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📌 La décarbonation des mobilités en zone rurale, par les usages

Par : Lesley Brown 8 novembre 2024 no comments

📌 La décarbonation des mobilités en zone rurale, par les usages

Déjà exprimé en France lors de la crise des gilets jaunes en 2018/19, puis de nouveau dans les urnes, la disparition des services et des centres de convivialité dans les zones rurales créé un sentiment de malaise chez les habitants.

En termes de mobilité, l’enjeu est triple : prendre soin aussi des habitants de ces zones trop souvent dans l’angle mort, leur permettre de sortir de la dépendance à la voiture individuelle, décarboner les mobilités.

Lors d’une séance de Futura-Mobility en septembre 2024, les systèmes de mobilité alternatifs à la voiture individuelle dans les zones peu denses ont été explorés.

Loin d’opposer les différentes solutions, le principal enseignement de la séance est que ces différentes solutions sont tout à fait complémentaires. Plus l’offre sera riche en milieu rural – comme elle l’est dans les grandes villes – plus les habitants pourront se passer de leur voiture individuelle. Il s’agit donc de créer un « choc d’offre », bien calibré selon le flux et les distances à parcourir de façon à permettre la bascule d’usage entre la voiture individuelle à moteur thermique et des modes de transport moins carbonés.

Illustration de Thomas Matagne d’Ecov reprenant un document d’Aurélien Bigo

En Suisse – électrification, modes partagés et interfaces multimodales

Pour s’orienter vers une mobilité durable demain, la Suisse travaille sur plusieurs axes dont l’amélioration continue de l’offre en transports publics et de l’infrastructure ferroviaire, la promotion des modes doux en particulier le vélo, la promotion des modes partagés et de la multimodalité, l’électrification, etc.

Il y a aussi des mesures moins adoptées en France, comme la coordination des transports avec l’aménagement du territoire. Au travers de plusieurs instruments de planification, comme le Plan sectoriel des transports « Mobilité et territoire 2050 », le Programme en faveur du trafic d’agglomération ou encore la Perspective RAIL 2050, les interactions et interdépendances entre territoire et mobilité sont prises en compte pour une meilleure cohérence entre le développement souhaité des activités et de l’urbanisation et le développement des réseaux de transport.

Entre 2018 et 2023, la part de véhicules purement électriques dans les nouvelles immatriculations en Suisse a grimpé de 1.8 % à 20.7 %. Ceci est notamment le résultat de la mise en place en 2018 d’une Roadmap pour la mobilité électrique, pilotée par la Confédération et rassemblant de nombreux acteurs importants de l’économie, du secteur public, d’associations et d’ONG ainsi que du monde scientifique. Cependant, il faut garder à l’esprit que « pour décarboner les transports en Suisse à l’horizon 2050, comme partout ailleurs, il faudra combiner plusieurs mesures », résume Sara El Kabiri, experte en politiques de mobilité au sein de l’Office fédéral du développement territorial ARE.

La Suisse est un petit pays majoritairement rural, selon le critère de superficie. Par rapport à la France, l’espace rural en Suisse concentre une part assez faible de la population et des emplois, ceux-ci étant fortement concentrés dans les agglomérations.

Source : présentation de Sara El Kabiri

Pourtant, le pays a réalisé des efforts conséquents pour permettre à l’ensemble de la population d’être très fortement connectée, avec un taux d’équipement en services (voir le slide ci-dessus) y compris l’Internet haut débit, assez important. A titre d’exemple, « 97 % de la population suisse habite à moins de 5 km d’une gare ferroviaire, et l’on enregistre que peu de différence entre la ville et la campagne pour ce qui est de la distance à l’arrêt de transport public le plus proche. », souligne Mme El Kabiri.

Cependant, malgré cette bonne connectivité des transports au niveau national, la voiture individuelle reste indispensable, en particulier dans certaines zones rurales. « La qualité de la couverture du territoire par les transports publics est en fait assez différenciée. », explique Mme El Kabiri. « L’offre y est moins riche et les cadences moins fréquentes, l’amplitude horaire n’est pas la même non plus, ce qui réduit la part d’utilisation. ». Pour le ferroviaire toutefois, « la couverture très large du territoire, l’horaire cadencé et la culture ferroviaire très ancrée en Suisse constituent des avantages notables. ».

