĂšres sur l’accĂšs Ă  l’eau dans les trois scĂ©narios, mĂȘme avec les mesures de sobriĂ©tĂ© du scĂ©nario de rupture. Le lien entre les prĂ©lĂšvements et la ressource disponible atteint des seuils critiques (parfois plus de 100 %) dans le scĂ©nario tendanciel, mais pourrait ĂȘtre mieux gĂ©rĂ© dans le scĂ©nario de rupture.

(source : présentation de Simon FerriÚre)

Si les prĂ©lĂšvements totaux Ă  l’Ă©chelle nationale pourraient Ă  l’avenir diminuer dans les scĂ©narios Politiques Publiques et Rupture (principalement en raison de la rĂ©novation du parc des centrales nuclĂ©aires sur le RhĂŽne), la situation est plus complexe localement avec des bassins versants oĂč les prĂ©lĂšvements seraient tout de mĂȘme en augmentation.

(source : présentation de Simon FerriÚre)
(source : présentation de Simon FerriÚre)

Par contre, les consommations d’eau augmentent pour tous les scĂ©narios, allant jusqu’Ă  doubler dans le scĂ©nario tendanciel. Cette hausse est principalement due Ă  l’irrigation agricole, qui augmente dans tous les scĂ©narios. L’agriculture prĂ©lĂšve une vaste quantitĂ© d’eau dont la majeure partie est consommĂ©e car absorbĂ©e puis transpirĂ©e par les plantes ou Ă©vaporĂ©e par le sol. Le changement climatique accentue ce phĂ©nomĂšne avec la hausse des tempĂ©ratures et la diminution des prĂ©cipitations. De plus, 90 % de ces consommations agricoles se concentrent entre mai et septembre, pĂ©riode durant laquelle la ressource en eau est dĂ©jĂ  la plus rare et le sera encore davantage Ă  l’avenir.

D’ici 2030, le gouvernement français prĂ©voir de renouveler les centrales nuclĂ©aires qui fonctionnent actuellement avec des systĂšmes de refroidissement Ă  cycle ouvert, qui tendent Ă  prĂ©lever beaucoup d’eau, mais Ă  en consommer peu. L’étude soulĂšve d’ailleurs un angle mort dans les donnĂ©es : « du fait de la tempĂ©rature de l’eau de rejet, plus Ă©levĂ©e, il y a un phĂ©nomĂšne d’évaporation forcĂ©e additionnelle, estimĂ©e dans la vallĂ©e du RhĂŽne Ă  0,8 % du volume rejetĂ©. Cette donnĂ©e est actuellement nĂ©gligĂ©e dans les statistiques actuelles, qui considĂšrent comme nulle la consommation des centrales en circuit ouvert ».

Les Ă©quiper avec des systĂšmes de refroidissement en circuit fermĂ© va rĂ©duire les prĂ©lĂšvements d’eau mais va augmenter la consommation d’eau !

Les conclusions de l’Ă©tude soulignent l’importance d’alerter les dĂ©cideurs publics sur les risques de tensions hydriques sĂ©vĂšres et de prĂ©parer la rĂ©silience des territoires. La France subit dĂ©jĂ  les consĂ©quences bien rĂ©elles des Ă©pisodes de sĂ©cheresse et ce, mĂȘme dans des rĂ©gions historiquement riches en eau comme le Massif Central. En 2022, ce sont 700 communes qui n’avaient plus accĂšs Ă  l’eau potable en raison de la sĂ©cheresse.

 « Quand on construit des politiques publiques, y compris pour la dĂ©carbonation, on ne peut pas s’abstraire de la question de l’eau », alerte M. FerriĂšre. En effet, toute stratĂ©gie de dĂ©carbonation, y compris celle des transports, devrait ĂȘtre pensĂ©e en intĂ©grant la disponibilitĂ© de la ressource en eau et ses impacts sur les Ă©cosystĂšmes et la biodiversitĂ©. « Les mesures de sobriĂ©tĂ©, comme la rĂ©duction des dĂ©placements Ă©voquĂ©e dans le scĂ©nario de rupture, peuvent contribuer Ă  la dĂ©carbonation globale et indirectement Ă  la prĂ©servation de la ressource en eau, bĂ©nĂ©ficiant ainsi aux Ă©cosystĂšmes ».

Finalement, la question de l’eau est intrinsĂšquement liĂ©e aux choix de sociĂ©tĂ© que nous faisons, notamment en matiĂšre d’alimentation et de mix Ă©nergĂ©tique. « Est-ce que la sociĂ©tĂ© envisagĂ©e dans ces scĂ©narios peut ĂȘtre viable avec les ressources en eau qui seront disponibles en 2050 ? Il faut y penser », conclut M. FerriĂšre.

