📌 Electric Road Systems, vers la décarbonation du transport routier
📌 Electric Road Systems, vers la décarbonation du transport routier
Lors de la session du 19 juin, Futura-Mobility, les intervenants et les invités ont pu partager l’état d’avancement de divers projets de routes électriques (ERS) en Europe, les technologies mises en oeuvre, et discuter plus largement le rôle des ERS dans la décarbonation du transport routier.
« La dernière décision de l’UE vise à réduire les émissions du transport routier par camion, autobus et autocar de 45 % d’ici 2030, 65 % d’ici 2035 et 90 % d’ici 2040 pour atteindre la neutralité carbone en 2050 », rappelle Bernard Jacob, conseiller principal de recherche, ingénieur général des ponts et chaussées à l’Université Gustave Eiffel et secrétaire du TC2.3 (fret), Association mondiale de la route (PIARC, voir encadré).
Soixante-quinze à 80 % des marchandises dans l’UE sont actuellement transportées par la route, « le seul secteur où les émissions ont augmenté depuis 1990 en raison de l’accroissement du trafic », ajoute M. Jacob.
Compte tenu de la nécessité urgente de décarboner le transport routier, l’ERS (la recharge des véhicules en mouvement) est l’une des voies explorées. Étant donné que l’électricité est facile et peu coûteuse à transporter, mais difficile à stocker, l’idée est d’appliquer aux routes la distribution de l’électricité comme elle est distribuée dans le système ferroviaire. Dans cette perspective, les principales technologies explorées sont la conduction aérienne, la conduction terrestre et l’induction.
Le biodiesel, le biogaz, l’hydrogène et les e-carburants, ainsi que les véhicules à batterie et les stations de recharge constituent d’autres voies de décarbonation des routes.
Aujourd’hui, 7 à 8 % de biodiesel sont introduits dans le diesel standard pour le transport routier. Mais les secteurs de l’agriculture et de l’alimentation seront toujours en concurrence avec les transports. Le biogaz (biométhane) est produit à partir de déchets organiques dont la quantité disponible est limitée même si, en France notamment, le gouvernement vise à augmenter la production annuelle de 11,6 TWh actuellement à 30 TWh d’ici à 2030. Il reste à voir quel rôle le biogaz jouera dans la couverture des besoins des routes pour atteindre les objectifs de l’UE en matière de réduction d’émissions. Dans le secteur des transports, la biomasse devrait clairement être réservée aux modes de transport qui n’ont pas beaucoup de choix de carburants alternatifs, comme l’aviation par exemple.
« Le biodiesel et le biogaz sont des solutions incomplètes et éphémères », estime M. Jacob. « Elles sont faciles à mettre en œuvre aujourd’hui, mais elles ne feront pas l’affaire à long terme ».
Il y a quelques années, l’hydrogène a été présenté comme l’énergie de l’avenir, et cela pourrait bien être le cas. Mais M. Jacob, lui, n’est pas convaincu, citant son faible rendement en matière d’électrolyse et la concurrence avec l’industrie pour son utilisation. Idem pour les e-carburants, auxquels il reproche « un rendement encore plus faible que l’hydrogène sur l’ensemble de la chaîne et des prix relativement élevés ». Selon lui, « l’hydrogène et les e-carburants sont des solutions de niche, coûteuses pour le transport routier ».
Batteries et stations de recharge. L’électrification des poids lourds au moyen de batteries et l’installation de stations de recharge le long du réseau routier est une solution progressive qui peut être introduite dès maintenant, sans limitation. En revanche, des méga-stations de recharge seront nécessaires pour répondre à la demande, et des problèmes se posent en ce qui concerne le coût et le poids des batteries pour les camions, le besoin de matériaux critiques pour les batteries, la durabilité des batteries et leur recyclage. « Si l’on considère que 80 à 90 % des véhicules seront entièrement électrifiés d’ici 2035 dans l’UE, nous serons confrontés à un problème majeur pour répondre à la demande de stations de recharge, en raison du manque d’espace et de puissance », souligne M. Jacob. « Néanmoins, cette solution est vitale pour favoriser l’adoption des camions électriques », plaide-t-il.