C’est dans ce contexte que la Suisse réfléchit à la manière de décarboner ses transports. « On peut s’appuyer sur la qualité du réseau ferroviaire, certes, mais il faut aussi développer des interfaces multimodales de qualité au bon endroit, et promouvoir les autres modes de déplacement comme par exemple le vélo », souligne Mme El Kabiri.

Selon la Perspective RAIL 2050, l’orientation générale se concentre sur le développement de l’offre sur les moyennes et courtes distances et un maintien de la qualité de l’existant.

Pourquoi ? « D’une part, pour avoir une certaine cohérence avec l’aménagement du territoire – densifier vers l’intérieur, soit là où il y a déjà du bâti ou une concentration d’équipements, de populations et d’emplois ; d’autre part, on regarde où l’on pourrait avoir le maximum de potentiel de transfert modal. », clarifie Mme El Kabiri. Dans cette optique, dans les espaces ruraux, le focus sera mis sur l’électrification des modes de transport individuel motorisés, mais pas uniquement. « Nous allons travailler sur les modes partagés tels que le covoiturage et nous mettrons également l’accent sur les interfaces multimodales ».

Source : présentation de Sara El Kabiri

Avec ces interfaces, l’idée est notamment d’aller chercher les personnes qui habitent dans les territoires périphériques ou moins denses et de les amener, avec d’autres moyens de transport, vers les nœuds régionaux des transports publics. Pour les espaces ruraux, ce sera autour des gares régionales, avec des park & ride, bike & ride, des vélo-stations, le covoiturage, ou encore les nouvelles formes de mobilité.

En 2021, une convention a été signée par la Confédération, les cantons et les communes, donc les trois niveaux territoriaux, afin de développer ces interfaces multimodales.

Retour en France avec les vélos et véhicules intermédiaires

Le vélo ne se pratique pas uniquement en ville, mais également en agglomération et en milieu rural. Cependant, en France « en agglomération, la sécurité est le premier frein à l’utilisation du vélo »,signale Etienne Demur, co-président et porte-parole de la Fédération française des Usagers de la Bicyclette (FUB). « Donc si on veut développer l’utilisation du vélo en dehors des villes, il faut travailler sur cet axe-là ».

Etienne Demur, co-président et porte-parole de la Fédération française des Usagers de la Bicyclette (FUB).

L’approche pragmatique adoptée par la FUB insiste sur des leviers à actionner très rapidement et sur l’utilisation de l’existant (voies, routes, pistes). La proposition de l’association est avant tout de travailler sur le plan de circulation, une méthode « prouvée dans différents pays et dans différents contextes », comme le rappelle M. Demur. Il s’agit de canaliser le trafic automobile sur certaines routes du réseau français et de l’apaiser sur d’autres, afin de permettre une répartition des trafics automobile et vélo sur des routes distinctes. « Avec ce plan de circulation, nous voulons ouvrir une partie du réseau routier à la mobilité plus vulnérable en supprimant ou en diminuant significativement le danger que représente l’automobile », explique M. Demur. « Il ne s’agit pas d’interdire la voiture ».

Source : présentation d’Etienne Demur

Avec ce plan de circulation, la FUB espère se rapprocher le plus possible de quelque chose de réalisable sur le terrain, en utilisant des voiries existantes et « sortir de ce cliché selon lequel pour faire du vélo, il faudrait une piste cyclable au bord des départementales ».

En sécurisant ainsi ce réseau cyclable en zone rurale, la FUB obtiendra rapidement des résultats, car, comme le rappelle M. Demur, beaucoup de gens savent faire du vélo et/ou possèdent déjà un vélo. « On peut garder sa voiture mais transformer l’usage. On peut utiliser ces pistes sécurisées pour les trajets de moins de 5 km, par exemple, à la place de la voiture ».

En plus de ces avantages, sécuriser la pratique du vélo dans les petites agglomérations et en zone rurale permettra de valoriser le territoire pour les habitants et aussi d’attirer des touristes.