❓ Quelle responsabilitĂ© les transports ont-ils sur la ressource en eau douce ?

Selon AndrĂ© Stephan, qui prĂ©sente ses travaux de recherche sur l’eau et les transports Ă  Melbourne, l’utilisation de l’eau dans les transports est rarement analysĂ©e, probablement parce qu’elle est « assez invisible et cachĂ©e » par rapport aux Ă©missions de GES, que l’on peut Ă©valuer plus facilement. Pourtant, l’adoption d’une perspective d’analyse du cycle de vie (ACV) rĂ©vĂšle tous les flux environnementaux nĂ©cessaires Ă  la fabrication des vĂ©hicules, Ă  l’exploitation des tramways et des trains, Ă  la production de l’Ă©lectricitĂ© qui les alimente, ainsi qu’Ă  la maintenance, l’assurance, le marketing et le remplacement des composants des infrastructures de transport.

L’étude Total water requirements of passenger transport modes (2016, AndrĂ© Stephan et Robert H. Crawford) s’est prĂ©cisĂ©ment fixĂ©e pour objectif de quantifier les besoins totaux en eau des principaux modes de transport urbains de passagers (voitures, trains, systĂšmes de mĂ©tro et tramways). Elle fournit des intensitĂ©s d’utilisation de l’eau par passager-kilomĂštre afin d’Ă©clairer la prise de dĂ©cision et d’amĂ©liorer les performances environnementales du secteur.

M. Stephan et M. Crawford ont utilisĂ© des donnĂ©es de Transport Victoria de 2012, y compris les mĂ©tros Ă©lectriques et le rĂ©seau de tramway de Melbourne. « Nous avons obtenu des rapports assez dĂ©taillĂ©s sur les dĂ©penses financiĂšres des opĂ©rateurs, aussi bien que le nombre total de passagers-kilomĂštres parcourus pour ces modes de transport ». Ensuite, ils ont combinĂ© ces donnĂ©es avec des donnĂ©es d’intensitĂ© d’utilisation d’eau des segments de dĂ©pense (infrastructure, administration, opĂ©rations, fuel, assurances, pneus
) basĂ©es sur des donnĂ©es macroĂ©conomiques dites « input-output » pour pouvoir estimer la quantitĂ© d’eau utilisĂ©e et, en connaissant les passagers-kilomĂštres, calculer une utilisation moyenne d’eau par passager-kilomĂštre.

Analyse de la consommation d'eau des voitures, trains, systĂšmes de mĂ©tro et tramways – Total water requirements of passenger transport modes (2016, AndrĂ© Stephan et Robert H. Crawford) (source : prĂ©sentation d’AndrĂ© Stephan)

Ainsi, l’étude a montrĂ© que les voitures Ă  essence sont les modes de transport les plus intensifs en utilisation d’eau. Elles consomment environ 6,4 litres d’eau par passager-kilomĂštre, si on tient compte d’une occupation moyenne de 1,2 personne par voiture.

Si une personne effectue un trajet quotidien de 25 kilomĂštres aller-retour (soit 50 km par jour) seule en voiture, cela reprĂ©sente un besoin de 320 litres d’eau par jour. C’est l’Ă©quivalent d’environ deux mois d’eau potable pour une seule personne. En comparaison, prendre un train transportant 175 personnes rĂ©duit considĂ©rablement l’empreinte hydrique individuelle.

Ces chiffres soulignent un potentiel d’amĂ©lioration considĂ©rable. Les transports publics et les modes actifs permettent des Ă©conomies trĂšs significatives d’usage indirect d’eau, en particulier concernant la gestion de l’infrastructure, tout en gĂ©nĂ©rant des baisses d’utilisation Ă©nergie et d’émissions de gaz Ă  effet de serre.

« Renoncer Ă  la voiture est un choix de mode de vie qui va au-delĂ  de la simple rĂ©duction de l’empreinte hydrique des transports », insiste M. Stephan. « La possession d’une voiture nous pousse Ă  consommer davantage (plus de trajets, plus d’achats), et ses activitĂ©s de consommation augmente les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre et ont d’autres impacts sur l’environnement ».

