Xavier des Minières, DMS Logistics : l’IA au service des flux – janvier 2023
Xavier des Minières, DMS Logistics : l’IA au service des flux – janvier 2023
En janvier 2023, Futura-Mobility a rencontré Xavier des Minières, cofondateur de DMS Logistics, une jeune pousse française spécialisée dans la gestion et l’anticipation des flux logistiques terrestres des conteneurs. Implantée à Marseille depuis 2020, en 2021 DMS est reconnue par l’ADEME comme « solution innovante pour les ports ». Aujourd’hui sa plateforme d’intelligence artificielle (IA) est déployée sur les ports en Europe, en Afrique de l’Est et en Amérique du Nord.
Futura-Mobility : Parlez-nous des origines de DMS Logistics.
Xavier des Minières : DMS est née du besoin de trouver des solutions face à la forte congestion des plateformes portuaires mondiales. Cette congestion entraine des retards sur toutes les chaînes logistiques et donc des pollutions supplémentaires, notamment pendant l’attente des navires au large. Il faut savoir qu’en 2018, le transport maritime européen a entrainé le rejet de près de 139 millions de tonnes de CO2, soit plus que le transport automobile. L’attente au large reste proportionnellement la partie du voyage la plus impactante.
FM : Comme abordez-vous cette problématique ?
XdM : La solution de DMS fait appel à l’intelligence artificielle pour le traitement des données. On agrège toutes les données fournies par les systèmes d’information sur les terminaux à conteneurs. C’est là qu’il y a le plus de données : sur la partie maritime, la partie terrestre et une partie des douanes. Ici se concentrent les informations de cette chaîne logistique d’armateurs, de transitaires, de chargeurs, etc. C’est à ce niveau-là qu’on peut travailler le plus facilement. On ajoute aussi aux données portuaires des données externes, comme la météo ou le trafic routier. Une fois ces données aspirées, on les standardise, on les analyse grâce des algorithmes créés par DMS Logistics.
FM : Comment votre processus se traduit-il sur le terrain ?
XdM : Aujourd’hui avec notre processus de traitement des données, on permet une plus grande automatisation du métier de gestionnaire des opérations d’un terminal à conteneurs. On peut automatiser la collecte de données et son traitement afin de permettre aux ports de gérer plus efficacement ses opérations, aussi bien sur terre que sur mer. Les ETA (estimated time of arrival) des marchandises et les dates de sortie des conteneurs du terminal sont prédites, par exemple.
Grace à ces informations, des optimisations vont être proposées au gestionnaire du terminal, concernant les ressources à mettre en place et les missions à donner à chacune de ces ressources.
Puis, bien évidemment, il y a une évaluation automatique des performances. L’objectif d’un gestionnaire des opérations d’un terminal, c’est de s’assurer qu’il dépense le moins possible de ressources – carburant ou ressources humaines – pour un service le plus performant possible.
La donnée est cruciale. On traite des millions et des millions de lignes. Mais il est tout aussi important que le produit qu’on propose soit intelligible et surtout utilisable dans la vie réelle, avec les réalités du terrain. L’outil offre des fonctionnalités très ciblées sur les missions du gestionnaire du terminal, avec des indicateurs de performance pour les guider dans ces opérations. Par exemple, concernant les missions données aux grues, on indique la possibilité ou non de les décaler en cas d’imprévus sur le terrain.
FM : Quel est votre modèle économique ?
XdM : On commercialise notre outil auprès des opérateurs de terminaux à conteneurs. Au démarrage, on facture la mise en place de l’outil car l’aspiration des données est longue. Puis on facture à chaque conteneur traité, autour de 50 centimes. A savoir qu’aujourd’hui 800 millions conteneurs transitent à travers le monde par an.
FM : Quelles économies sont possibles grâce à votre outil ?
XdM : Aujourd’hui on arrive à faire économiser au gestionnaire environ 15 % de ses dépenses opérationnelles simplement en permettant une réduction de l’utilisation des ressources dans les pays où les ressources sont chères – typiquement la France ou l’Espagne. Les économies sont réalisées à la fois sur les ressources humaines à déployer mais aussi sur l’énergie dépensée.
Les grues fonctionnent au fuel ou à l’électricité. Optimiser le nombre de mouvements permet de faire des économies d’énergie. Éviter d’allumer une machine toute la journée quand ce n’est pas nécessaire, cela contribue en outre à la décarbonation des terminaux à conteneurs. L’outil permet de suivre la performance carbone, et de réduire l’empreinte. Avec ces réductions de gaspillage énergétique, on économise 1 kg de CO2 par conteneur, ce qui a permis à notre outil d’être référencé par l’ADEME comme « solution innovante pour les ports durables » !
FM : Quelles seraient les opportunités et les menaces pour DMS Logistics ?
XdM : Côté marché, étant donné le contexte actuel – la crise des conteneurs, les supers profits des compagnies maritimes, les grands investissements dans le secteur… – on sait qu’on est dans le bon secteur !
On clôture notre première levée de fonds cette semaine, qui va nous permettre de poursuivre notre développement auprès des terminaux à conteneurs à travers le monde.
Aujourd’hui on a une solution qui tourne, qui est déployée sur plusieurs ports, et on souhaite conquérir le marché rapidement.
On est assez confiant car on se positionne sur la problématique très spécifique des rapports avec l’hinterland – transport par camion ou train qu’on va venir traiter dans notre solution. Notre spécialisation et notre avance technologique nous permettent de nous différencier de la concurrence.
FM : Est-ce que les résultats au port de Marseille confirment vos hypothèses ?
XdM : Oui, les résultats sont impressionnants. En revanche, ils ne sont pas calculés de la même manière sur tous les ports.
Sur les ports où la main d’œuvre est chère, comme en Europe, on peut vite faire des gains. Sur ceux où la main d’œuvre n’est pas chère, comme en Afrique, on va plus travailler sur les ressources énergétiques à économiser. Et sur ceux déjà très digitalisés, comme par exemple les nouveaux terminaux tout automatisés comme on peut trouver en Belgique ou à Singapour, on va venir travailler sur des procédés d’optimisation beaucoup plus poussés (réorganisation de parc etc…).
FM : Est-ce la solution de la DMS est transposable dans d’autres secteurs du transport, les aéroports par exemple ?
XdM : En principe oui, on pourrait appliquer nos algorithmes, en particulier de prédiction de volumes d’activité et de dates de sortie des marchandises, sur d’autres systèmes de transport.
Mais l’expertise que nous avons acquise sur les conteneurs est assez unique et valorisée. Pour chaque terminal où on travaille, il y a trois mois de mise en place pour apprendre les processus, pour s’assurer que les réalités du terrain soient bien prises en compte. Donc pour l’instant, on se concentre sur les terminaux à conteneurs !
On a une belle équipe maintenant qui est très tournée sur la R&D, avec notamment des docteurs en intelligence artificielle pour la conception du produit. Notre ambition pour 2023, c’est de devenir le leader dans les solutions smart port d’intelligence artificielle.