« En zone rurale en France, les enjeux les plus importants portent sur les moyennes et longues distances du quotidien, où les alternatives en transports en commun n’existent pas, », explique Antoine Dupont, directeur général de La Fabrique des Mobilités, une association soutenue par l’Ademe (Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) et qui vise à accélérer l’expérimentation de solutions innovantes permettant de décarboner les mobilités.

Antoine Dupont, directeur général de La Fabrique des Mobilités

Face à ce constat, l’Extrême Défi de l’Ademe, une initiative lancée en 2022, vise à accélérer l’émergence des véhicules intermédiaires (VELI) en menant des expérimentations dans les territoires ruraux et périurbains. Il s’agit de quadricycles à pédales et de vélos augmentés (VELI actifs), ainsi que de scooters augmentés et assimilés à des voitures (VELI passifs). « Ces véhicules intermédiaires sont très légers et facilement réparables, pour un coût d’utilisation bien plus faible qu’une automobile classique », ajoute M. Dupont.

Source : présentation d’Antoine Dupont

La Fabrique des Mobilités mène actuellement, dans le cadre du programme Extrême Défi de l’Ademe, des expérimentations de véhicules intermédiaires auprès de collectivités territoriales rurales et péri-urbaines.

Parmi les cas d’usages en test, des agents municipaux qui utilisent un VELI passif à la place d’automobiles classiques pour faire des trajets entre villes. Ou du ramassage scolaire organisé entre parents, élèves et un agent municipal avec un vélo bus, « où il y a aussi un objet pédagogique derrière », ajoute M. Dupont.

En parallèle, l’Ademe accompagne aussi les acteurs des VELI, des TPE et PME, à rencontrer des collectivités, à trouver des terrains d’expérimentation et des aides financières.

« Pour certains de ces acteurs il y a la problématique de trouver du financement pour industrialiser leurs dispositifs » souligne M. Dupont. « Certains VELI passifs, même de petite taille, nécessitent plusieurs millions d’euros pour aller jusqu’à une série industrielle, avec l’homologation qui va avec ».

Pour accélérer le développement de cette offre et l’industrialisation des VELI, le plan d’investissement France 2030 apporte un financement à hauteur de 15 millions d’euros pour Extrême Défi.

 « En Chine le marché des véhicules intermédiaires explose et va bientôt arriver en Europe », conclut M. Dupont.

La voiture, autrement

Les Français sont particulièrement dépendants de la route et de la voiture. Cette dernière est en effet utilisée pour 81 % des kilomètres parcourus en France[1]. 86 % des Français utilisent leur voiture pour réaliser au moins un déplacement du quotidien[2] et parmi eux, 51 % souhaiteraient s’en passer mais estiment qu’ils ne peuvent pas. Cette proportion augmente à 60 % en zone périurbaine et 67 % en zone rurale[3]. D’ailleurs, l’infrastructure routière en France est quatre fois plus étendue qu’ailleurs en Europe (voir le slide ci-dessous).

Source : présentation d'Antoine Dupont

Là où il n’y a pas d’alternative, pourquoi, dans ce cas, les automobilistes ne partagent-ils pas leur véhicule ? Selon une étude de Vinci Autoroutes, plus de 80 % des automobilistes en France préfèrent rouler seuls plutôt que de partager leur véhicule. Ce n’est pas habitude, par confort, par envie de reconnaissance sociale, ou tout simplement parce que les français aiment leur voiture, mais plutôt parce qu’ils associent le partage à la contrainte.

Pour radicalement diminuer la charge mentale associée au partage de trajets, mailler les territoires et contribuer à décarboner les transports, Ecov propose un nouveau service public : des lignes de covoiturage. L’idée générale : covoiturer comme on prend le bus en transformant la voiture en mode de transport collectif.

Source : présentation de Thomas Matagne

En termes de parcours utilisateur, une ligne de covoiturage express est semblable à une ligne de transport collectif comme les autres, à la différence que les sièges libres sont proposés par les voitures en circulation.