Les recherches de MM. Stephan et Crawford soulignent la nĂ©cessitĂ© de prĂ©server notre planĂšte grĂące Ă  des Ă©valuations environnementales du cycle de vie, Ă©clairĂ©es et fondĂ©es sur des donnĂ©es des transports. « L’analyse du cycle de vie est primordiale, car se concentrer uniquement sur les Ă©missions Ă  l’Ă©chappement, comme cela a Ă©tĂ© fait pendant des dĂ©cennies, ne suffit pas pour l’eau », conclut M. Stephan. « Pour intĂ©grer l’eau dans l’agenda environnemental des dĂ©cideurs, il faut absolument cartographier la chaĂźne d’approvisionnement et d’identifier les ‘hotspots’ de consommation d’eau ».

Energie, eau et transports

Le secteur des transports joue un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant dans la demande Ă©nergĂ©tique et peut contribuer de maniĂšre significative Ă  rĂ©duire la consommation d’eau qui y est associĂ©e.

Bien que l’agriculture prĂ©lĂšve et consomme la majeure partie de l’eau douce Ă  l’Ă©chelle mondiale, le secteur de l’Ă©nergie joue un rĂŽle considĂ©rable, Ă©tant responsable de 10 Ă  15 % des prĂ©lĂšvements mondiaux d’eau douce.

Le secteur énergétique face à des utilisations concurrentes de l'eau (source : présentation de Tomås Bredariol)

L’eau est indispensable Ă  de nombreuses Ă©tapes de la production et de la transformation de l’Ă©nergie. Pour le gaz, il faut de l’eau pour le forage, le refroidissement et le traitement. L’extraction du charbon nĂ©cessite Ă©galement de l’eau pour le concassage, le contrĂŽle de la poussiĂšre et le lavage. Les centrales thermiques (y compris nuclĂ©aires) ont besoin de grandes quantitĂ©s d’eau pour le refroidissement. D’aprĂšs TomĂĄs Bredariol, analyste en politique Ă©nergĂ©tique et environnementale Ă  l’Agence internationale de l’Ă©nergie (AIE), « certaines technologies de refroidissement peuvent prĂ©lever beaucoup d’eau mais la restituer, rĂ©duisant ainsi la consommation nette, tandis que d’autres peuvent prĂ©lever moins mais entraĂźner une Ă©vaporation importante donc augmentent la consommation ».

TomĂĄs Bredariol, analyste en politique Ă©nergĂ©tique et environnementale Ă  l’Agence internationale de l'Ă©nergie (AIE) (photo – Gery Nolan)

Certaines sources d’Ă©nergie sont intrinsĂšquement moins gourmandes en eau.  « Le solaire photovoltaĂŻque (PV) et l’éolien, par exemple, sont parmi les Ă©nergies qui utilisent le moins d’eau », confirme M. Bredariol. « Selon les tendances actuelles, leur croissance contribue d’ailleurs Ă  une lĂ©gĂšre rĂ©duction de la consommation d’eau dans le secteur de l’Ă©nergie ». Cependant, toutes les technologies bas-carbone ne sont pas Ă©conomes dans leur usage de l’eau. « Si l’on prend l’exemple du captage et du stockage du carbone, cela implique gĂ©nĂ©ralement une augmentation des besoins en eau dans le secteur Ă©nergĂ©tique ».

Les énergies propres peuvent contribuer à atténuer la crise de l'eau (source : présentation de Tomås Bredariol)

L’eau est un ingrĂ©dient essentiel pour la production de l’hydrogĂšne, et est Ă©galement utilisĂ©e par ses systĂšmes de refroidissement. « Dans le scĂ©nario Net Zero Emissions by 2050 (NZE) de l’AIE, alignĂ© avec l’Accord de Paris, l’utilisation d’eau pour produire les biocarburants et l’hydrogĂšne augmenterait
 mais la forte baisse de l’utilisation des combustibles fossiles entraĂźnerait une rĂ©duction globale des prĂ©lĂšvements et de la consommation d’eau », explique M Bredariol.

Energie et eau : une relation intime

De nombreuses infrastructures Ă©nergĂ©tiques sont vulnĂ©rables aux risques d’inondations et aux sĂ©cheresses, « et parfois de maniĂšre inattendue » ajoute M. Bredariol. Par exemple, le refroidissement des centrales thermiques ne dĂ©pend pas uniquement des volumes d’eau nĂ©cessaires mais aussi de sa tempĂ©rature.

D’autre part, une quantitĂ© considĂ©rable d’énergie est nĂ©cessaire pour extraire, traiter et fournir de l’eau Ă  la sociĂ©tĂ©. Les usines de dessalement, qui fournissent une source alternative d’eau dans les rĂ©gions oĂč elle est rare (au Moyen-Orient, aux États-Unis et en Chine, par exemple), sont particuliĂšrement Ă©nergivores.

