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📌 IntĂ©grer la biodiversitĂ© dans la gestion des systĂšmes de transport : bonnes pratiques et innovations

Par : Lesley Brown 2 septembre 2025 no comments

📌 IntĂ©grer la biodiversitĂ© dans la gestion des systĂšmes de transport : bonnes pratiques et innovations

Avec des intervenants experts des secteurs ferroviaire, maritime, routier et aĂ©roportuaire, cette deuxiĂšme sĂ©ance de Futura-Mobility sur la Biodiversité et Transports, a Ă©tĂ© l’occasion le 21 mai 2025, d’échanger autour des solutions mises en place par les systĂšmes de mobilitĂ© pour protĂ©ger la biodiversitĂ© et Ă©tablir une coexistence bĂ©nĂ©fique.

Anne Guerrero, SNCF, présentant les actions du Groupe - photo Gery Nolan

đŸ’¶ VALORISATION ECONOMIQUE 

Valorisation des services écosystémiques avec ECOV4R

PrĂ©sentĂ© par Dr Mike Image, environnementaliste agréé et associĂ© d’AtkinsRĂ©alis, et Marie-Claire Jalaguier, scientifique de l’environnement d’AtkinsRĂ©alis, le projet Ecosystem Valuation for Railways (ECOV4R) est axĂ© sur le concept de valorisation Ă©conomique des services Ă©cosystĂ©miques.

Selon le projet, les principaux services Ă©cosystĂ©miques fournis par les habitats ferroviaires sont gĂ©nĂ©ralement des services de rĂ©gulation ou des services culturels : sĂ©questration du carbone par les arbres, la vĂ©gĂ©tation et les sols, rafraichissement microclimatique – particuliĂšrement important dans les zones urbaines, prĂ©vention de l’Ă©rosion, fourniture d’habitats pour les pollinisateurs et espĂšces rares dans les espaces en bordure de voie, Ă©cran visuel et amĂ©lioration du paysage, activitĂ©s de loisir, etc. « Au Royaume-Uni, ce type de rĂ©flexion est dĂ©jĂ  bien Ă©tablie dans d’autres secteurs nĂ©cessitant des infrastructures tels que les services de distribution d’eau et les autoroutes, » souligne Dr Image.

Les services Ă©cosystĂ©miques selon le projet ECOV4R (source : prĂ©sentation de Mike Image et Marie-Claire Jalaguier d’AtkinsRĂ©alis)
Partenaires du projet ECOV4R (source : prĂ©sentation de Mike Image et Marie-Claire Jalaguier d’AtkinsRĂ©alis)

Entre 2024 et 2026, le projet ECOV4R avec ses partenaires (voir illustration ci-dessus) vise Ă  fournir un cadre global commun pour donner une valeur aux services Ă©cosystĂ©miques dans le contexte des projets ferroviaires. Afin d’inciter une gestion fonciĂšre plus durable, ce cadre se veut pragmatique et utilisable par des non-spĂ©cialistes. L’approche suit une dĂ©marche Ă©tablie, adaptĂ©e aux spĂ©cificitĂ©s ferroviaires, en trois Ă©tapes principales :

– Phase A : Ă©valuation de rĂ©fĂ©rence. Un registre des actifs naturels est Ă©tabli (Ă©tendue, qualitĂ©, configuration spatiale) et les services Ă©cosystĂ©miques qu’ils rendent sont identifiĂ©s, y compris le « soft estate », c’est-Ă -dire le paysage environnant (accotements, talus et terrains environnants vĂ©gĂ©talisĂ©s) au-delĂ  de la ligne de chemin de fer elle-mĂȘme.

– Phase B : l’identification des impacts sur les actifs naturels. Cette phase permet d’identifier l’évolution attendue du registre des actifs naturels (type, Ă©tendue, qualitĂ©, configuration des habitats) Ă  la suite des travaux d’infrastructure ferroviaire ou d’amĂ©liorations au soft estate.

– Phase C : l’identification des impacts sur les services Ă©cosystĂ©miques. Cette phase identifie les changements attendus dans les services Ă©cosystĂ©miques fournis par les actifs naturels Ă  la suite du projet proposĂ©. L’Ă©valuation doit prendre en compte et sĂ©lectionner les services Ă©cosystĂ©miques les plus susceptibles d’ĂȘtre affectĂ©s. « À ce stade, nous devons Ă©galement rĂ©flĂ©chir aux personnes qui seront touchĂ©es. C’est ce qui rend les projets ferroviaires si intĂ©ressants, car, comme ils relient des zones urbaines, ils peuvent potentiellement avoir un impact sur un grand nombre de personnes », ajoute le Dr Image.

