Zhilin Sim : mobilité et Singapour – juillet 2019
Zhilin Sim : mobilité et Singapour – juillet 2019
Zhilin Sim, directeur régional Europe du Singapore Economic Development Board, était l’un des orateurs de la séance « Mobilité et territoires » de Futura-Mobility, qui s’est tenue à Paris le 3 juillet 2019.
Futura-Mobility : Pourriez-vous nous en dire plus sur le Singapore Economic Development Board (EDB) et sur son rôle dans le secteur de la mobilité ?
Zhilin Sim : Fondé en 1961, le EDB est responsable de la planification et de la mise en œuvre des stratégies de développement économique et industriel de la ville-état. En tant qu’organisme gouvernemental, il remplit diverses fonctions allant du financement de la recherche, des essais – expérimentations, ou des start-ups jusqu’à la collaboration avec les entreprises ou encore la réglementation. Dans le domaine de la mobilité, sous l’égide de Urban Solutions & Sustainability, nous explorons actuellement les véhicules autonomes [AVs], la mobilité à la demande, les robot-taxis et les camions sans chauffeur.
FM : Quels sont les défis en terme de mobilité que rencontre Singapour et comment la gouvernement et EDB y répondent-ils ?
ZS : Quand on regarde le développement de la mobilité urbaine à l’avenir, on ne peut ignorer que Singapour est l’une des villes les plus densément peuplées du monde : sa population actuelle d’environ 5,6 millions d’habitants est en croissance, mais la superficie totale de 710 kilomètres carrés ne l’est pas ! Cela peut sembler incroyable, mais 12 % de notre territoire est couvert de routes et 14 % sert au logement. On ne peut donc plus construire de routes.
Le gouvernement cible la proportion la plus élevée possible d’usage des transport publics, partagés et actifs, sans pour autant augmenter l’occupation des sols ni le besoin de main-d’œuvre. Le transport de marchandises est également concerné avec la recherche de la plus grande efficacité sur le plan des ressources. L’objectif est de faire du réseau métropolitain l’épine dorsale du système de transport, renforcée par des innovations telles que le numérique, les nouveaux modèles économiques et les technologies autonomes.
Dans une perspective plus large, Singapour fait partie de l’ASEAN [Association des nations de l’Asie du Sud-Est], une région actuellement classée au 7e rang mondial des économies. Sous l’impulsion d’une démographie favorable et d’une urbanisation croissante, cette économie devrait croître en moyenne de 5 % par an au cours des cinq à dix prochaines années pour devenir la 4e économie mondiale d’ici 2030. Cette perspective, qui verra la population de cette région d’environ 647 millions d’habitants augmenter de façon spectaculaire, signifie que les villes vont devenir plus grandes et plus denses dans les décennies à venir. Une évolution qui suscite déjà des inquiétudes quant à la manière dont la mobilité urbaine va pouvoir s’adapter.
FM : Comment décrireriez-vous l’écosystème de la mobilité à Singapour ?
ZS : En résumé, je dirais qu’il est en pleine croissance, qu’il fédère de nombreuses parties prenantes diverses – des équipementiers, fournisseurs de services et sociétés de logistique aux start-ups, opérateurs, gouvernement et universités – et qu’il favorise l’innovation.
Cet environnement est propice à l’innovation en matière de mobilité pour diverses raisons. Singapour est compétitive sur le plan numérique et attire les talents. Cela est dû en partie à un solide écosystème de recherche avec 31 900 scientifiques et 19 milliards de dollars Singapouriens (12,6 milliards d’euros) d’investissements dans la recherche, répartis dans les domaines du numérique et de l’ingénierie. En outre, 80 % des plus grandes entreprises technologiques du monde ont élu domicile à Singapour, y basant leurs sièges des départements Recherche et Innovation.
Autre atout, le pays est classé au 10ème rang mondial des meilleurs écosystèmes pour les start-ups et au 1er rang en Asie.
Dans la mobilité, Grab – l’application tout-en-un de l’Asie du Sud-Est avec un service de VTC, de la livraison de repas et la fourniture de solutions de paiement sans numéraire – est basée à Singapour. Il y a aussi NuTonomy, une entreprise technologique dérivée du MIT qui développe des logiciels pour les voitures autonomes. Ensuite, il y a la start-up française Easymile, qui fournit de la technologie pour les navettes autonomes. Elle a trouvé un partenaire allemand à Singapour et en novembre 2018, ils ont créé une équipe de recherche commune.
Dyson, qui construit des moteurs et des pièces pour ses aspirateurs à Singapour depuis 20 à 25 ans, y implantera sa première usine de fabrication de véhicules électriques.
