La gare, vecteur des mobilités durables
La gare, vecteur des mobilités durables
Le 2 mars dernier à Paris, Gares & Connexions, une filiale du Groupe SNCF, a organisé une soirée pour aborder l’évolution de la gare ferroviaire en France.
Suite au mot d’accueil par Marie-Caroline Benezet-Lanfranchi, directrice du numérique et des technologies chez SNCF Gares & Connexions, une séquence était dédiée à la présentation de plusieurs projets phares. Conçues pour une gare du futur, ces initiatives exploitent les dernières technologies et innovations, tout en tenant compte des usagers – leur nombre croissant et l’évolution des comportements et des attentes – et les besoins environnementaux.
Parmi ces projets, l’Espace Multimodal Augmenté (EMA) est une approche adoptée par Gares & Connexions pour promouvoir le train. Elle consiste à simplifier les voyages multimodaux en transformant la gare dite « traditionnelle ».
« Pour y arriver, on a identifié trois pistes », a expliqué Carole Tabourot, directrice de l’expérience clients et des services. Il s’agit de développer les modes actifs, « ce qui exige des offres sécurisées pour le vélo, par exemple » ; d’adapter les services de la gare – « pour le vélo, le bassin de pertinence est de 5 km autour de la gare » ; et d’améliorer l’expérience du court-voiturage : « on se rend compte qu’au-delà de 10 km de la gare, le vélo n’est plus le mode de transport privilégié : c’est la voiture. Mais il faut l’utiliser autrement » a précisé Mme Tabourot.
224 gares de petite et moyenne taille en France ont été identifiées pour un déploiement de l’approche EMA sur 5 ans, en collaboration avec des partenaires publics et privés et des startups.
L’approche EMA est basée sur une méthodologie qui inclut des mesures incitatives, telles que l’utilisation de solutions digitales pour réserver sa place de parking en avance, ou des stationnements avec cadenas digitaux pour vélos – le tout pour rassurer les voyageurs. « Par ailleurs, SNCF peut profiter de ce déploiement de solutions digitales et la capture subséquente d’informations pour pouvoir mesurer l’usage des services de la gare et mieux les adapter », a souligné Mme Tabourot.
Un autre projet, les pôles d’échanges multimodaux (PEM), est développé pour « accompagner le changement des territoires aujourd’hui et servir de trait-d’union entre les gares, les quartiers environnants et les centres-villes », a expliqué Valérie Bonnard, chef de projet RSE développement durable – investissements.
Ces pôles sont élaborés en partenariat avec les collectivités territoriales et concernent la réorganisation des transports collectifs et la création de passerelles – dans le but de garantir des transferts sans couture entre les modes de transport. « Les pôles d’échanges multimodaux peuvent aider à répondre à des problématiques comme l’étalement urbain, par exemple », a ajouté Mme Bonnard.
Les dernières réalisations majeures sont à Nîmes, Grenoble et Rennes. Officiellement un pôle d’échange multimodal depuis juillet 2019, la gare de Rennes a été transformée, 67 % du financement nécessaire venant des collectivités territoriales. Quant au pôle d’échange multimodal de Nîmes Pont du Gard, inauguré en Décembre 2019, il propose 600 places de parking dont 100, situées plus proche de la gare, qui sont dédiées aux voitures partagées ou électriques pour « inciter le public à utiliser les voitures autrement », a souligné Mme Bonnard.
Entre autres réalisations dans le monde, l’équipe Pôle d’Echanges Multimodaux chez Gares & Connexions s’est inspirée pour « ce challenge d’innovation » de la Gare de Kasai à Tokyo. Ses trois tours peuvent stocker jusqu’à 6,500 vélos, le système est entièrement digitalisé et il y des robots de service à la place de l’humain. Le forfait pour garer son vélo coûte 5 euros par mois pour les étudiants et 10 euros pour les autres utilisateurs. « C’est un exemple à retenir », s’est réjoui Mme Bonnard.
Séquence 2 : table ronde « la gare facilitatrice des mobilités décarbonées »
Sophie Chambon-Diallo, directrice développement durable de la SNCF, a rappelé que la mission du Groupe est de « faire une promesse aux voyageurs de proposer des moyens de transport accessibles à travers le territoire ».
Cependant, avec 3 000 gares et 10 millions d’usagers par jour à travers la France, cette mission est de taille. « Orchestrer cette mobilité représente un énorme challenge », a reconnu Mme Chambon-Diallo. « Il s’agit d’un système complexe avec beaucoup d’éléments et d’attentes à orchestrer ».