– Phase D : La valorisation des impacts. Le porteur de projet qualifie d’abord les changements puis, quand c’est possible, les quantifie (par exemple, tonnes de carbone de dioxyde sĂ©questrĂ©es pour le service Ă©cosystĂ©mique de rĂ©gulation du climat). Si c’est faisable, les bĂ©nĂ©fices ou les impacts nĂ©gatifs peuvent ĂȘtre valorisĂ©s en euros si des donnĂ©es sont disponibles. Pour arriver Ă  valoriser Ă©conomiquement, « nous recommandons gĂ©nĂ©ralement d’utiliser des approches de transfert de valeur qui s’appuient sur des donnĂ©es secondaires fournies par d’autres organismes comme la valorisation de la tonne de carbone absorbĂ© par type d’habitat par le gouvernement britannique par exemple », explique Dr Image. « La valorisation Ă©conomique est cruciale car c’est elle qui permet une analyse coĂ»ts / bĂ©nĂ©fices sur les projets. »

– Finalement, Phase E : l’utilisation et l’interprĂ©tation des rĂ©sultats est une Ă©tape de prise de recul pour examiner les principales conclusions, les rĂ©sultats chiffrĂ©s (par exemple, les degrĂ©s d’incertitude) et les usages des donnĂ©es (par exemple, pour la Corporate Sustainability Reporting Directive de l’UE ou la Taskforce on Nature-related Financial Disclosures).

Le cadre mĂ©thodologique ECOV4R peut ĂȘtre utilisĂ© Ă  n’importe quelle Ă©tape d’un projet, pendant la phase de conception avant le dĂ©marrage des travaux ou dĂšs qu’un projet ferroviaire s’achĂšve, ce qui peut aider Ă  contrĂŽler les bĂ©nĂ©fices.

Depuis fĂ©vrier 2025, ECOV4R a Ă©tĂ© testĂ© sur deux projets pilotes. Le premier, sur la ligne ferroviaire appelĂ©e « Cotswold » au Royaume-Uni, vise Ă  rĂ©duire les risques d’inondation et Ă  amĂ©liorer la biodiversitĂ©. Le second, en Espagne, consiste en une Ă©valuation rĂ©trospective d’un projet achevĂ© de modernisation de la ligne ferroviaire Ă  grande vitesse entre Valladolid et LeĂłn, qui va permettre Ă©galement d’évaluer les mesures d’attĂ©nuation des impacts environnementaux du projet.

La mĂ©thode ECOV4R utilisĂ©e pour Ă©valuer les amĂ©nagements de gestion naturelle des inondations le long de la ligne ferroviaire appelĂ©e « Cotswold » en Angleterre (source : prĂ©sentation de Mike Image et Marie-Claire Jalaguier d’AtkinsRĂ©alis)
La mĂ©thode ECOV4R utilisĂ©e pour Ă©valuer la modernisation d'une ligne Ă  grande vitesse en Espagne (source : prĂ©sentation de Mike Image et Marie-Claire Jalaguier d’AtkinsRĂ©alis)

« Nos Ă©valuations pilotes seront achevĂ©es d’ici le mois d’aoĂ»t, puis les derniĂšres mises Ă  jour du cadre ECOV4R effectuĂ©es d’ici le mois d’octobre », explique Mme Jalaguier. La publication finale du cadre ECOV4R et un Ă©vĂ©nement pour en diffuser le contenu sont prĂ©vus en janvier 2026.

Les principaux bĂ©nĂ©fices du programme ECOV4R pour les entreprises ferroviaires et gestionnaires d’infrastructure (source : prĂ©sentation de Mike Image et Marie-Claire Jalaguier d’AtkinsRĂ©alis)

« Les objectives du projet ECOV4R sont d’amĂ©liorer la comprĂ©hension des services Ă©cosystĂ©miques dans le secteur ferroviaire, de construire des justifications Ă©conomiques pour les solutions basĂ©es sur la nature, et de fournir une mĂ©thode d’Ă©valuation reproductible et auditable », rĂ©sume Mike Image.

