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💡 L’avenir des think tanks dans un monde bouleversĂ©

Par : Lesley Brown 15 février 2021 no comments

💡 L’avenir des think tanks dans un monde bouleversĂ©

28 janvier 2021 : Ă  l’occasion de la parution mondiale du rapport Global Go To Think Tank Index 2020 – le 15e Ă©dition du rĂ©pertoire rĂ©alisĂ© par l’UniversitĂ© de Pennsylvanie – l’Institut de Relations Internationales et StratĂ©giques (IRIS) a organisĂ© un webinaire pour explorer l’univers des think tanks aujourd’hui, et demain.

Au panel, Jacques Audibert, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du groupe Suez ; Vanessa Burggraf, directrice de la rĂ©daction francophone de France 24 ; le gĂ©nĂ©ral de corps d’armĂ©e Luc de Rancourt, directeur gĂ©nĂ©ral adjoint des relations internationales et de la stratĂ©gie du ministĂšre des ArmĂ©es ; et Marie-Pierre Vedrenne, dĂ©putĂ©e europĂ©enne, vice-prĂ©sidente de la commission du Commerce international au Parlement europĂ©en.

Pour ouvrir la dĂ©bat, les intervenants ont expliquĂ© les relations qu’ils entretiennent avec les think tanks et comment ils exploitent leurs travaux et expertises.

Pour un groupe international comme Suez, prĂ©sent dans 110 pays dans le monde, il y a intĂ©rĂȘt Ă  Ă©changer et Ă  approfondir sa connaissance des pays oĂč il est implantĂ© ou souhaite s’installer. D’oĂč le rĂŽle des think tanks. « Les ONG et think tanks sur place sont des trĂšs prĂ©cieuses sources d’information pour nous », confirme M. Audibert. Mais ce n’est pas tout. Un deuxiĂšme enjeu pour Suez est celui de la responsabilitĂ© sociale et environnementale de  l’entreprise « qui est aujourd’hui un sujet majeur ». Dans ce contexte, il ne suffit plus d’échanger avec les interlocuteurs habituels comme les financiers, les fournisseurs et les partenaires. « Il faut Ă©clairer davantage le paysage grĂące aux travaux de recherche, aux Ă©changes et aux travaux approfondis que nous commandons aux think tanks ou que nous faisons rĂ©aliser dans les pays oĂč nous travaillons », note M. Audibert.

France 24, qui traite de l’actualitĂ© internationale 24h/24 sur 4 chaines, francophone, anglophone, arabophone et hispanophone, voit les think tanks comme « un vivier d’experts et d’analystes », explique Mme Burggraf. Ils aident Ă  dĂ©crypter cette information internationale, ils alimentent les dĂ©bats. En outre, les publications des think tanks sont des vĂ©ritables sources d’information pour les journalistes.

Selon Mme Vedrenne, les chercheurs des think tanks permettent aux membres du Parlement et de sa Commission de « conforter ou de confronter des opinions, des idĂ©es pour bĂątir des politiques publiques europĂ©ennes qui soient efficaces et dĂ©fendent les intĂ©rĂȘts europĂ©ens ». De plus, l’échelle de temps n’est pas la mĂȘme. Pendant que les responsables politiques travaillent dans un temps court avec, en plus, la pression de la sociĂ©tĂ© civile, les chercheurs font l’expĂ©rience du long terme – ce qui permet de prendre le recul nĂ©cessaire dans ce monde accĂ©lĂ©rĂ©. « C’est essentiel d’ĂȘtre accompagnĂ© par les chercheurs dans ce monde d’aujourd’hui en transition pour pouvoir prendre les bonnes dĂ©cisions, pour Ă©clairer les dĂ©cisions
 », souligne Mme Vedrenne.

Le GĂ©nĂ©ral Luc de Rancourt parle « du lien extrĂȘmement Ă©troit » entre le MinistĂšre des ArmĂ©es et les think tanks, surtout pour la recherche stratĂ©gique. Il souligne les points forts des think tanks comme leur vision indĂ©pendante, la possibilitĂ© d’explorer des champs pluridisciplinaires, et l’originalitĂ© de leurs approches.

‘Think tanks have increased in number; the scope and impact of their work have also expanded dramatically. Still, [their potential] to support and sustain democratic governments and civil societies around the world is far from exhausted.’ 

Source : Global Go To Think Tank Index 2020, p.17

Les think tanks français

Avec 275 think tanks, la France est classĂ©e 6e aprĂšs les Etats-Unis, l’Inde, la Chine, le Royaume-Uni et la CorĂ©e du Sud (voir ci-dessous).

