Mobilité électrique – quand il s’agit de charge, surtension et maillage
Mobilité électrique – quand il s’agit de charge, surtension et maillage
Avec la fin annoncée des ventes de véhicules à énergie fossile et l’arrivée des véhicules électriques, le développement de la mobilité au XXIe siècle crée de nouveaux défis urbains. Comment développer des réseaux de recharge fiables et efficaces ? Qui, entre les autorités municipales et le gouvernement, doit ouvrir la voie et comment ?
Le 10 octobre à Paris, lors d’une table ronde organisée par La Fabrique de la Cité, des intervenants français, néerlandais et norvégiens ont débattu de ces questions.
« Nous avons commencé à assainir l’air de la ville il y a une dizaine d’années, en mettant l’accent sur les transports car ce sont eux qui émettent le plus », a expliqué Bertold Plugboer, chef de projet d’Amsterdam Elektrisch. « Nous sommes passés de 100 stations de recharge électrique initialement installées à 2 800 aujourd’hui. Nous enregistrons 80 000 sessions de charge par mois pour 17 000 utilisateurs au total. »
Le réseau de recharge des véhicules électriques de la ville d’Amsterdam s’étend sur des espaces publics mais également privés, comme par exemple les parkings des immeubles privés. Il y a actuellement 30 stations de recharge rapide disponibles, principalement dédiées aux chauffeurs de taxi, mais tout utilisateur peut y accéder à ses propres frais.
« Pour développer le réseau, le développement des infrastructures est établi en fonction la demande. Les données de recharge des stations sont collectées et analysées par l’Université des Sciences Appliquées d’Amsterdam. Cela nous aide à adapter nos stratégies de déploiement », a déclaré M. Plugboer.
La carotte et le bâton – le pouvoir des incitations
Afin de réduire la pollution atmosphérique locale, de nombreuses villes européennes vont, dans un avenir plus ou moins proche, interdire les véhicules diesel et essence dans leurs centres. En parallèle, elles mettent parfois en place des incitations pour stimuler le marché des véhicules électriques et pour encourager l’utilisation des transports publics.
La stratégie « Clean Air for Amsterdam », qui concerne tous les modes de transport, comprend des mesures visant à promouvoir les changements d’habitudes. Mettre sur la route des taxis zéro-émission en 2025, est un des objectifs de cette stratégie.
« Les sociétés de taxis exigent un positionnement clair du gouvernement à ce sujet », a déclaré M. Plugboer. « Actuellement, seuls les taxis Euro 5 ou Euro 6 [des normes d’émissions établies par la Commission Européenne] peuvent entrer en ville. Nous avons également mis en place une borne de taxis ‘propres’ à la gare centrale d’Amsterdam, ce qui participe à stimuler le marché. »
Pendant un certain temps, pour inciter les compagnies de taxis à passer à l’électrique, la ville avait offert une subvention de 5 000 euros pour chaque taxi électrique acheté. « Il faut être clair avec le marché sur la quantité de subventions qu’il y a, et, une fois qu’il n’y en aura plus, il n’y en aura plus », a souligné M. Plugboer.
Un autre moyen d’encourager l’adoption des véhicules électriques, à l’image des Pays-Bas, est de faciliter la mise en place d’une carte unique de rechargement à l’usage, valable dans tout le pays.
En Norvège, Oslo a commencé à mettre en place des incitations pour les véhicules électriques dès 1990, sur la base de mesures prises par le gouvernement comme des allégements fiscaux, ou de mesures prises par les autorités de la ville elle-même, comme le stationnement gratuit ou l’accès aux voies de bus.
Jenny Skagestad, conseillère en transports urbains auprès de ZERO (Zéro Emission Ressource Organisation), insiste sur le fait que les villes sont les principaux moteurs de ce basculement vers la mobilité électrique. « Après quelques années, les péages gratuits et l’accès aux voies de bus pour les véhicules électriques sont devenus une politique nationale. »
Elle a souligné également que les mesures incitatives, bien qu’essentielles, ne doivent pas durer éternellement. « Elles servent à accélérer le marché au démarrage, mais elles sont coûteuses. La question est donc de savoir quand les arrêter ». Recharge gratuite, stationnement gratuit, réduction de taxe … La Norvège a tout un programme de promotion des véhicules électriques pour les années 2014 à 2025.
Norvège électrique
- Au 30 juin 2018, 168 000 voitures entièrement électriques étaient immatriculées.
- Au 31 mai 2018, 28% des voitures vendues dans tout le pays, et 41% de celles vendues à Oslo, étaient électriques.