Le coût des transports fait partie des attentes des voyageurs. Selon Mme Chambon-Diallo, SNCF est bien consciente de l’importance de l’accessibilité financière. « Elle fait également partie de notre mission. C’est-à-dire offrir du transport à des prix accessibles à tous et compétitifs par rapport à la voiture ».
Répondre aux besoins multiples des millions de passagers n’est pas la seule mission des gares d’aujourd’hui, et de demain. En même temps, elles doivent répondre à des enjeux environnementaux toujours croissants.
« La gare de demain doit être légère pour réduire ses émissions de CO2 en utilisant des matériels plus vertueux », a déclaré Raphaël Menard, président du Directoire AREP, en charge de la politique environnementale de SNCF Gares & Connexions.
- Une agence d’architecture interdisciplinaire, filiale de SNCF Gares & Connexions), AREP est présente en France et à l’international avec près de 1 000 collaborateurs
La gestion des ressources est une préoccupation supplémentaire. « Pour éviter d’avoir des déchets, par exemple, on doit regarder tout le cycle des matériaux utilisés. C’est un des sujets sur lesquels on se penche actuellement ».
La grande emprise foncière du réseau ferroviaire français est également une piste à explorer. En effet, SNCF, qui dispose d’un patrimoine exceptionnel de 20 000 hectares et 25 000 bâtiments de nature très différente, est l’un des premiers propriétaires fonciers de France.
Selon M. Menard, « potentiellement, avec du solaire, ce foncier pourrait produire dix fois plus d’énergie qu’il ne faut pour répondre aux besoins du Groupe SNCF ». Une bonne nouvelle compte tenu de sa facture d’électricité annuelle qui s’élève à plus de 600 millions d’euros, faisant du Groupe le premier consommateur d’électricité en France. De plus, le prix d’électricité augmente de 2 à 3 % tous les ans.
Fort heureusement pour ses finances, SNCF est déjà en train d’exploiter ce potentiel photovoltaïque sur son foncier et parkings avec des centrales solaires et des installations en toiture. En raison de tels développements, aux yeux de M. Menard, les gares sont petit à petit en train de devenir « un peu comme des stations-services décarbonées du futur ».
« Les gares sont comme une sorte de nouveau poumon du territoire », a enchainé Mme Chambon-Diallo, en soulignant leur potentiel pour proposer des services … comme du coworking, des crèches et centres sportifs. « Je crois que la gare de demain sera extrêmement efficace, un lieu de sociabilité, de vie et d’échanges. Elle va servir à recentraliser les villes au cœur des territoires ».
Menard est même allé jusqu’à suggérer qu’en tant que destination, lieu d’échanges et de vie, la gare du futur pourrait encourager la décroissance et l’immobilité.
« Notre mission à SNCF c’est de vous [le public] permettre de changer la donne pour un meilleur futur, un meilleur environnement », a conclu Mme Chambon-Diallo.
Séquence startups : découverte des lauréats du challenge
Lancé en novembre 2019, le Challenge Green Connexions de Gares & Connexions était un appel à projets pour transformer la mobilité autour des petites et moyennes gares.
Ce concours a reçu 123 candidatures. Les trois lauréats, récompensés à la clôture de cette soirée du 2 mars, sont :
- Nielsen Concept : des abris vélos multi-services modulaires à base de conteneurs maritimes. Parmi les aspects innovants, les besoins énergétiques sont alimentés par les revêtements photovoltaïques Wattway de Colas.
- Zoov : un service de vélos électriques partagés particulièrement économe en espace au sol. Les stations sont ultra-compactes et donc peu chères à installer. Par conséquent, l’entreprise Zoov peut les proposer gratuitement aux collectivités. La gestion intelligente de l’énergie, qui est partagée entre les vélos quand ils sont garés dans les stations, est également une innovation. Un autre point fort : la possibilité de faire cohabiter deux modèles de fonctionnement, avec des stations ou en free-floating.
- Fluctuo : un agrégateur indépendant de données sur les mobilités partagées de vélos, trottinettes et scooters en free-floating. Ses outils Software as a Service (SaaS) collectent, traitent et analysent les données pour ensuite permettre aux clients – des acteurs publics comme les villes, agglomérations et autorités organisatrices de transports (AOT) et des acteurs privés – de mieux comprendre l’offre et l’usage.
Photo de couverture : Angel Bear par Richard Texier, installé devant la Gare du Nord, Paris