Réseau de covoiturage MCovoit Ligne + dans l’Aire Grenobloise. Source : Ecov

Les conducteurs circulent sur leur trajet habituel. Ils passent naturellement par les arrêts, peuvent signaler leur passage via une application et emmener les passagers qui attendent aux arrêts. Pour un passager, l’expérience est semblable à un transport en commun de qualité : sans réservation, fréquent et fiable. Les passagers se rendent à l’arrêt le plus proche, font leur demande de covoiturage sur leur application et attendent le premier conducteur qui s’arrête. Ils montent ensuite à bord et valident comme dans un bus.

Les arrêts sont pensés pour être adaptés à un report de l’autosolisme et à un parcours intermodal, via la liaison avec d’autres transports collectifs et la présence d’infrastructures de mobilité actives aux arrêts de covoiturage, pensés comme des hubs de mobilité.

Arrêt de covoiturage sur la Ligne Lane, entre Lyon et Bourgouin – Jallieux. Source : Ecov

Les lignes de covoiturage offrent un service fréquent : en 2023, 97 % des trajets effectués sur les lignes opérées par Ecov ont enregistré un temps d’attente inférieur à 10 minutes. Sur certaines lignes à haut niveau de service, les usagers ont la certitude de partir grâce à la mise en place d’une garantie départ mobilisée dans 1 % des cas sur l’année 2023.

Les lignes de covoiturage ont été récemment intégrées dans les Services Express Régionaux Métropolitains (SERM), au sein des Services Express Routiers (S.E.R)[5] qui sont composés des lignes de car express et des lignes de covoiturage express. Les S.E.R composent la brique routière des SERM, à déployer à court terme, mais ont également vocation à être déployés en dehors du périmètre des étoiles ferroviaires.

Thomas Matagne, président fondateur d’Ecov, a présenté le potentiel d’un réseau de transport express pour tous, qui inclue les lignes de RER, les lignes de car express et les lignes de covoiturage. Un tel système multimodal, peut permettre de mailler le territoire très finement et ainsi offrir une solution de transport fréquente, rapide, et fiable à moins de 10 minutes du domicile de 80 % de la population.

Source : Ecov

A ce sujet, Ecov a récemment publié un livre blanc intitulé « Un transport express pour tous dans la France qui conduit » qui a bénéficié des contributions du Cerema, du Laboratoire Ville, Mobilités, Transports, du WWF et de l’Institut Mobilités en Transition.

Thomas Matagne, président & fondateur, Ecov

Autre solution, technologique et comportementale cette fois, l’électrification des voitures et leur partage pourra également jouer un rôle dans la décarbonation des transports.

« Il y a beaucoup d’endroits en France où il y a très très peu d’offre de transport et où la voiture et l’autosolisme sont rois », souligne Olivier Rossinelli, directeur général d’Agilauto Partage. « Donc on a voulu apporter une solution pour d’abord combler le vrai problème de leasing sociale – 84 % des Français aujourd’hui sont dans l’incapacité financière d’acheter un véhicule électrique ».

Olivier Rossinelli, directeur général d'Agilauto Partage

Le leasing social a été mise en place en France en janvier 2024. Conçu pour permettre aux Français d’accéder aux véhicules électriques construites en France ou en Europe – à moins de 100 euros par mois pour les citadines et 150 euros pour les familiales – ce dispositif a été victime de son succès. Plus de demande que prévu et un manque conséquent de financement ont mené le gouvernement à mettre fin à cette mesure seulement six semaines après son lancement.

L’évolution de la construction automobile vers des véhicules plutôt hauts-de-gamme est une deuxième bonne raison pour lancer Agilauto Partage. Grâce à son application, les utilisateurs peuvent réserver un véhicule partagé en quelques clics et le récupérer dans des points de stationnement. L’autopartage en milieu rural est une alternative permettant d’éviter la possession du 2ème véhicule. « Nous nous focalisons sur les milieux ruraux, car c’est ici que se situe la vraie nécessité », souligne M. Rossinelli.

Le ferroviaire

Plutôt bon élève en matière d’émissions de carbone, le ferroviaire pourrait participer davantage à l’effort collectif pour décarboner la mobilité rurale.