Pour attĂ©nuer la pression sur la ressource en eau, il existe de nombreuses pistes. Par exemple, faire des choix qui privilĂ©gient les technologies moins gourmandes en eau, utiliser de l’eau de qualitĂ© infĂ©rieure (recyclĂ©e, de pluie ou saumĂątre) pour des usages comme le refroidissement et le nettoyage. Un meilleur contrĂŽle des systĂšmes d’exploitation peut permettre de rĂ©duire la contamination des eaux rejetĂ©es, qui deviennent ainsi disponibles pour les autres usages.

Mieux connaitre l’impact de l’extraction du lithium sur la ressource en eau douce

De grandes quantitĂ©s d’eau sont Ă©galement nĂ©cessaires pour produire le lithium et d’autres mĂ©taux critiques utilisĂ©s dans les batteries et par les technologies soutenant la production d’énergies « propres » (Ă©oliennes, rĂ©seaux Ă©lectriques
). Aujourd’hui au Chili, afin d’attĂ©nuer le stress hydrique provoquĂ© par leurs activitĂ©s, les mines de cuivre doivent avoir sĂ©curisĂ© au prĂ©alable leur source d’eau douce, souvent par dessalement, avant de recevoir l’autorisation d’exercer. Ces actions peuvent parfois Ă©galement bĂ©nĂ©ficier aux communautĂ©s locales.

Zoom sur l'industrie extractive (source : présentation de Tomås Bredariol)

« L’extraction du lithium, aussi bien que des autres minĂ©raux critiques comme le cobalt, le nickel et le graphite, est au cƓur de dĂ©bats concernant ses impacts environnementaux et sociaux, notamment son impact sur la ressource en eau », selon Dr David F. Boutt, professeur Ă  l’UniversitĂ© du Massachusetts-Amherst, hydrologue et co-auteur de l’article de recherche « The hydrogeology of critical mineral resources relevant to the energy transition » (2025). Les dĂ©bats s’intensifient aujourd’hui en raison de la demande croissante pour le lithium, qui dĂ©passe largement l’offre actuelle, et entraine ainsi une augmentation significative des besoins d’extraction (cf. Les dĂ©fis de la transition Ă©nergĂ©tique pour la mobilitĂ©.).

Pourquoi le lithium ? (source : présentation de David Boutt)

Le lithium est extrait Ă  partir de gisements de diffĂ©rents types, avec des empreintes environnementales variables. Environ 60 % du lithium provient de saumures, environ 30 % des gisements de roches dures (pegmatites), et – c’est plus rĂ©cent – d’argiles.

À l’Ă©chelle mondiale, les saumures se trouvent gĂ©nĂ©ralement dans des zones arides et trĂšs sĂšches, comme dans le ‘triangle du lithium’ en AmĂ©rique du Sud, Ă  la frontiĂšre entre le Chili, la Bolivie et l’Argentine, une rĂ©gion volcanique comportant des bassins fermĂ©s, c’est-Ă -dire oĂč l’eau ne s’Ă©coule pas vers l’ocĂ©an. Environ 60 Ă  70 % du lithium mondial issus de saumures est extrait de cette zone. Au fil des temps, l’eau des bassins s’est Ă©vaporĂ©e, crĂ©ant ainsi des saumures trĂšs concentrĂ©es en lithium.

Les ressources de lithium au niveau mondial et les Ă©tapes d’exploitation (source : Munk, L. A., Boutt, D., Butler, K., Russo, A., Jenckes, J., Moran, B., & Kirshen, A. (2025). Lithium brines: Origin, characteristics, and global distribution. Reviews in Economic Geology, 120(3), 575–597. https://doi.org/10.5382/econgeo.5134)
Les ‘hotspots’ de l’extraction du lithium dans le monde (source : Munk et al., 2025)

« La maniĂšre dont ces gisements se forment au fil du temps a un impact trĂšs important sur leur sensibilitĂ© environnementale, sur l’eau nĂ©cessaire pour extraire ces ressources », prĂ©cise M. Boutt. L’empreinte hydrique de l’extraction du lithium des saumures comporte essentiellement trois volets :

l’utilisation d’eau douce s’écoulant sur le bassin versant des saumures, entrant en compĂ©tition avec les besoins des populations locales ;

– le retrait de saumure elle-mĂȘme : bien que salĂ©e et gĂ©nĂ©ralement non potable ou agricole, elle joue un rĂŽle Ă©cologique important en fournissant des services Ă©cosystĂ©miques importants, aux flamants roses par exemple ;

– La modification des quantitĂ©s d’eau de surface ou souterraines disponibles dans ces zones trĂšs sĂšches risque d’entraĂźner des impacts sur les Ă©cosystĂšmes et les humains Ă  moyen terme.