🚆 FERROVIAIRE 

La biodiversité : enjeux & prise en compte à la SNCF

En France, le Groupe SNCF est responsable de 28 000 km de lignes ferroviaires, 88 000 hectares de dĂ©pendances vertes (espaces vĂ©gĂ©talisĂ©s bordant les infrastructures de transport), 3 000 gares et plusieurs centaines de sites industriels. Pour la biodiversitĂ©, « on travaille sur l’impact globale de nos activitĂ©s dans l’ensemble du Groupe, pas en silo », prĂ©cise  Anne Guerrero, directrice de la dĂ©lĂ©gation Ă  la transition Ă©cologique au sein de la direction RSE Groupe (DRSE). « On identifie les principales interactions avec la biodiversitĂ©, on dĂ©termine les enjeux et les effets sur la biodiversitĂ©, puis on priorise les actions. On travaille comme pour le carbone, avec les scopes 1, 2 et 3 ».

Sur le scope 1 (impacts directs des activitĂ©s du Groupe), les impacts nĂ©gatifs sont la destruction des habitats et des espĂšces, l’artificialisation des sols, la fragmentation des territoires, le risque de collisions avec la faune et la pollution lumineuse. Du cĂŽtĂ© positif, l’étendue des emprises de la SNCF, notamment ses 88 000 hectares de dĂ©pendances vertes, reprĂ©sente aussi des opportunitĂ©s pour la faune et notamment les oiseaux, les chauves-souris, les papillons, reptiles ou amphibiens. Les dĂ©pendances peuvent jouer le rĂŽle de diversification des habitats par rapport Ă  certains environnements, de refuge et de corridor Ă©cologique longitudinal.

(source : présentation d'Anne Guerrero et Cora Cremezi-Charlet, Groupe SNCF)

Pour ce scope 1, le Groupe dĂ©veloppe des indicateurs.  « Contrairement au carbone qui a un indicateur unique (les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre), la biodiversitĂ© a des Ă©chelles d’impact complĂštement diffĂ©rentes, entre local et global, donc c’est impossible de piloter un seul indicateur », explique Mme Guerrero.

Les scopes 2 et 3 concernent les impacts de la consommation d’énergie du Groupe et de sa chaine de valeur sur la biodiversitĂ©, tels les Ă©missions de GES, les approvisionnements, l’achat et la consommation de matiĂšres premiĂšres, la consommation d’eau. SNCF a testĂ© l’outil Global Biodiversity Score (GBS) dĂ©veloppĂ© par CDC BiodiversitĂ© pour mesurer l’empreinte de ces impacts sur la biodiversitĂ©.

(source : présentation d'Anne Guerrero et Cora Cremezi-Charlet, Groupe SNCF)

Dans la stratĂ©gie RSE du Groupe, prĂ©server la biodiversitĂ© figure parmi les trois axes principaux (avec la dĂ©carbonisation des activitĂ©s et le dĂ©veloppement de l’économie circulaire) pour rĂ©duire l’impact environnemental de ses activitĂ©s. Ses actions se traduisent notamment par des engagements pris depuis 2018 et renouvelĂ©s en 2024 dans le cadre de l’initiative volontaire Act4Nature International.

VĂ©gĂ©tation, eau, terre et bĂąti – actions engagĂ©es sur nos opĂ©rations directes (scope 1)

Le long de son infrastructure linĂ©aire, SNCF RĂ©seau fait Ă©voluer les modes opĂ©ratoires de la maĂźtrise de la vĂ©gĂ©tation pour mieux prendre en compte la biodiversitĂ©. L’arrĂȘt de l’utilisation du glyphosate fin 2021 par exemple fait partie de ces efforts. « On est le premier gestionnaire d’infrastructure ferroviaire en Europe Ă  l’avoir fait ! », se fĂ©licite Cora Cremezi-Charlet, experte bruit, qualitĂ© de l’air, biodiversitĂ© Ă  la DRSE de SNCF. « CouplĂ©e avec des trains dĂ©sherbeurs Ă  pulvĂ©risation ciblĂ©e sur la vĂ©gĂ©tation, cette dĂ©marche a vraiment permis de rĂ©duire drastiquement notre utilisation de produits phytosanitaires de synthĂšse ».

(source : présentation d'Anne Guerrero et Cora Cremezi-Charlet, Groupe SNCF)

Le Groupe mĂšne Ă©galement des actions pour identifier et rĂ©duire les obstacles potentiels que constituent ses voies, ponts et autres infrastructures Ă  la circulation de la faune terrestre et aquatique. Afin de perturber le moins possible les animaux, les continuitĂ©s Ă©cologiques terrestres sont restaurĂ©es avec des amĂ©nagements, comme les passages Ă  faune ou traverses crapauduc, pour rendre les emprises franchissables en sĂ©curitĂ©. Pour les cours d’eau, dont le lit peut ĂȘtre impactĂ© par les fondations d’un pont par exemple, ce travail consiste Ă  installer des amĂ©nagements tels que des rampes en enrochement permettant aux espĂšces de circuler Ă  nouveau.