« Au sein de SNCF, des projets innovants et des activités sont en cours dans une logique de reconquérir les territoires », explique Olivier Melquiot, directeur du programme Trains très légers au sein de la direction Tech4Mobility chez SNCF. Il s’agit de matériels très légers ne dépassant pas 20 tonnes, qui roulent à 70 ou à 100 km/h et rabattent le flux de passagers sur des gares existantes. Cette approche vise à encourager un report modal et ainsi contribuer à décarboner la mobilité en zone rurale. « L’ADN historique de SNCF, c’est la vitesse et beaucoup de voyageurs », observe M. Melquiot. « Avec ces projets légers, c’est totalement l’inverse. »

Olivier Melquiot, directeur du programme Trains très légers au sein de la direction Tech4Mobility chez SNCF

Le projet le plus ‘ferroviaire’, Draisy, est conçu pour dynamiser les petites lignes en assurant l’interconnexion avec les TER grâce à un train léger sur rails. Avec 30 places assises et 80 places debout, ce véhicule entièrement électrique, avec recharge rapide à quai, peut rouler à 100 km/h au maximum.

Un peu moins « ferroviaire », Flexy est un véhicule route/rail développé avec Milla et Michelin pour desservir de petites lignes. « Cette navette, qui roule à 70 km/h, permet d’aller chercher les gens chez eux, à l’arrêt de bus, à la mairie, au collège, puis, comme Draisy, de faire du rabattement vers les gares », explique M. Melquiot.

Une troisième catégorie de projets légers chez SNCF concerne les emprises ferroviaires délaissées : à Carquefou, par exemple, une telle emprise est reconvertie en voie dédiée aux véhicules autonomes.

« Ces projets légers fonctionnent en mode consortium avec leadership SNCF et un cofinancement de l’État et du consortium », résume M. Melquiot.  « Pour chaque projet, les équipes travaillent entre trois à quatre ans au maximum pour arriver à un site d’expérimentation ».

Transports publics et transports à la demande – complémentaires

En tant qu’opérateur de transports en commun, Keolis aborde la question de la décarbonation des territoires en examinant comment proposer la meilleure offre dans les territoires, tout en tenant compte des contraintes, en premier lieu le coût pour la collectivité. « Keolis joue un rôle de conseiller et explore également la manière de repenser l’offre existante en analysant les services, les comportements, les besoins et les synergies possibles », explique Arnaud Julien, directeur Innovation, Data & Digital de Keolis.

Arnaud Julien, directeur Innovation, Data & Digital de Keolis

Parmi les leviers, Keolis mise notamment sur la tarification et le marketing. « Pour faire connaître l’offre des transports publics, le marketing constitue un véritable levier », confirme Arnaud Julien. Dans des cas de contraintes budgétaires très fortes des collectivités locales, Keolis propose une approche financière innovante : construire dans une enveloppe budgétaire donnée (100 000 €, 200 000 €, …) une offre multimodale qui capitalise sur les offres existantes en y associant de nouveaux services pour maximiser la pertinence et l’usage de toutes les mobilités partagées : covoiturage, lignes de bus, les arrêts, le transport à la demande, etc.

Keolis opère un grand nombre de services de Transport à la Demande tel que Flex’Hop, le service de transport en commun sur réservation de la Compagnie des transports strasbourgeois (CTS). Exploité depuis 2021, il s’agit d’un réseau de transport à la demande (TAD) 100 % électrique. Il complète l’offre de mobilité sur 25 communes de l’Eurométropole de Strasbourg.  En service de 5 heures à minuit tous les jours, Flex’Hop compte aujourd’hui 20 000 voyages par mois.

« Le transport à la demande (TAD) – qui s’apparente aujourd’hui à un service entre un Uber et un bus – n’est pas nouveau, il existe depuis au moins 50 ans », rappelle Claire Duthu, COO de Padam Mobility, une start-up qui conçoit et développe des solutions de TAD grâce à des algorithmes, et qui a travaillé avec Keolis sur Flex’Hop.

« Ce qu’on voit aujourd’hui, c’est la démocratisation du TAD grâce aux avancées technologiques, comme l’innovation digitale, et aux téléphones portables, qui permettent d’optimiser les offres et de les rendre plus fines, réactives et attractives ».