Les avancĂ©es technologiques sont Ă©galement source d’inquiĂ©tude. « Certaines techniques d’extraction directe de lithium (DLE) par exemple, utilisent beaucoup plus d’eau douce, 100 Ă  200 % de plus que le pompage des saumures », alerte M. Boutt. Bien que potentiellement plus efficaces pour l’extraction, ce genre de technologie pourrait exacerber la pression sur les ressources en eau douce dĂ©jĂ  limitĂ©es (cf. Kirshen, A. B., Moran, B. J., Munk, L. A., Russo, A. A., McKnight, S. V., Jenckes, J., et al. (2025). Freshwater inflows to closed basins of the Andean plateau in Chile, Argentina, and Bolivia. Communications Earth & Environment, 6(1), 177. https://www.nature.com/articles/s43247-025-02130-6).

Il se trouve que l’eau utilisĂ©e pour l’extraction est en rĂ©alitĂ© souvent de « l’eau fossile ». En effet une grande partie de l’eau douce Ă©vaporĂ©e lors des opĂ©rations d’extraction du lithium dans ces rĂ©gions arides provient de prĂ©cipitations tombĂ©es il y a des centaines, voire des milliers d’annĂ©es (3 000 Ă  4 000 ans). Cette ‘eau fossile’ n’est pas rĂ©approvisionnĂ©e par le climat moderne qui connait moins de prĂ©cipitations, ce qui rend son utilisation encore plus critique.

Cette zone du ‘triangle du lithium’ est en stress hydrique important, avec une disponibilitĂ© annuelle de seulement 1 Ă  18 millimĂštres de prĂ©cipitations par an, contre une moyenne mondiale d’environ 160 millimĂštres. Les activitĂ©s de nombreuses entreprises multinationales (chinoises, amĂ©ricaines, chiliennes, corĂ©ennes et europĂ©ennes), en quĂȘte de lithium et d’autres minerais prĂ©cieux, ne font qu’augmenter ce stress. De surcroit, « il est alarmant de constater que certains modĂšles hydrologiques mondiaux surestiment les prĂ©cipitations et l’eau disponible dans ces rĂ©gions, parfois par un facteur de cent Ă  mille, ce qui signifie que la situation est encore plus grave que ce qui est gĂ©nĂ©ralement perçu », s’inquiĂšte M. Boutt.

« Il est nĂ©cessaire de repenser notre approche sur l’eau en ce qui concerne les impacts des activitĂ©s miniĂšres », rĂ©sume M. Boutt. « On doit amĂ©liorer nos connaissances et les intĂ©grer dans des Ă©valuations d’impact environnemental plus holistiques, afin de guider des choix plus judicieux concernant l’utilisation et gestion de l’eau douce dans ces rĂ©gions clĂ©s pour la transition Ă©nergĂ©tique ».

❓ Quelles solutions peut-on mettre en place pour limiter l’impact et la vulnĂ©rabilitĂ© du secteur des transports Ă  la ressource en eau douce ?

MĂ©tĂ©o France prĂ©voit dix fois plus de vagues de chaleur en France d’ici Ă  2100, accompagnĂ©es d’Ă©pisodes pluvieux plus intenses et moins frĂ©quents, augmentant fortement les risques d’inondations urbaines. Ces phĂ©nomĂšnes climatiques mettent Ă  rude Ă©preuve les infrastructures de transport, qui doivent s’adapter pour rester fonctionnelles et durables.

Face Ă  ces dĂ©fis, Colas – filiale du Groupe Bouygues spĂ©cialisĂ©e dans la construction et l’entretien des infrastructures de transport – a dĂ©veloppé StreetADAPT, une dĂ©marche innovante et Ă©volutive pour rendre les villes plus rĂ©silientes.

Cette dĂ©marche concerne l’amĂ©nagement des espaces urbains, en particulier face aux phĂ©nomĂšnes de surchauffe et d’inondation. Elle a pour objectif au niveau hydraulique de ralentir le cheminement de l’eau, d’éviter sa concentration rapide et de maximiser l’infiltration ou la rĂ©tention de « chaque petite goutte » de pluie.

(source : présentation de Véronique Picard-Kapucu)

« Pour adapter l’espace public, nous misons sur un albedo adaptĂ©, des sols et revĂȘtements permĂ©ables, une gestion optimisĂ©e de l’eau, de la vĂ©gĂ©talisation et de l’ombrage », explique VĂ©ronique Picard-Kapucu, chef de service Smart Infrastructure chez Colas.