CĂŽtĂ© circulation des trains, pour prĂ©venir les heurts avec la grande faune sauvage, des effaroucheurs sonores utilisant de nouveaux signaux synthĂ©tisĂ©s sont Ă  l’essai aujourd’hui.

(source : présentation d'Anne Guerrero et Cora Cremezi-Charlet, Groupe SNCF)

Depuis plusieurs annĂ©es, la prise de conscience grandit au sein du Groupe, historiquement dĂ©veloppĂ©e chez SNCF RĂ©seau, s’est ainsi Ă©tendue au sein des diffĂ©rentes activitĂ©s. Gares & Connexions et SNCF Voyageurs, par leurs bĂątiments et Ă©tablissements industriels, peuvent tout Ă  fait avoir des impacts positifs et apporter des solutions en vĂ©gĂ©talisant les toitures ou les parvis, et en pratiquant la gestion diffĂ©renciĂ©e par exemple.

(source : présentation d'Anne Guerrero et Cora Cremezi-Charlet, Groupe SNCF)

Pour accompagner et renforcer le tout, SNCF souhaite aussi changer le regard de ses agents, « les sensibiliser pour qu’il se reconnectent au vivant qui les entoure sur leur site », explique Mme Cremezi-Charlet. Cette campagne comprend un webinaire interne, une lettre pĂ©riodique et d’autres supports.

⚓ MER

« Vitesses Bleues » pour protéger les cétacés

Des milliers de navires commerciaux sillonnent la planĂšte. Le transport maritime gĂ©nĂšre la majoritĂ© des Ă©missions de bruit sous-marin d’origine humaine avec des impacts sur la vie marine. L’augmentation du nombre de navires et de leur vitesse entraĂźne un risque accru de collisions avec les cĂ©tacĂ©s. Dans ce contexte, et suite Ă  la prĂ©sentation d’Olivier Adam lors de la sĂ©ance de Futura-Mobility BiodiversitĂ© et Transports : un dĂ©fi crucial pour l’avenir de tous, Aurore Morin, chargĂ©e de campagne ‘Conservation Marine’ au Fonds international pour la protection des animaux (IFAW) a prĂ©sentĂ© les actions menĂ©es par l’organisation pour lutter contre ces problĂšmes « invisibles ».

IFAW soutient soutient plusieurs technologies existantes qui contribuent Ă  protĂ©ger la vie marine de ces dangers : l’utilisation d’hĂ©lices innovantes pour Ă©viter la cavitation (la formation et l’implosion de bulles de vapeur d’eau causĂ©es par la variation de la pression), l’isolation des moteurs et l’optimisation de la forme de la coque.

« Des entreprises comme Maersk ont dĂ©montrĂ© que ces solutions peuvent effectivement rĂ©duire le bruit et amĂ©liorer l’efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique », explique Mme Morin. Cependant elles sont coĂ»teuses, nĂ©cessitant des investissements financiers consĂ©quents et l’immobilisation des navires, alors mĂȘme que les bĂ©nĂ©fices n’apparaissent qu’Ă  moyen-long terme.

Solutions existantes qui aident Ă  protĂ©ger la vie marine (source : prĂ©sentation d’Aurore Morin - IFAW)

IFAW promeut surtout les « vitesses bleues ». LancĂ©e en 2023, cette solution vise Ă  fixer un plafond de vitesse Ă  75% de la vitesse maximale de conception des navires, sur l’intĂ©gralitĂ© du voyage entrepris. Cela correspond, selon IFAW, Ă  une rĂ©duction de 5 Ă  10 % de la vitesse. « C’est une solution peu coĂ»teuse qui peut ĂȘtre mise en Ɠuvre immĂ©diatement », signale Mme Morin. « Elle permet de rĂ©duire le bruit sous-marin de 40 % et les collisions avec les baleines de 50 %, tout en diminuant les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre des navires. Elles gĂ©nĂšrent des Ă©conomies annuelles de carburant pouvant aller de 3,4 Ă  4,5 milliards d’euros ».

La solution « Vitesses Bleues » lancĂ©e par IFAW en 2023 (source : prĂ©sentation d’Aurore Morin - IFAW)
La solution « Vitesses Bleues » (source : prĂ©sentation d’Aurore Morin - IFAW)

« On espĂšre faire des vitesses bleues une rĂ©alitĂ© dans le monde entier. Mais on a choisi de se concentrer d’abord sur l’espace Ă©conomique europĂ©en », prĂ©cise Mme Morin. Conscient qu’une rĂ©duction volontaire crĂ©erait une distorsion de concurrence pour les compagnies, IFAW plaide pour l’inscription de ces rĂ©glementations de vitesse dans la lĂ©gislation europĂ©enne.