- Le gouvernement souhaite qu’à partir de 2025, toutes les voitures vendues dans le pays soient électriques.
Source : Jenny Skagestad, ZERO
Branchée ou débranchée ?
Sans une infrastructure de recharge fiable, abordable et facile à utiliser, le marché des véhicules électriques ne décollera pas. Mais si les villes investissent dans la construction de leurs systèmes de recharge, est-ce que tout le monde achètera une voiture électrique pour autant ? Pas nécessairement.
Les acheteurs de voitures ont encore tendance à penser en termes de mise de fonds initiale plutôt qu’en termes de coût total de possession. C’est ainsi, par exemple, qu’ils sont découragés par l’achat une nouvelle Nissan Leaf électrique qui coûte a minima 32 000 euros comparée à son équivalent essence, une Nissan Micra, à 13 800 euros.
Une autre raison, souvent citée comme frein pour passer aux véhicules électriques, est l’anxiété liée à l’autonomie – la peur qu’un véhicule n’ait pas assez de batterie pour atteindre sa destination laissant ses occupants en difficulté. Il y a également le stress lié au temps de recharge non maîtrisé.
Lors d’un voyage apprenant aux États-Unis en mai 2018, les membres de Futura-Mobility ont rencontré Alex Gruzen, PDG de WiTricity, une entreprise de Boston à la pointe de la recherche sur la transmission d’énergie électrique sans contact.
Avec les véhicules électriques qui arrivent sur le marché et le décollage des ventes prévu pour 2022 (selon Bloomberg New Energy Finance), les gestionnaires de réseaux électriques craignent les surtensions. Cet « effet bouilloire » décrit les moments de la journée où la demande en électricité atteint des sommets, typiquement lorsque tout le monde allume sa bouilloire le matin avant d’aller au bureau, ou le soir en rentrant.
Les gestionnaires de réseaux électriques nationaux veulent éviter que les véhicules électriques ne deviennent les nouvelles bouilloires. Les conséquences potentielles peuvent être graves, comme les coupures ou les réductions de courant ou encore les chutes de tension qui risquent d’endommager les équipements électriques.
Avec les véhicules électriques à l’horizon, la principale préoccupation n’est plus de savoir combien de fois les gens vont recharger leur véhicule, mais comment éviter qu’ils ne le fassent tous en même temps. C’est l’une des raisons pour lesquelles les gestionnaires de réseaux néerlandais ont créé ElaadNL, un centre de recherche et d’innovation dédié aux infrastructures de recharge intelligentes aux Pays-Bas.
« La recharge intelligente signifie que lorsque vous branchez la voiture, le système trouve le meilleur moment pour la recharger, au lieu de commencer à la charger instantanément », explique Gijs van der Poel, un analyste de marché chez ElaadNL.
La mobilité électrique à Paris
En France, la première station de recharge électrique est apparue à Paris en 1898. Aujourd’hui, la capitale compte 4 000 points de recharge électrique. La maire Anne Hidalgo mène une politique forte contre la pollution atmosphérique en s’attaquant notamment aux émissions des pots d’échappement des véhicules.
Selon le plan de la ville, tous les véhicules diesel seront interdits en centre-ville en 2024, suivit par ceux à essence en 2030. Cette stratégie ouvre certainement la voie au développement de la mobilité électrique, et pas seulement pour les voitures, mais aussi pour les bus, les camions, les camionnettes, les bateaux, les vélos et les trottinettes.
Acteur important de ce changement, Enedis se considère comme « un conseiller et un facilitateur de confiance… qui aide à développer et à faciliter l’avènement de la mobilité électrique », a déclaré Eric Salomon, directeur régional, Enedis Paris.
« Nous ne voulons pas entraver son développement, mais en même temps nous voulons nous assurer que le réseau se déploie comme il faut. Prenez par exemple l’emplacement et le type des stations de recharge – vitesse normale ou rapide. Il est important de mettre en place les infrastructures adaptées aux besoins, ce qui dépend en partie de la capacité à anticiper les besoins futurs. »
Compte à rebours des véhicules électriques
Pour que les villes respirent mieux, les véhicules électriques doivent arriver en ville le plus tôt possible. « Je pense que nous avons encore cinq ans avant que le marché des véhicules électriques ne décolle », a commenté M. Van der Poel.
« En Norvège, où il y a une longue liste d’attente pour acheter des voitures électriques, la demande dépasse l’offre », a souligné Mme Skagestad. « Nous attendons également des vans électriques plus grands et plus nombreux. En attendant, les entreprises prennent les choses en main. Deutsche Post est en train de construire ses propres vans, et Norwegian Post en achète en Chine. »