Chaque projet est conçu selon son contexte local, tenant compte de la rĂ©gion, de l’impermĂ©abilisation du site et surtout du sous-sol. « On s’appuie Ă©galement sur notre expertise interne chez Colas, avec des stations de mesure, des modĂ©lisations microclimatiques, et le gĂ©nie Ă©cologique urbain, pour vraiment proposer des solutions sur-mesure », ajoute Mme Picard-Kapucu.

VĂ©ronique Picard-Kapucu, chef de service Smart Infrastructure chez Colas (photo – Gery Nolan)

Le principe de cette approche innovatrice consiste Ă  capter l’eau Ă  travers des revĂȘtements permĂ©ables avec, sous la surface, des solutions de stockage ou d’infiltration, selon les spĂ©cificitĂ©s du projet : « le choix entre infiltration directe ou stockage dĂ©pend des objectifs locaux et de l’espace disponible, selon que l’amĂ©nageur souhaite des espaces verts pĂ©rennes ou simplement ralentir le flux d’eau pour Ă©viter les inondations », prĂ©cise Mme Picard-Kapucu. Ensuite, l’eau peut ĂȘtre rĂ©utilisĂ©e pour alimenter la vĂ©gĂ©tation dans les bacs, favorisant ainsi l’ombrage. « On vise aussi Ă  limiter le phĂ©nome de concentration rapide des eaux de pluie et la saturation des canalisations, afin de simplifier l’entretien des rĂ©seaux pour les communes et aussi de leur permettre de rĂ©cupĂ©rer le maximum d’eau pour l’arrosage et l’entretien Ă  travers la ville ».

Parmi les rĂ©alisations de StreetADAPT, une zone piĂ©tonne Ă  Nevers rĂ©amĂ©nagĂ©e avec des pavĂ©s enherbĂ©s qui permettent Ă  l’eau Ă  infiltrer plus facilement, et une autre partie est rĂ©cupĂ©rĂ©e pour alimenter un miroir d’eau.  À Ramatuelle, dans la rĂ©gion Provence-Alpes-CĂŽte d’Azur oĂč les tempĂ©ratures moyennes grimpent d’annĂ©e en annĂ©e, de l’eau rĂ©cupĂ©rĂ©e permet d’alimenter les arbres qui vont aider Ă  rĂ©guler la tempĂ©rature.

(source : présentation de Véronique Picard-Kapucu)

Un dĂ©monstrateur Ă  Marseille, dans le cadre du Smartport Challenge 2024 illustre Ă©galement le schĂ©ma de la solution StreeADAPT : l’eau rĂ©cupĂ©rĂ©e par une structure en enrobĂ© permĂ©able permet d’alimenter des bacs vĂ©gĂ©talisĂ©s prĂšs des arrivĂ©es de ferrys, ainsi valorisant l’attractivitĂ© du site.  « L’objectif est de voir si ce dĂ©monstrateur est applicable pour amĂ©nager tous les abords des arrivĂ©es de ferrys pour les rendre plus agrĂ©ables avec de la vĂ©gĂ©tation, des espaces verts pĂ©rennes », prĂ©cise Mme Picard-Kapucu.

(source : présentation de Véronique Picard-Kapucu)

Colas a Ă©galement un centre d’expertise Ă  Lançon-Provence qui sert de laboratoire pour mieux comprendre le fonctionnement de l’eau dans ses revĂȘtements. L’entreprise participe Ă©galement Ă  des groupes et projets nationaux pour faire progresser l’acceptation de ces nouvelles solutions par les donneurs d’ordre. « En tant qu’entreprise, on est dĂ©pendante de tout ce qui est maitrise d’ouvrage. On peut proposer des amĂ©nagements innovateurs, mais les amĂ©nageurs urbains peuvent bien Ă©videmment les refuser », dit Mme VĂ©ronique Picard-Kapucu. « Avec des solutions comme StreetADAPT, il s’agit de changer la vision des choses en passant des systĂšmes actuels de rĂ©cupĂ©ration d’eau dimensionnĂ©s pour des pluies exceptionnelles Ă  la rĂ©cupĂ©ration quotidienne des petites pluies, en intĂ©grant cette approche dĂšs la conception des projets ».

Enjeux liĂ©s Ă  la ressource en eau : l’expĂ©rience SNCF

Tout comme Colas, le Groupe SNCF développe ses expertises et explore des pistes pour faire face à la problématique de la gestion de la ressource en eau douce.