🚗 TERRE

Perspectives du projet Bison

Le projet europĂ©en BISON (Biodiversity & Infrastructures Synergies and Oppportunities for European Transports Networks) est menĂ© par un consortium de 39 membres europĂ©ens et pays associĂ©s. Il vise l’intĂ©gration de la biodiversitĂ© dans le dĂ©veloppement des infrastructures tel que les routes, les chemins de fer, les voies navigables, les aĂ©roports, les ports ou les rĂ©seaux de transport d’énergie.

En 2021 et 2022, les partenaires de BISON ont menĂ© une Ă©tude prospective sur l’intĂ©gration de la biodiversitĂ© dans toutes les infrastructures de transport linĂ©aire Ă  l’horizon 2050. Quatre scĂ©narios Ă  2050 ont Ă©tĂ© Ă©tablis et Ă©tudiĂ©s :

  • ScĂ©nario 1 : l’effondrement du systĂšme de transport, la gestion de situations d’urgence.
  • ScĂ©nario 2 : la durabilitĂ© reste un vƓu pieux, on reste sur les tendances habituelles.
  • ScĂ©nario 3 : la dĂ©carbonation et l’adaptation au changement climatique, quelles solutions pour rĂ©duire les Ă©missions de CO2 ?
  • ScĂ©nario 4 : les changements intersectoriels qui s’attaquent Ă  toutes les limites planĂ©taires. Ce scĂ©nario s’appuie sur la recherche systĂ©matique de solutions Ă  tous les dĂ©fis.
ScĂ©nario 4 du projet BISON : des changements intersectoriels qui s'attaquent Ă  toutes les limites planĂ©taires (source : prĂ©sentation de Sylvain Moulherat de TerrOĂŻko & A-IGÉco)

Ces scĂ©narios ont montrĂ© que la focalisation sur la seule dĂ©carbonation, sans prendre en compte la biodiversitĂ©, risquerait d’aggraver la situation Ă©cologique globale. L’importance Ă©conomique de la biodiversitĂ© est aussi soulignĂ©e : 50 Ă  60 % du PIB mondial dĂ©pend directement de la bonne santĂ© de la biodiversitĂ©, contrastant avec les investissements minimes qui lui sont dĂ©diĂ©s.

« Le scĂ©nario 4, mĂȘme s’il est difficile Ă  mettre en Ɠuvre, est celui qui nous a servi Ă  Ă©laborer l’agenda stratĂ©gique livrĂ© Ă  la Commission europĂ©enne », explique Sylvain Moulherat, co-fondateur, DG et responsable scientifique de TerrOĂŻko et prĂ©sident de l’A-IGÉco, qui a largement participĂ© Ă  l’élaboration de l’étude.

Cet agenda SRDA propose deux grands axes d’actions à mettre en place :

  • le changement transformatif des modes de gouvernance, et de la rĂ©gulation et des politiques publiques, « avec un gros sujet sur la finance  »
  • les grandes orientations techniques Ă  mettre en place sur le terrain.
Les grands axes de l’agenda stratĂ©gique SRDA (source : prĂ©sentation de Sylvain Moulherat de TerrOĂŻko & A-IGÉco)

En plus des livrables, BISON a Ă©galement publiĂ© un guide en ligne – BIODIVERSITY AND INFRASTRUCTURE: an online handbook for promoting cooperation and transformative change – pour aider les acteurs des transports et de l’écologie Ă  travailler ensemble pour parvenir Ă  un dĂ©veloppement plus durable des infrastructures.

AttĂ©nuer les impacts des infrastructures de transport, l’expĂ©rience nĂ©erlandaise

Edgard van der Grift, Ă©cologiste de recherche principal au DĂ©partement d’Ă©cologie animale, Wageningen University & Research, a partagĂ© son retour d’expĂ©rience sur les mesures prises aux Pays-Bas, pays trĂšs en avance par rapport aux autres sur le sujet.

Les Pays-Bas, qui couvrent une superficie de 37 354 km2, ont une densitĂ© Ă©levĂ©e d’environ 3,5 km d’infrastructures de transport (routes, voies ferrĂ©es, canaux) par kilomĂštre carrĂ©, ce qui signifie qu’environ 2,5 % du pays est couvert par ces infrastructures. Fort de ces constats, depuis les annĂ©es 1990, les dĂ©cideurs politiques se sont rendus compte de l’urgence d’agir contre la fragmentation des habitats causĂ©e par une telle densitĂ© d’infrastructures, et de la nĂ©cessitĂ© de crĂ©er des corridors Ă©cologiques ou des connexions pour maintenir les populations de faune et flore Ă  risque.