Cette décision a du sens puisque l’entreprise y dispose déjà d’un centre de recherche. Autre raison pour laquelle elle a décidé de construire ses premières voitures électriques à Singapour : ses solides lois de protection intellectuelle.
FM : Pourriez-vous nous en dire plus sur les initiatives en test à Singapour concernant la mobilité ?
ZS : Le gouvernement soutient fortement le développement et le déploiement des systèmes autonomes, l’une des pierres angulaires étant le Centre d’excellence pour les essais et la recherche sur les véhicules autonomes – NTU (CETRAN). Cette initiative de recherche vise à faire progresser les normes et les pratiques pour faciliter les cas d’utilisation du matériel autonomes dans les contextes urbains à Singapour. Depuis juillet 2015, des itinéraires délimités d’une longueur totale de 12 km ont été utilisés pour tester les véhicules autonomes, et 55 km supplémentaires sont prévus. C’est l’un des plus grands projets sur les véhicules autonomes en Asie.
En mettant l’accent sur la législation et l’infrastructure, Singapour est largement considérée comme chef de file en matière d’innovation sur les véhicules autonomes.
Des activités publiques de recherche et de développement sur les technologies autonomes sont menées en parallèle par l’Université technologique de Nanyang [NTU], l’Alliance Singapour-MIT pour la recherche et la technologie [SMART] et le campus TUM pour l’excellence en recherche et l’entreprise technologique [CREATE].
Par ailleurs, les tests et le déploiement de la mobilité à la demande sont en cours, ainsi que d’autres approches de la mobilité urbaine comme l’ERP 2.0. Cet outil basé sur le GNSS [Global Navigation Satellite System] est conçu pour réduire les embouteillages. Pour les voitures qui en sont équipées, la facturation différenciée des places de parking et de l’utilisation des routes est automatique. Le système fournit aux conducteurs des informations et des options d’itinéraire pendant leur trajet afin de les aider à choisir les meilleurs trajets en termes de temps et de facturation, permettant par exemple d’éviter les zones les plus encombrées, dont l’utilisation va être plus onéreuse. Pour les autorités, c’est un véritable outil d’orientation des flux de trafic en temps réel. Le système devrait être déployé en 2020.
Autre domaine d’intérêt, celui des véhicules aériens autonomes [UAV]. Dans ce domaine, le EDB collabore avec l’industrie pour trouver des solutions et améliorer les conditions réglementaires. Les initiatives de Singapour en matière de mobilité aérienne urbaine comprennent un parc d’affaires de 200 hectares destiné à l’expérimentation de systèmes aériens sans pilote [unmanned aerial systems, UAS] innovants. Par ailleurs, la start-up allemande Volocopter effectuera une série d’essais en vol urbains de ses taxis aériens à Singapour au second semestre 2019. Elle y installe également une équipe de conception et d’ingénierie de produits pour soutenir ses plans d’expansion.
FM : En parallèle de ces actions, Singapour semble désireuse de favoriser la collaboration et les échanges …
ZS : Absolument ! Prenons l’exemple du Comité sur le Transport Routier Autonome [CARTS], un partenariat entre le gouvernement, l’industrie et les universitaires pour tracer l’avenir des concepts de mobilité terrestre utilisant l’autonomie. Ses membres, qui comprennent des organismes du secteur public, des experts internationaux, des universitaires et des intervenants de l’industrie ont adopté une approche proactive qui vise à favoriser la coordination entre divers organismes pour les initiatives liées à la conduite autonome.
Ensuite, nous avons le Startup SG Network [SSN], un répertoire national et une communauté conçus pour améliorer l’accès à l’écosystème des start-ups technologiques de Singapour, au niveau local ou international. Il vise à fournir des informations complètes sur l’écosystème des start-ups et à faciliter les recherches et les contacts entre les parties intéressées.
Les concours et les événements constituent d’autres moyens de favoriser cette collaboration. Le Singapore Mobility Challenge, qui s’est déroulé de juin à août 2019, était une initiative d’innovation ouverte aux idées ou à la technologie au profit de l’industrie des transports publics et des usagers. En octobre de cette année, nous accueillons le Congrès mondial des STI 2019, puis en novembre, le SSN organise Slingshot 2019 – la compétition internationale de Singapour pour les start-ups prometteuses afin de se présenter aux investisseurs, entreprises et partenaires potentiels.
Pour vous tenir au courant de l’évolution de l’industrie de la mobilité, des perspectives commerciales et des événements, tant à Singapour que dans la région Asie-Pacifique en général, je vous encourage à vous abonner au bulletin électronique de l’EDB.