L’ERS en Europe et en France
En Europe, le concept ERS prévoit que certaines autoroutes, mais pas toutes, soient équipées de systèmes ERS. Sur cette base, en France notamment, un réseau de 8 850 km pourrait potentiellement être déployé (voir diapositive ci-dessous) – selon des études réalisées pour le Ministère de l’Écologie en 2021. « Grâce au dimensionnement, nous avons pu connaître les volumes de trafic sur les différentes parties du réseau, et nous avons estimé la puissance nécessaire sur chaque segment pour les camions », explique Marc Raynal, directeur du développement, pôle Infrastructures, Transports et Mobilité, Cerema (Centre français d’études sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’urbanisme). « Nous avons évalué qu’un réseau de 8 800 km est l’optimum économique pour les camions ».
Un tel réseau permettrait aux camionneurs n’importe où en France de se trouver à seulement 125 km d’une route électrifiée. Avec une autonomie de 250 km, il serait possible d’atteindre n’importe quelle destination et de revenir sur la route électrifiée en une seule charge. Autre élément clé du concept : « si la quantité d’électricité nécessaire est la même que pour les bornes de recharge, elle sera répartie le long des autoroutes à raison de 4 mégawatts par km, au lieu d’une concentration d’environ 50 mégawatts », explique M. Jacob.
Selon les chiffres du Cerema, le coût pour les camions utilisant ce réseau ERS de 8 850 km – environ 0,3 à 4 euros par km et par camion – serait légèrement supérieure, presque à coût égal, à celle des camions diesel circulant aujourd’hui sur les routes. En revanche, une autonomie de 130 km, au lieu des 450 ou 750 km actuellement nécessaires aux camions avec ou sans recharge en cours de route, serait suffisante pour un réseau de 15 000 km, qui n’a pas été retenu à ce stade.
Les avantages de l’ERS sont évidemment des économies en termes de taille et d’autonomie des batteries nécessaires aux camions ERS, ainsi qu’une réduction significative des ressources critiques nécessaires (pour construire les batteries) et des émissions de gaz à effet de serre provenant des batteries utilisées (en analyse de l’ensemble du cycle de vie).
En outre, le coût total de possession (TCO) est un argument de vente clé pour l’ERS. Moins de poids pour la batterie signifie plus de charge utile. En effet, une analyse du Comité national routier français (CNS) montre que l’ERS engendrerait un moindre coût total de possession des véhicules par rapport à d’autres solutions de décarbonation.
« Chez Scania, nous savons que l’ERS est une opportunité fantastique et très efficace de réduire les émissions de CO2. Si l’on électrifie 3 % des routes les plus empruntées par les camions, on peut réduire les émissions de CO2 de 60 %, ce qui est énorme », s’enthousiasme Gilles Baustert, directeur du marketing, de la communication et des affaires publiques de Scania France. « Cependant, nous savons aussi que nos clients, les transporteurs, ne peuvent pas être la partie ajustable en matière de coûts et d’investissements – ils doivent être en mesure de gagner leur vie ».
Hélène Quévremont, directrice technique, environnement et innovation, Organisation des Transporteurs Routiers Européens (OTRE), est d’accord pour dire que les coûts de l’ERS pour les transporteurs doivent absolument être pris en compte. Surtout lorsqu’il s’agit de l’électricité et des camions électriques. « La marge dans le transport étant très faible, environ 2 %, les transporteurs ont besoin d’une stabilité des prix de l’électricité. De plus, à l’heure actuelle, un camion électrique coûte trois fois plus cher qu’un camion diesel ».
« Les économies réalisées grâce à l’ERS ne proviendront pas de l’infrastructure, mais des batteries des camions utilisant ce réseau », ajoute M. Raynal.
Le coût du déploiement du réseau ERS de 8 800 km prévu en France est estimé entre 30 et 40 milliards d’euros. Il s’agit d’un investissement important, mais qui ne nécessite pas de financement de l’État avec le modèle commercial des concessions, par exemple.