Pour ses activitĂ©s ferroviaires, l’entreprise utilise de l’eau douce principalement pour la maintenance et le nettoyage des rames, l’entretien et les travaux des voies, les espaces verts et le nettoyage (vĂ©hicules de services, gares, locaux
), l’eau potable et sanitaire (pour les employĂ©s et les clients dans les gares, services, commerces
), et la lutte contre les incendies (pour protĂ©ger les abords des voies). La disponibilitĂ© de la ressource en eau devient une prĂ©occupation croissante avec le rĂ©chauffement climatique et les pĂ©riodes de sĂ©cheresse plus longues.

« Il y a un grand risque industriel chez SNCF, Ă©tant donnĂ© les nombreuses opĂ©rations de maintenance des trains directement liĂ©es Ă  l’eau », explique AurĂ©lie de Salinelles, directrice de projet chez SNCF Voyageurs et maĂźtre d’ouvrage pour la direction des opĂ©rations industrielles TGV. « Des restrictions d’eau ou des pollutions pourraient entraĂźner des difficultĂ©s de production, voire, dans le cas des pollutions, la fermeture d’un site ou une interdiction de rejet suite Ă  nos opĂ©rations ». En parallĂšle, le cadre juridique au sujet de l’eau se durcit, avec une augmentation des contrĂŽles et des exigences de conformitĂ© – « ce qui est une trĂšs bonne chose, mais gĂ©nĂšre des risques de contentieux associĂ©s ». Enfin, un risque Ă©conomique et financier est prĂ©sent, bien que le coĂ»t direct de l’eau pour le Groupe SNCF – environ 22 millions d’euros par an comparĂ© Ă  600 millions pour l’Ă©nergie – ne soit pas un dĂ©clencheur immĂ©diat de changement de comportement.

« En effet, malgrĂ© une rĂ©elle prise de conscience et l’identification des risques au sein du Groupe, sans doute liĂ© Ă  cette absence de signaux de prix et aussi aux difficultĂ©s Ă  obtenir des donnĂ©es prĂ©cises sur les consommations et usages de l’eau, la mise en place d’instances de pilotage sur la ressource d’eau est complexe », reconnait Mme de Salinelles.

AurĂ©lie de Salinelles, directrice de projet chez SNCF Voyageurs et maĂźtre d'ouvrage pour la direction des opĂ©rations industrielles TGV (photo – Gery Nolan)

Tous ensemble

Le cadre commun dĂ©cidĂ© en 2023 par cinq sociĂ©tĂ©s anonymes (SA) du Groupe SNCF (SNCF Direction GĂ©nĂ©rale, SNCF RĂ©seau, Rail Logistique Europe, SNCF Gares & Connexions et SNCF Voyageurs), inclut un plan de sobriĂ©tĂ© sur l’eau Ă  court terme, avec des objectifs renouvelĂ©s annuellement. Depuis avril 2025, ce cadre comporte une politique de prĂ©servation de l’eau Ă  moyen et long termes.  Cette politique de l’eau s’articule autour de quatre axes principaux :

  1. SobriĂ©tĂ© et Ă©conomie circulaire, notamment par le traitement de l’eau pluviale et des eaux grises pour diminuer au maximum les prĂ©lĂšvements de l’eau du rĂ©seau.
  2. PrĂ©paration aux Ă©pisodes de sĂ©cheresse, car les opĂ©rations sont fortement dĂ©pendantes de l’eau.
  3. RĂ©duction de l’impact des rejets sur les milieux aquatiques.
  4. Maßtrise des impacts sur la qualité des ressources en eau.

« Un de nos engagements quantitatifs forts est une rĂ©duction de 10 % de la consommation de l’eau potable d’ici 2030 et de 25 % d’ici 2035 pour les sites les plus consommateurs », souligne Mme de Salinelles. « Les technicentres de SNCF Voyageurs sont directement concernĂ©s par cet engagement ».

(source : prĂ©sentation d’AurĂ©lie de Salinelles)

Nettoyage extérieur des trains : vers de nouvelles perspectives

« Le nettoyage des trains est une opĂ©ration assez emblĂ©matique pour SNCF », explique Mme de Salinelles, qui gĂšre le schĂ©ma directeur de nettoyage des rames. Cette opĂ©ration est directement ciblĂ©e par les restrictions d’eau puisque les arrĂȘtĂ©s prĂ©fectoraux interdisent le nettoyage extĂ©rieur des vĂ©hicules dĂšs le niveau d’alerte, ce qui peut impacter les technicentres SNCF jusqu’Ă  trois Ă  quatre mois par an dans certaines zones gĂ©ographiques. En mĂȘme temps, la propretĂ© des trains a une forte visibilitĂ© client et est liĂ©e Ă  l’image de marque – « un aspect d’autant plus important avec l’arrivĂ©e de la concurrence », ajoute Mme de Salinelles. « Et, paradoxalement, un train propre en Ă©tĂ© peut susciter une suspicion de consommation excessive d’eau, en contradiction avec les engagements du Groupe ».