La construction des infrastructures de transport aux Pays-Bas au fil des ans a conduit Ă  l’existence de petites parcelles d’habitat avec « de petites populations isolĂ©es qui sont trĂšs vulnĂ©rables Ă  l’extinction », explique M. van der Grift.  « Sans connexions, sans couloirs, ils disparaĂźtront tout simplement.

« Cependant, dans les annĂ©es 1990, chacun a prĂ©sentĂ© ses propres propositions, ses propres plans de mesures », explique-t-il. « Les provinces, les municipalitĂ©s, les ONG, les propriĂ©taires fonciers, les diffĂ©rents ministĂšres et tous les autres acteurs concernĂ©s travaillaient en silos. Il Ă©tait donc extrĂȘmement difficile d’Ă©valuer et de comparer les mesures prises ».

Il faut une mĂ©thode unique pour identifier et prioriser les sites d’attĂ©nuation (source : prĂ©sentation d'Edgard van der Grift de Wageningen University & Research)

Pour rĂ©soudre ce problĂšme, les ministĂšres nĂ©erlandais de transport, de l’environnement et de la planification spatiale ont finalement adoptĂ©, en 2004, une mĂ©thode unique Ă  utiliser par tous. Elle repose sur des modĂšles d’analyse de la viabilitĂ© des populations sur le territoire. Ces modĂšles utilisent la comparaison de deux scĂ©narios (voir image ci-dessous), rĂ©alisĂ©s espĂšce par espĂšce et pour un certain nombre d’espĂšces sĂ©lectionnĂ©es. A gauche, les infrastructures de transport existantes sont cartographiĂ©es et, Ă  droite, elles sont toutes virtuellement retirĂ©es du paysage. « En d’autres termes, pour la carte de droite, nous faisons comme si toutes les routes, toutes les lignes de chemin de fer et tous les canaux avaient Ă©tĂ© ‘attĂ©nuĂ©s’ et donc ne reprĂ©sentaient plus de barriĂšres pour la faune », explique M. van der Grift. « Ensuite, nous Ă©valuons les habitats de l’espĂšce en question et dĂ©terminons s’ils sont viables, trĂšs viables ou tout simplement non viables. Ces deux cartes permettent donc de mieux comprendre ce que signifierait la mise en place de mesures d’attĂ©nuation. »

Analyse de viabilitĂ© de population. La partie entourĂ©e montre une nette amĂ©lioration de la viabilitĂ© des habitats de l’espĂšce Ă©tudiĂ©e si des mesures d’attĂ©nuation Ă©taient mises en place Ă  cet endroit (source : prĂ©sentation d'Edgard van der Grift de Wageningen University & Research)

Ces modĂšles permettent d’identifier les meilleurs emplacements pour les mesures d’attĂ©nuation et de dĂ©finir des prioritĂ©s d’action en fonction de l’impact attendu de ces mesures sur les espĂšces (nombre d’espĂšces impactĂ©es, taille des populations concernĂ©es
).

Les mesures d’attĂ©nuation sont principalement constituĂ©es de tunnels ou de ponts fauniques (petits et grands), de clĂŽtures, de gestion de la vĂ©gĂ©tation, de systĂšmes de dĂ©tection d’animaux, et mĂȘme de mesures de rĂ©duction de la vitesse du trafic ou d’avertissement des conducteurs pour qu’ils adaptent leur comportement. Aux Pays-Bas, 2 500 tunnels environ ont Ă©tĂ© ainsi construits, allant de taille modeste (25 cm) jusqu’Ă  des tailles importantes (> 50 m) – selon les espĂšces Ă  aider. Il est important que passages soient eux-mĂȘmes des habitats, donc vĂ©gĂ©talisĂ©s « si possible, et plutĂŽt des ponts que des tunnels ».

Animaux observés sur les passages à faune (source : présentation d'Edgard van der Grift de Wageningen University & Research)

Pour les routes, voies ferrĂ©es ou canaux, M. van der Grift insiste sur l’importance d’évaluer l’efficacitĂ© de toutes les mesures introduites. « Il est essentiel de ne pas se contenter de vĂ©rifier que les structures sont utilisĂ©es, mais de vĂ©rifier si les objectifs de viabilitĂ© des populations sont atteints ».  Les bons indicateurs de l’efficacitĂ© d’une mesure sont la baisse de la mortalitĂ© par collisions, et surtout in fine la croissance de la population des espĂšces et la richesse des Ă©changes gĂ©nĂ©tiques entre les sous-populations d’une mĂȘme espĂšce d’un cĂŽtĂ© et de l’autre de l’infrastructure.