Présentations par les principaux fournisseurs de solutions
- Conduction par sol
👉 Alstom a développé une solution de conduction par le sol (APS, Alimentation par le sol), dérivée de la solution mise en œuvre pour le tramway, en service à Bordeaux depuis 20 ans, puis dans plusieurs autres villes. Une piste d’alimentation intègre une succession de segments de 11 m de long en deux lignes parallèles (l’une pour l’alimentation et l’autre pour le retour du courant). Elle est installée au milieu d’une voie de circulation dans la couche supérieure de la chaussée (à 6 cm de profondeur). Les segments de la voie d’alimentation sont activés sous les véhicules équipés tandis que les autres sont éteints. Le véhicule est équipé d’un dispositif collecteur de courant qui se déploie automatiquement lorsque le véhicule se trouve au-dessus du rail. Les sabots collecteurs de courant sont soutenus par un bras articulé qui suit les segments, quelle que soit la position latérale du véhicule dans sa voie. Les segments sont alimentés par des sous-stations électriques installées tous les 1 km et pouvant fournir jusqu’à 500 kW par camion. Les premiers essais ont été réalisés sur une piste d’essai Volvo près de Göteborg en Suède entre 2012 et 2016. Le système a ensuite été amélioré par Alstom afin d’augmenter le niveau de transfert de puissance, la résistance au dérapage et d’atténuer les pertes de courant en présence de sel dans les conditions hivernales.
Un projet de démonstration, « eRoadMontBlanc », est en cours en France depuis 2023, avec une piste d’essai à Transpolis près de Lyon en 2024 et une première section de route électrique permanente prévue sur la RN205 en 2025.
👉 La start-up suédoise Elonroad propose une solution ERS conductrice intégrée à la route. Elle comprend de courts segments d’un mètre de long où l’énergie est activée. L’électronique de la route transmet l’énergie utilisée par chaque véhicule, et il est également possible de contrôler qui peut charger (si les conducteurs ont payé leurs factures) et de réguler les pics de puissance.
« L’un des avantages de nos rails encastrés est qu’ils disposent d’une alimentation électrique interne, de sorte que le câblage de la centrale électrique n’est nécessaire qu’une fois tous les deux kilomètres à partir du bord de la route. Cela facilite et accélère la construction », explique Dan Zethraeus, directeur technique, fondateur et responsable de l’innovation.
L’équipement de charge embarquée comprend un contact coulissant (pick-up), installé sous le véhicule, ainsi qu’un chargeur et une batterie. Pour garantir une charge régulière et parfaite, le pick-up s’ajuste de manière à toujours suivre le rail, avec l’aide de caméras pour assurer un positionnement correct.
Outre la construction de deux routes d’essai dans le nord et le sud de la Suède, la start-up a construit en juin 2023 une nouvelle route en Belgique, à la périphérie de Bruxelles. Elle participe également au projet Charge as you Drive en France.
- Recharge par induction
La technologie d’Electreon « offre une solution de charge complète, en combinant la charge sans fil statique et dynamique, pour répondre à tous les besoins des véhicules », explique Itai Koren, chef de produit. « La force de notre technologie réside dans le fait qu’elle est totalement modulaire et indépendante des véhicules – elle peut prendre en charge n’importe quel type de véhicule ». En outre, Electreon fournit une plateforme logicielle pour gérer l’ensemble de l’infrastructure – à la fois pour le côté charge (assemblage au sol) et pour les flottes de véhicules électriques.
En 2020, l’entreprise a installé 1,6 km d’ERS pilote à Gotland, en Suède, pour démontrer les multiples cas d’utilisation de sa solution. Depuis, plus de 20 projets sont en cours dans le monde entier, notamment en Italie, en Allemagne, aux États-Unis, en Israël et en France, où elle participe au projet Charge as you Drive visant à déployer la recharge dynamique sur l’autoroute A10.