Complexe, ce sujet prĂ©sente une opportunitĂ© pour remettre tout Ă  plat chez SNCF. Le schĂ©ma directeur de nettoyage des rames, validĂ© en mai 2025, vise notamment Ă  Ă©viter le recours au nettoyage manuel, une tĂąche pĂ©nible et coĂ»teuse, et Ă  maitriser les coĂ»ts globaux des opĂ©rations de nettoyage.  Ces deux objectifs s’articulent autour de trois axes :

  1. Proposer plus d’opportunitĂ©s de nettoyage, notamment en trouvant des solutions de report pour les trains ne pouvant ĂȘtre nettoyĂ©s localement en raison de restrictions.
  2. Réemploi et adaptation des installations existantes (plutÎt que de construire de nouvelles installations) afin de les rendre plus résilientes et performantes.
  3. Limiter la consommation d’eau et amĂ©liorer les installations grĂące au recyclage de l’eau et Ă  l’utilisation de l’eau pluviale pour Ă©viter les prĂ©lĂšvements sur le rĂ©seau en pĂ©riode de restriction.
(source : prĂ©sentation d’AurĂ©lie de Salinelles)

Ce plan d’actions nĂ©cessite une remise en question des techniques de nettoyage. Les tunnels de lavage fermĂ©s, sont trĂšs performants et recyclent l’eau en circuit fermĂ©, mais coĂ»teux et peu adaptables aux infrastructures existantes en France. « Ils sont trĂšs utilisĂ©s en Allemagne et au Luxembourg ou encore en Suisse, car leur intĂ©gration est prĂ©vue dĂšs la crĂ©ation de leurs technicentres », explique Mme de Salinelles. Les installations fixes extĂ©rieures, utilisĂ©e en gĂ©nĂ©ral par SNCF Ă  travers la France, permettent un recyclage et un traitement partiel des eaux usĂ©es. Le nettoyage manuel, encore pratiquĂ© en France et surtout en Espagne, est considĂ©rĂ© comme une solution Ă  abandonner chez SNCF en raison de sa consommation d’eau importante et de sa pĂ©nibilitĂ© pour les agents. Finalement, le nettoyage mobile, beaucoup utilisĂ© en Italie et actuellement Ă  l’essai sur un des technicentres de SNCF, « offre plus d’agilitĂ© et des gains de performance en traitement et recyclage d’eau ».

L’opĂ©rateur ferroviaire travaille également avec les fabricants pour Ă©tudier l’utilisation de l’eau pluviale, dont le pH trĂšs acide exige une adaptation des machines Ă  laver. Le traitement des eaux usĂ©es est un autre sujet d’Ă©tude. Un projet de nettoyage Ă  sec sans recours Ă  la ressource en eau est Ă©galement en phase de dĂ©veloppement, et pourrait rĂ©volutionner l’approche du nettoyage des rames.

 « Nous prenons progressivement conscience de notre impact et de notre vulnĂ©rabilitĂ© Ă  la ressource en eau douce », rĂ©sume AurĂ©lie de Salinelles. « et aprĂšs avoir participĂ© Ă  cette sĂ©ance de Futura-Mobility, on peut se dire qu’il faut encore accĂ©lĂ©rer ! »

L’innovation au service de la micromobilitĂ©

En marge des prĂ©sentations sur l’eau, pour clĂŽturer cette sĂ©ance de Futura-Mobility, Étienne Sana, PDG de Mooviatec, a introduit une innovation dans le domaine de la mobilitĂ©. Futura-Mobility a en effet pour objectif d’éclairer aussi les solutions permettant d’accroĂźtre le bĂ©nĂ©fice sociĂ©tal.

La jeune entreprise commercialise des gyropodes, dont la technologie de gyrostabilisation a été initialement conçue pour un fauteuil roulant capable de monter les escaliers.

Ces fauteuils, contrĂŽlĂ©s par l’inclinaison du corps, offrent une mobilitĂ© active aux personnes Ă  mobilitĂ© rĂ©duite, leur permettant d’ajuster leur hauteur, de franchir des marches ou des rampes. Mooviatec les propose Ă©galement comme des solutions de micromobilitĂ© urbaine, capables de remplacer une voiture en ville, avec une vitesse de 20 km/h et une autonomie de 30 km. Innovation trĂšs prometteuse et Ă  suivre !

Ajouter un commentaire

13 − 12 =