✈ AVIATION

La biodiversité en milieu aéroportuaire : des prairies insoupçonnées

Les aĂ©roports abritent de vastes Ă©tendues de prairies naturelles ou semi-naturelles. D’ailleurs en France, ils sont composĂ©s en moyenne de 70 % d’espaces verts. Ces prairies sont souvent Ă©pargnĂ©es par les produits phytosanitaires, ainsi agissant comme de vĂ©ritables refuges pour la faune et la flore. Dans le milieu naturel, les terrains des prairies Ă©tant les plus faciles et les moins coĂ»teux pour construire, celles-ci sont en dĂ©clin Ă  l’Ă©chelle europĂ©enne. Afin de valoriser et de protĂ©ger la biodiversitĂ© sur ces terrains uniques, l’association française AĂ©ro BiodiversitĂ©, fondĂ©e en 2015, Ɠuvre pour fĂ©dĂ©rer les acteurs de l’aĂ©rien et les scientifiques autour de la connaissance et la valorisation de la biodiversitĂ© sur les plateformes aĂ©roportuaires.

« Les aĂ©roports et aĂ©rodromes en France – un des pays oĂč il y a le plus de terrains aĂ©ronautiques – reprĂ©sentent environ 500 km2 d’espaces verts quand on met bout Ă  bout leurs prairies », explique HĂ©lĂšne Abraham, directrice d’AĂ©ro BiodiversitĂ©.

AĂ©ro BiodiversitĂ© travaille essentiellement sur l’Ă©valuation de la qualitĂ© environnementale des prairies Ă  travers des protocoles scientifiques participatifs et la promotion de la biodiversitĂ© par le biais de campagnes de communication. L’association se penche Ă©galement sur les moyens d’amĂ©liorer la biodiversitĂ©, par exemple, diminuer le nombre et/ou retarder les fauches, rehausser les hauteurs de tonte ou encore rĂ©duire l’utilisation de produits phytosanitaires, dans le strict respect de la sĂ©curitĂ© aĂ©ronautique en lien avec la DGAC (Direction GĂ©nĂ©rale de l’Aviation Civile).

(source : prĂ©sentation d'HĂ©lĂšne Abraham d’AĂ©ro BiodiversitĂ©)

Le label « aerobio » (marque dĂ©posĂ©e), est attribuĂ© pour une durĂ©e de 5 ans aux aĂ©roports afin de valoriser leur travail et les engagements inscrits dans la dĂ©marche de l’association. L’évaluation est basĂ©e sur des critĂšres multiples comme la biodiversitĂ©, l’implication de la plateforme, la communication et l’ancrage territorial. A ce jour, 11 plateformes sont labellisĂ©es.

(source : prĂ©sentation d'HĂ©lĂšne Abraham d’AĂ©ro BiodiversitĂ©)

La prĂ©servation de la biodiversitĂ© est au cƓur de l’engagement Ă©cologique du Groupe ADP. Ses aĂ©rogares en Ile-de-France constituent plus de 2 500 hectares de prairies et d’espaces verts, un enjeu de taille dans un contexte urbain dense. Le Groupe a d’ailleurs Ă©tĂ© l’un des premiers acteurs du secteur Ă  travailler avec AĂ©ro BiodiversitĂ©. Aujourd’hui, ses plateformes Paris-Orly et Paris-Charles de Gaulle sont labellisĂ©es par l’association.

(source : prĂ©sentation d'Émilie Matjasic du Groupe ADP)

Les engagements du Groupe ADP pour la biodiversitĂ© s’articulent autour de quatre piliers :