- Caténaires
👉 Avec des décennies d’expérience dans le secteur ferroviaire à son actif, il est logique qu’Equans soutienne la solution de système caténaire pour ERS. « Pour ERS, nous offrons une solution mature basée sur la même conception électrique que pour les systèmes caténaires ferroviaires », déclare Gaëtan Texier, développement international, Equans. « Nous avons l’expérience et le savoir-faire nécessaires à la construction de caténaires, quel que soit l’environnement ». L’entreprise a mis en place des pilotes ERS en Allemagne depuis 2018, « et tous fonctionnent bien », rapporte M. Texier.
À noter, le système caténaire est la seule solution ERS qui ne fonctionne pas pour les véhicules plus légers.
État des lieux de l’ERS en Suède – « coûteux, certes, mais intéressant »
« La base de l’électrification du trafic routier en Suède est la recharge statique », explique Jan Pettersson, directeur de programme, Trafikverket (administration suédoise des transports, ministère des transports). « Mais nous pensons que nous avons besoin d’un complément à cette recharge statique, et l’ERS pourrait être l’une des pièces du puzzle. Nous analysons également d’autres technologies et solutions telles que l’hydrogène et l’échange de batteries ».
Pour acquérir des connaissances sur la construction, l’entretien et l’exploitation des systèmes de recharge électrique, Trafikverket a testé quatre technologies dans des situations de trafic réelles sur des sites de démonstration dans toute la Suède. Dans le cadre de ces démonstrations, entre 2016 et 2020, Siemens et Scania ont mis toutes les technologies à l’épreuve. « Les tests en Suède, aujourd’hui démontés, ont prouvé que les technologies fonctionnent parfaitement, même dans des conditions météorologiques difficiles », confirme M. Baustert de Scania France.
Trafikverket prépare maintenant la phase de passation des marchés. Le projet, qui devrait être lancé à la fin de 2025, prévoit la construction d’une première section permanente de 21 km d’ERS sur l’autoroute E20 entre les villes de Hallsberg et Örebro, toutes deux situées au milieu du triangle logistique entre Stockholm, Göteborg et Malmö. La méthode de recharge pour l’E20 n’a pas encore été décidée entre les trois types de recharge, caténaire, conduction au sol et induction.
À plus long terme, « notre analyse montre que la construction de 2 400 km d’ERS en deux phases pourrait être positive d’un point de vue socio-économique. C’est le projet de la Suède », résume M. Pettersson.
L’Association mondiale de la route (PIARC), la plus grande organisation mondiale pour l’administration des routes, compte actuellement près de 3 000 membres (gouvernements, autorités régionales, entreprises, universités, particuliers) dans 142 pays. « Les autorités routières nationales manifestent un grand intérêt pour l’ERS dans le monde entier », confirme M. Pettersson de Trafikverket, également membre du PIARC.
ERS en Allemagne – projets nationaux et transnationaux
L’Allemagne a également passé la dernière décennie à expérimenter les technologies ERS, principalement les systèmes de caténaires, et récemment l’induction. Trois voies d’essai, installées par Siemens, circulent dans tout le pays depuis 2019 et 2021 avec des caténaires, dont la plus longue fait 17 km, et une voie avec induction (duraBAST) est installée près de Cologne.
Parallèlement, les initiatives ERS en cours en Allemagne comprennent EnERSyn (2022-2025), qui évalue les synergies potentielles de l’ERS avec les technologies de charge stationnaire, et E-Core, un projet transnational et technologiquement neutre qui a démarré en octobre 2023 et durera trois ans. Ses participants étudient différentes technologies pour un corridor électrifié associé à la recharge stationnaire (donc une combinaison de recharge dynamique et stationnaire) pour les poids lourds, de Rotterdam à Budapest à travers les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Autriche et la Hongrie. « Toutes les études menées par les différents partenaires de ces pays devraient aboutir à un concept de corridor européen », explique Giverny Knesevic, conseillère scientifique à l’Institut pour la protection du climat, l’énergie et la mobilité (IKEM).
Alors que ses pistes d’essai vont prendre fin dans les mois à venir, quelle sera la prochaine étape pour l’Allemagne en matière d’ERS ? Démanteler ou transformer en routes ERS permanentes ? « Il y a beaucoup de discussions en ce moment en Allemagne », déclare Mme Knesevic.