Claire Duthu, COO de Padam Mobility
Source: Claire Duthu's presentation

« Le transport à la demande est l’une des solutions pour décarboner les transports, car il réduit la dépendance à la voiture individuelle et permet également d’améliorer l’efficacité des transports en commun », avance Mme Duthu. « Par ailleurs, l’utilisation générale de véhicules de petite taille est encore un point positif. »

Padam est actuellement présent au Canada et au Maroc, ainsi que dans une douzaine de pays en Europe, et sur 160 territoires en France.

Dans les airs

Spécialiste des technologies hybrides électriques pour décarboner l’aviation, Ascendance a le regard résolument tourné vers les avions régionaux dans un premier temps. « Nous travaillons pour décarboner le transport aérien et désenclaver les régions, notamment les zones rurales », confirme Vincent Joséphine, sales & marketing lead.

Vincent Joséphine, sales & marketing lead, Ascendance

« Il existe plusieurs technologies permettant de décarboner les transports », explique-t-il. « Dans l’aviation, on parle ainsi notamment de tout-électrique et d’hydrogène. En revanche, notre conviction est que l’hybridation, c’est-à-dire la combinaison d’un moteur thermique avec un pack de batteries électriques, est la solution la plus tangible et la plus pertinente pour la décarbonation, car elle permet d’atteindre le meilleur équilibre entre performance, rayon d’action de l’avion et réduction des émissions de CO2 ».

Pour y parvenir, Ascendance propose deux solutions : la conversion (« retrofit ») des avions régionaux existants en avions hybrides-électriques grâce à STERNA, un système de propulsion hybride électrique ; et ATEA, un aéronef VTOL (Vertical Take Off & Landing) ‘Powered by Sterna’, donc hybride électrique.

En cours de certification, ATEA décolle et atterrit en mode vertical comme un hélicoptère avec des rotors intégrés aux ailes, puis passe en mode croisière comme un avion à l’aide de propulseurs horizontaux et d’ailes qui lui confèrent une portance. Conçu pour connecter les zones mal desservies par les moyens de transports traditionnels, ATEA a une autonomie de 400 km et peut transporter jusqu’à quatre personnes en plus du pilote. Avec 450 kg de charge utile et près de 600 avions déjà pré-commandés par ses clients, d’autres cas d’usages seront couverts comme : le transport médical d’urgence ou la logistique.

Source : présentation de Vincent Joséphine
Source : présentation de Vincent Joséphine

L’entrée en service de l’aéronef est prévue pour 2028. « Nous ne remplacerons pas l’intégralité des hélicoptères qui volent bien sûr, ni la voiture », conclut M. Joséphine. « Nous avons surtout une approche multimodale pour amener de la complémentarité dans nos usages et répondre à de vrais besoins en matière de mobilité régionale ».

Ascendance figure parmi les start-ups citées par Bpifrance Le Hub et France Industrie dans leur Mapping 2024 des Startups françaises actrices de la Décarbonation et de la Réindustrialisation.

Des freins à lever pour offrir plus de solutions

Les transports publics, cadencés ou à la demande, la voiture partagée, électrique, ou en covoiturage, le vélo, et même l’avion… Tous les modes de transport ont effectivement un rôle à jouer dans cette transition vers une mobilité rurale décarbonée.

Cependant, de nombreux défis sont encore à relever, comme, par exemple, le manque actuel de bornes de recharges électriques en zone rurale.

Impact carbone ou impact social ? Faut-il choisir ? Mme Duthu de Padam Mobility souligne qu’une offre de TAD va créer des trajets qui n’existaient pas forcément auparavant. Mais, « qu’avec la bonne offre de service de TAD, c’est compatible », elle rassure.

Il existe par ailleurs une prise de conscience que l’électrification n’est pas la seule et unique solution à ce défi de décarbonation.

Le plus gros frein est certainement l’état des finances publiques et la volonté –  ou la capacité ? – des autorités organisatrices des mobilités à proposer un ensemble de solutions de transport pour créer un véritable choc d’offres alternatives en zone rurale. Certaines régions s’y mettent mais cela reste encore malheureusement l’exception.

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