« Un bon score », remarque le GĂ©nĂ©ral Luc de Rancourt, qui considĂšre que l’environnement pour les think tanks en France est moins favorable que pour leurs homologues anglo-saxons. Ses raisons ? « Une rĂ©alitĂ© politique, acadĂ©mique, institutionnelle et administrative qui est trĂšs diffĂ©rente du monde anglo-saxon ; un certain cloisonnement entre les diffĂ©rents milieux en France ; et une sociĂ©tĂ© assez rĂ©tive Ă  l’égard des financements privĂ©s qui n’arrĂȘtent pas nos partenaires anglo-saxons ».

Source : Global Go To Think Tank Index 2020, p.44

En effet, il semble que les think tanks français aient besoin d’un coup de pouce pour mieux ĂȘtre valorisĂ©s. « Aux cĂŽtĂ©s du Parlement europĂ©en on voit des think tanks, typiquement allemands, qui sont trĂšs prĂ©sents et qui ont beaucoup de moyens », ajoute Mme Vedrenne. « Peut-ĂȘtre que c’est Ă  nous, responsables politiques, d’encourager et de valoriser davantage les think tanks français ».

Le GĂ©nĂ©ral Luc de Rancourt rejoint Mme Vedrenne sur ce point. Il alerte sur le rĂŽle de l’État français pour assurer et soutenir un vivier des jeunes chercheurs qui explorent de nouveaux domaines. « Il y a vraiment un enjeu autour de ce vivier pour notre pays. On a besoin d’expertise de plus en plus pointue et en mĂȘme temps un Ă©largissement des champs dans lesquels nous, le MinistĂšres des ArmĂ©es et tous les politiques publiques, agissons ».

‘Increasingly, think tanks are a global phenomenon because they play a critical role for governments and civil societies around the world by acting as bridges between knowledge (academia) and power (politicians and policymakers).’

Source : Global Go To Think Tank Index 2020, p.17

Quel avenir pour les think tanks ?

Au-delĂ  de la pandĂ©mie de Covid-19 et des consĂ©quences Ă©conomiques qui en dĂ©coulent, l’annĂ©e 2020 a Ă©tĂ© un accĂ©lĂ©rateur de tendances et a renforcĂ© les dĂ©fis auxquels le monde sera confrontĂ© : lutte contre le changement climatique, lutte contre les inĂ©galitĂ©s, rivalitĂ© Chine / Etats-Unis, dĂ©sinformation, meilleure prise en compte des enjeux de sĂ©curitĂ© humaine, etc. Dans ce contexte, en 2021 et au-delĂ , quels rĂŽles peuvent jouer les think tanks ?

« Un monde paisible et uniforme ça n’existe pas ! Des bouleversements, il y en a toujours », rappelle M. Audibert, qui est convaincu du rĂŽle d’« éclaireurs » des think tanks avec cette capacitĂ© qu’ils ont de penser et travailler ensemble, rapidement et efficacement sur des sujets pointus. « Plus le monde est complexe et bouleversĂ©, plus les entreprises, l’administration et les dĂ©cideurs auront besoin d’éclairage ».

Dans un monde oĂč la dĂ©sinformation, le « fake news », circule librement et vite sur les rĂ©seaux sociaux et chaines digitales, nous avons, plus que jamais, besoin de structures comme les think tanks pour lutter contre ce phĂ©nomĂšne. « On a besoin d’experts qui dĂ©montent les infox », confirme Mme Burggraf.

“The government and the general public alike are relying on think tanks to inform their thinking, especially in an age of increased disinformation, an active assault on truth, and democratic decay.”

John Allen, Brookings Institution (Global Go To Think Tank Index 2020, p.23)

Au niveau du Parlement, Mme Vedrenne est convaincue que les think tanks vont continuer Ă  contribuer Ă  apprĂ©hender les enjeux – pour le bien commun – et qu’il faut les soutenir. « Les dĂ©cideurs doivent accompagner les think tanks et valoriser leur diversitĂ© car c’est important de travailler avec une vision globale ».

Comme l’exprime le GĂ©nĂ©ral Luc de Rancourt, « l’avenir des think tanks n’est pas sombre. Encore faut-il que l’écosystĂšme dans lequel ils Ă©voluent puisse contribuer Ă  leur essor ».

Photo de couverture : Luisella Planeta Leoni – Pixabay