L’une des priorités de l’équipe du projet E-Core est de renforcer la visibilité de l’ERS et de ses différentes technologies au niveau de l’UE. « À ce jour, bien que l’ERS fasse partie de la réglementation sur les carburants alternatifs, il n’est pas reconnu comme une infrastructure alternative équivalente à la recharge stationnaire », souligne Mme Knesevic.
Recharge dynamique par induction – le projet Arena del Futura, Italie
Le projet pilote italien Arena del Futura teste la technologie d’Electreon pour la recharge dynamique par induction. L’équipe (voir encadré) a mesuré l’efficacité du système sur un circuit d’essai spécialement conçu par by A32 – BREBEMI à cet effet, en utilisant un véhicule léger (Fiat 500) et un bus électrique E-WAY de 12 mètres d’IVECO Bus, équipé de la connectivité et de la technologie de recharge nécessaires. Les résultats ont montré :
– une efficacité de transfert d’énergie de 80 à 87 % pour la charge dynamique, en fonction de la façon dont les nombreux véhicules sont alignés avec les bobines installées sous l’asphalte ;
– 91-92 % d’efficacité pour la charge statique.
A32 – BREBEMI, ABB, Electreon, IVECO, IVECO BUS, Mapei, Pizzarotti, Politecnico di Milano, Prysmian, Stellantis, TIM, FIAMM Energy Technology, Università Roma Tre, Università di Parma, Vigili del Fuoco and Ministry of the Interior – Polizia Stradale.
Organisations, partenaires industriels, universités et institutions internationales dans le projet Arena del Futura
« Nous avons également mesuré le flux magnétique dans le bus, en fonction de la hauteur par rapport au sol, à différents endroits à bord et à différentes vitesses (15, 30 et 50 km/h) », explique Dario Zaninelli, professeur titulaire au département de l’énergie du Politecnico di Milano. Dans ce cas, les résultats ont montré des niveaux inférieurs au seuil autorisé, selon la directive de l’UE, pour l’exposition humaine aux champs électromagnétiques.
« Nous testons actuellement la sécurité du système en cas d’accident de la route, en collaboration avec les pompiers italiens, ainsi que ses performances sur des véhicules commerciaux pour la distribution de marchandises dans les zones urbaines », résume le professeur Zaninelli.
eRoadMontBlanc – vers l’avant et vers le haut
Projet collaboratif de système d’alimentation au sol et au contact, eRoadMontBlanc, lancé en juin 2023 dans la vallée de Chamonix-Mont-Blanc, a des objectifs ambitieux en matière d’ERS : totaliser 50 000 km en mode ERS ; être la première route électrique en montagne avec une pente moyenne de 4 % ; assurer un transfert de puissance jusqu’à 500 kW pour les poids-lourds. « Le niveau de puissance transférée quel que soit le nombre de poids lourds par km est un véritable différentiateur et un argument clé en faveur de la solution APS », souligne Patrick Duprat, directeur de la compétitivité des infrastructures et de la R&D d’Alstom.
Son consortium de cinq partenaires français comprend Alstom, fournisseur de la route ERS, qui fournit son système d’alimentation par le sol APS ; Pronergy, fabricant d’électronique de puissance embarquée, qui fournit les véhicules pour le projet ; l’Université Gustave Eiffel, qui joue plusieurs rôles dans les essais et la R&D du revêtement routier, la création de jumeaux numériques, la construction de pistes d’essai et l’évaluation de la technologie ; Greenmot, spécialiste du rétrofit de véhicules industriels, qui fournit un poids lourd ; et la société concessionnaire d’autoroutes ATMB qui accueillera et exploitera la section ERS sur son réseau.
La première phase, en cours, consiste à construire une piste d’essai et à utiliser deux véhicules de test pour valider toutes les fonctionnalités du service (branchement des camions, moyens de paiement, etc.) et la sécurité – afin d’obtenir l’autorisation d’aller sur la voie publique. Ensuite, en 2025, un premier tronçon permanent d’autoroute ERS sera opérationnel entre la France et l’Italie, dont un tronçon d’un kilomètre dans le tunnel du Mont Blanc, à 1 000 mètres d’altitude.