  • La prĂ©servation des milieux naturels, avec un engagement de 25 Ă  30 % d’espaces dĂ©diĂ©s Ă  la biodiversitĂ©. Le plan de gestion Ă©cologique des espaces verts inclue une dĂ©marche zĂ©ro phytosanitaire, de la fauche diffĂ©renciĂ©e et si possible tardive – une fois par an voire une fois tous les deux ans – ainsi que des actions innovantes d’effarouchement et de renaturation, visant Ă  prĂ©venir les risques de collisions.
  • L’intĂ©gration des enjeux de biodiversitĂ© dans la construction, la rĂ©novation, le maintien des infrastructures et de l’immobilier, qui se traduit par le choix de matĂ©riaux adaptĂ©s, l’installation de nichoirs, ou encore la vĂ©gĂ©talisation du parcours passagers et des toitures.
  • La mobilisation et la sensibilisation des acteurs de la communautĂ© aĂ©roportuaire, en particulier des actions de sensibilisation des passagers dans le but de lutter contre le trafic d’espĂšces sauvages.
  • L’intĂ©gration de la biodiversitĂ© Ă  l’Ă©chelle stratĂ©gique, visant Ă  amĂ©liorer les capacitĂ©s de mesure des risques financiers liĂ©s Ă  la biodiversitĂ© afin de les considĂ©rer dans les dĂ©cisions d’investissement, et ainsi s’aligner sur les ambitions cadres internationaux tels que l’Accord de Kunming-MontrĂ©al.

« Depuis 2022, le Groupe ADP mesure de son empreinte biodiversitĂ© – le bilan carbone de la biodiversitĂ© – cela nous permet de gagner en cohĂ©rence par une analyse plus fine de nos dĂ©pendances et nos impacts pour agir sur les leviers les plus structurants de prĂ©servation de la nature et la planifier sur le long terme », Ă©largit Emilie Matjasic, Responsable biodiversitĂ© au sein du Groupe ADP. « Ces bilans nous ont conduit Ă  une approche plus holistique qui ne se limite pas Ă  la seule gestion des prairies, et inclut dĂ©sormais pleinement notre façon de construire, par exemple », signale Mme Matjasic.

Par ailleurs, le Groupe ADP travaille sur l’amĂ©lioration de ses connaissances sur les enjeux de biodiversitĂ© de chacune de ses plateformes Ă  une Ă©chelle trĂšs locale. Tout d’abord, par la rĂ©alisation de diagnostics Ă©cologiques complets et d’inventaires volontaires complĂ©mentaires qui visent Ă  identifier avec prĂ©cision les habitats et espĂšces d’intĂ©rĂȘt Ă©cologiques prĂ©sents – c’est-Ă -dire les espĂšces sur protĂ©gĂ©es, classĂ©es sur liste rouge, d’intĂ©rĂȘt communautaire ou avec une importance patrimoniale – les donnĂ©es fournies sont mises Ă  disposition des collaborateurs au travers d’une cartographie interactive pour faciliter leur utilisation. Le Groupe a Ă©galement obtenu une subvention de la Commission EuropĂ©enne pour concevoir un tableau de bord plus complet permettant le monitoring complet de la biodiversitĂ© sur un aĂ©roport qui pourra servir Ă  terme Ă  d’autres plateformes du secteur.

(source : prĂ©sentation d'Émilie Matjasic du Groupe ADP)

Pour dĂ©montrer que ces efforts portent leurs fruits, Émilie Matjasic Ă©voque l’une des success story du Groupe ADP, celle du moineau friquet. EspĂšce particuliĂšrement menacĂ©e, sa population diminue de 15 % par an au niveau mondial. « Elle est en trĂšs forte diminution en Île-de-France oĂč seulement 8 colonies sont encore observĂ©es » rappelle Mme Matjasic. « Et deux d’entre elles cohabitent avec nos activitĂ©s. L’une niche directement sur notre aĂ©roport de Paris-Orly et l’autre a Ă©tĂ© localisĂ©e aux alentours de Paris-Charles de Gaulle. Aujourd’hui, nous mettons en place de nombreux efforts pour constituer un milieu favorable Ă  sa prĂ©sence. »

Des compétences à valoriser au plus haut niveau

Cette séance de Futura-Mobility a démontré que les compétences et les bonnes pratiques existent depuis de nombreuses années en matiÚre de protection de la biodiversité par les systÚmes de transport.

Cependant, les dĂ©fis demeurent, notamment la nĂ©cessitĂ© d’adopter une approche globale sur l’ensemble des limites planĂ©taires, de coopĂ©rer davantage entre les acteurs et les secteurs, de mieux anticiper pour avoir la capacitĂ© de mesurer l’efficacitĂ© rĂ©elle des actions et d’intĂ©grer pleinement la biodiversitĂ© – et les autres limites ! – dans les stratĂ©gies d’entreprise, au mĂȘme niveau que les objectifs climatiques.

La quantification Ă©conomique des bĂ©nĂ©fices apportĂ©s par la biodiversitĂ© reste un dĂ©fi
 dont la pertinence fait d’ailleurs dĂ©bat aujourd’hui.

À suivre


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