Julie Duclercq, Ternwaves : la révolution des objets connectés – novembre 2022
Julie Duclercq, Ternwaves : la révolution des objets connectés – novembre 2022
Par Joëlle Touré, déléguée générale, Futura-Mobility
Le 7 novembre 2022, le think tank Futura-Mobility recevait Julie Duclercq, CEO de Ternwaves, qu’elle a fondée avec deux autres personnes tout aussi solides, Bruno Jechoux et Jean-Xavier Canonici, cumulant à eux trois 75 ans d’expérience dans le domaine des télécommunications.
Ternwaves a la particularité d’être « sortie du bois » comme le dit la fondatrice, une fois la technologie complètement mature, testée et prête à être commercialisée. Un partenariat avec le CNRS a permis de faire valider les avancées par des scientifiques indépendants de la startup. Pour Julie Duclercq, « il était très important pour nous, vu la rupture technologique qu’on apporte, que les détracteurs éventuels et concurrents ne puissent pas trouver un cas d’usage où la technologie serait faillible ». Elle ne l’est donc pas.
Grâce à sa technologie brevetée dans le monde entier, Ternwaves révolutionne en effet l’internet des objets (IoT). La technologie consiste à connecter des objets avec des stations terrestres ou satellitaires. Jusque-là rien de révolutionnaire, ses concurrents plus connus comme LoRA – qui détient plus de la moitié des parts mondiales de ce marché – ou SigFox le font également.
Sauf que la technologie de Ternwaves, appelée Golden Modulation, résout la limitation cruciale en capacité de ces réseaux IoT (nombre d’objets que le réseau peut gérer simultanément). Et cela en étant capable de faire communiquer un objet même avec un satellite géostationnaire à 36 000 km de la surface de la Terre et pas seulement avec ceux qui évoluent sur des orbites plus basses. Pas étonnant qu’en quelques mois la startup ait remporté 4 prix d’innovation sur 4 participations !
Une efficacité ouvrant à de futurs cas d’usage
LA grande force de la technologie apportée par Ternwaves est sa fiabilité. Elle permet de connecter, sur une surface donnée, bien plus d’objets que ses concurrentes avec une très grande fiabilité. Une des contraintes majeures des technologies des concurrents est le risque de collision entre les messages émis par des objets qui se connectent en même temps sur la même bande de fréquence, provoquant des effondrements de réseau lorsque le nombre d’objets devient trop important.
« Dans le secteur, les opérateurs considèrent que leur réseau est bien fonctionnel lorsque 90 % des messages envoyés par les objets sont bien reçus par le réseau. Avec la Golden Modulation, on permet à 10 000 objets présents sur un kilomètre carré d’envoyer un signal à une station terrestre de façon fiable. Avec les autres technologies actuelles, ce degré de fiabilité tombe à partir de 100 objets, » illustre Mme Duclercq.
La rupture technologique est donc réalisée par la jeune pousse toulousaine. Or demain, on peut imaginer qu’en ville ou même à la campagne, il y ait à la fois des capteurs sur les véhicules – autonomes ou non, dans les maisons avec la domotique, sur les voies, les chantiers, les réseaux, dans les champs, etc. La tant attendue smart city pourra peut-être tenir ses promesses !
Autre avantage, la technologie est ultra résistante au brouillage et furtive, car les signaux émis « se mélangent aux bruits environnants et donc indétectables », affirme la dirigeante. Ce qui sur les zones de guerre ou en cas de conflit « froid » permet de résister aux attaques et de continuer à capter des données sensibles.
Des économies d’énergie et donc de maintenance
La technologie avancée par Ternwaves promet d’utiliser seulement 10 % de la puissance d’un smartphone pour un message envoyé à un satellite géostationnaire. L’économie d’énergie de la liaison a des conséquences très importantes en termes de gestion pour les clients industriels. Elle permet d’ores et déjà d’envisager des émetteurs dotés de batteries plus petites… voire pas de batterie du tout si un jour les fabricants de composants arrivent à utiliser les sources d’énergie entourant les composants, comme les écarts de températures, les vibrations, les ondes, etc.
A court terme, cela permet déjà d’allonger très significativement les délais nécessaires entre deux opérations de maintenance de ces émetteurs-récepteurs, voire de 10 à 15 ans avec un capteur consommant très peu d’énergie.
Une technologie déployable rapidement et dans les deux sens
Le modèle d’affaires de Ternwaves repose sur la vente de licences de cette technologie, cette technologie étant fournie sous forme logicielle. Et ce logiciel peut être porté sur les stations terrestres et satellitaires qui ont une architecture reprogrammable (SDR) sans nécessité de changement matériel. Ainsi cette technologie Golden Modulation peut même être portée sur des satellites déjà en orbite, en effectuant une mise à jour à distance. Cette technologie est compatible avec différents protocoles et notamment ceux les plus utilisés aujourd’hui. Elle peut aussi être installée facilement sur les objets eux-mêmes en utilisant des composants électroniques du marché.
En outre, la Golden Modulation permet d’opérer des connections dans les deux sens. Les capteurs peuvent envoyer une information à une station et la station lui renvoyer un ordre. Ainsi les objets connectés ne sont potentiellement plus de simples capteurs de données mais peuvent aussi être utilisés comme agents in situ.
Elle permet aussi si besoin de géolocaliser un objet sans réseau GNSS avec une précision d’une centaine de mètres, ce qui peut parfaitement convenir à certains cas d’usage, comme le tracking de conteneurs par exemple. Les composants GNSS sont très énergivores et limitent fortement l’autonomie des objets. Pouvoir s’en affranchir permet d’atteindre des autonomies de plusieurs années.
Ternwaves est certainement une future licorne en perspective. Le marché qui s’ouvre à elle rien qu’en 2023 est « d’1,7 milliards d’objets connectés avec les stations terrestres et sept millions avec les satellites », d’après Mme Duclercq. On espère que les trois fondateurs de l’entreprise sauront résister aux attaques qu’ils ne doivent pas manquer de subir et aux offres de rachat alléchantes, pour poursuivre le développement de cette belle pousse française jusque dans les étoiles !
Pour aller plus loin d’un point de vue technique :
Pour prendre le temps d’écouter les explications de Julie Duclercq :
Photo de couverture : Terence DEWAELE