« L’objectif est d’atteindre le niveau de maturité 7 ou 8 avec cette démonstration sur route ouverte », résume M. Duprat. « Avec ce projet, nous prévoyons de construire la première route électrique permanente pour l’exploitation de trois types de véhicules afin de démontrer l’interopérabilité. Il s’agira de la première route électrique pouvant accueillir jusqu’à 200 véhicules ERS par jour, et aussi de la première route construite en montagne avec une forte pente ».
Charge as you Drive
Deux technologies, quatre catégories de véhicules et deux sites d’essai différents. Le projet Charge as you Drive, en France, vise à faire la démonstration de l’ERS sur l’autoroute A10, au sud-ouest de Paris. D’une durée de trois ans à partir de 2023, il fait suite à un appel d’offres lancé par BPI France (banque d’investissement du secteur public français) pour des projets visant à décarboner la mobilité.
Le consortium gagnant et les membres associés (voir ci-dessous) équiperont les premiers tronçons d’autoroute sur de plus longues distances, pour un usage commercial, en vue d’un déploiement plus large de l’ERS sur l’ensemble du réseau autoroutier français – comme le propose L’autoroute électrique, une étude publiée en 2021 par le ministère français des Transports.
« L’ERS est une solution pour combler le fossé entre les objectifs de la SNBC 2* et ceux de FitFor55 en complétant l’électrification des poids lourds », déclare Nicolas Hautière, directeur du COSYS (département composants et systèmes) à l’Université Gustave Eiffel.
Nota : *SNBC 2 est la stratégie nationale bas carbone qui définit la feuille de route française pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). FitFor55 est la nouvelle loi européenne sur le climat de 2021 qui vise à réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2030).
Attendre et voir
Les intervenants de cette session de Futura-Mobility s’accordent à dire que l’ERS a le potentiel de contribuer à la décarbonation du transport routier de marchandises et que les technologies sont désormais éprouvées. Quelle est la prochaine étape ?
Le financement et les décisions, tout d’abord. « Les investissements privés, par exemple, permettraient de démarrer plus rapidement que si l’on attendait le soutien de l’État, et de soutenir l’électrification progressive des routes autoroutières ciblées », estime M. Jacob. Mais ce n’est pas tout. Des discussions au niveau européen sont également nécessaires pour essayer de se mettre d’accord sur un système unique ou au moins des systèmes compatibles. En effet, il est crucial de décider de la technologie (idéalement une, deux au maximum) à utiliser partout en Europe à l’avenir. Comme le souligne Gilles Baustert, Scania peut en gérer deux – charge par le sol et conduction aérienne, l’une sur le dessus, l’autre sous le châssis – sur le même camion. Mais pas toutes. En outre, plus le véhicule est équipé, plus il est lourd et coûteux et plus il consommera d’énergie en roulant.
« Chez Equans, nous travaillons actuellement sur le financement pour construire la solution et sur les décisions à prendre au niveau des gouvernements, des pays et de l’Europe en ce qui concerne des aspects tels que la compatibilité et qui investit quoi », ajoute M. Texier.
En attendant, il semble que le mot d’ordre soit d’attendre et de voir ce qui se passera. Des équipementiers comme Scania attendent la mise en place de l’infrastructure. L’Allemagne, pionnière de l’ERS, « observe ses voisins, la Suède et les Pays-Bas, ainsi que la France, avec les différentes technologies ERS ». De nombreuses petites et moyennes entreprises de transport s’en tiennent pour l’instant aux camions diesel, jusqu’à ce que des décisions à plus long terme soient prises.
Pourtant, l’ERS pourrait bien faire partie des routes de demain. « C’est une installation complémentaire à la recharge en station, et le meilleur moyen de résoudre le problème du foncier pour les nouvelles aires de stationnement des e-camions », souligne M. Texier.
« L’ERS est une brique, un élément de la route du futur », projette M. Hautière. « Cette route sera sûre, connectée et conçue pour la mobilité/e-mobilité propre ».