Alain Rolland, Stations-e : pour des bornes de recharge multi-services connectées – avril 2023
Alain Rolland, Stations-e : pour des bornes de recharge multi-services connectées – avril 2023
Le 18 avril 2023, lors d’une séance dédiée à l’impact de l’électrification des véhicules, Alain Rolland, fondateur et CEO de Stations-e, a présenté son activité et sa vision de la mobilité électrique.
FM : Quel est le positionnement spécifique de Stations-e parmi les – nombreux ! – opérateurs de bornes de recharge électrique ?
Alain Rolland : En créant cette nouvelle société autour de la mobilité et la voiture électrique, en 2018, mon premier constat a été que la vente seule de la recharge électrique ne serait pas rentable en raison à la fois de la fluctuation des prix d’achat d’énergie et de la concurrence importante sur ce segment de marché, qui tire les prix de vente vers le bas.
En conséquence, j’ai décidé d’orienter l’activité sur l’innovation et les aspirations des personnes.
Les gens souhaitent se déplacer de façon fluide et à moindre coût, et aussi communiquer facilement. Il y a aussi un désir de proximité, avec des services à portée de main sur tout le territoire y compris dans les zones rurales.
La quatrième aspiration c’est la donnée, à la fois pour les particuliers (combien on a ou on doit dépenser, etc.) et pour les professionnels. Renault par exemple ne sait ce qui se passe entre la voiture et le chargeur puisque l’entreprise ne fabrique pas les chargeurs. Ces données sont importantes pour les constructeurs pour savoir comment faire progresser leurs véhicules. Les données sont importantes aussi pour les collectivités sur l’utilisation des bornes, le trafic, les autres services offerts par la borne, etc.
Compte-tenu de ces aspirations, une Stations-e est pensée comme une station multi-services connectée. On l’a conçue pour opérer la recharge électrique et permettre à des partenaires de s’associer pour y apporter un bouquet de services en plus, comme des points relais (colis, légumes…) ou de l’autopartage par exemple.
On retrouve ici le modèle de vente de la téléphonie, avec des kms de charge électrique à la place des giga-octets ! L’opérateur (nous !) aura des abonnés et lui offrira d’autres services comme le sont la musique, les assurances, etc. pour la téléphonie. C’est ce qui permet à Stations-e d’être rentable.
FM : Peut-on recharger son véhicule partout en France avec Stations-e ?
AR : Nos stations proposent la recharge en interopérabilité avec les autres fournisseurs de recharge. Cela fonctionne exactement sur le même modèle que le secteur des télécommunications. La Banque Postale, par exemple, qui n’a aucun réseau en propre, vend tout de même des services de téléphonie mobile en utilisant le réseau des opérateurs de téléphonie mobile. L’idée est de permettre à nos clients de se recharger dans un maximum de stations de recharge.
Nos propres stations sont installées dans les périphéries des villes jusque dans les zones très rurales. Nous ne ciblons pas les centres des villes denses car l’enjeu est de réduire l’usage de la voiture dans les centres urbains pour diminuer la pollution locale et la congestion, pas d’y faciliter l’arrivée des voitures électriques individuelles !
FM : Avec quels partenaires travaillez-vous pour construire ce modèle ?
AR : Nous avons déjà signé avec Orange, Free, Bouygues et SFR, aussi avec La Poste et Amazon, avec Clem’ pour l’autopartage et Renault pour la fonction Plug & Charge.
Nos équipes envisagent l’innovation sur trois axes : écologique, social, économique. Pour chaque axe, elles cherchent où innover. On collabore donc aussi avec des startups. Par exemple, on a rencontré Lify-Air qui fait des capteurs de pollen et qui a développé une application dédiée. Ils s’intéressent à notre station pour y installer leurs capteurs. Un autre exemple c’est Kyanos Biotechnologies à Toulouse, qui installe en ville du mobilier avec des algues pour capter les particules. On investit pour les aider à développer leur solution avec l’idée de les intégrer à terme à nos stations de recharge.
FM : Rapide ou lente, quel type de recharge proposez-vous et pourquoi ?
AR : Stations-e souhaite promouvoir la recharge sans y penser et un peu plus lente. L’usage de la charge rapide peut nuire à l’état d’une batterie puisque l’échauffement induit par une telle puissance risque d’endommager les composants de la batterie.
En plus, ce n’est pas forcément la meilleure solution pour les utilisateurs, étant donné leurs habitudes de déplacement. On a identifié douze types de comportements hebdomadaires ou du quotidien concernant les déplacements en voiture : aller au spectacle ou aux rendez-vous médicaux, pratiquer du sport, faire des courses, etc. Donc on souhaite s’implanter autour de ces lieux fréquentés régulièrement pour permettre aux utilisateurs de charger leurs véhicules.
FM : Quel rôle voulez-vous jouer dans l’accélération de l’électrification des véhicules ?
AR : Pour aider à la diffusion de la voiture électrique il faut répondre aux deux principaux freins économiques que sont le coût de la voiture elle-même, et la facilité de la charger facilement et à un tarif intéressant, y compris pour les habitants qui logent dans des appartements, en particulier des HLM. Nous allons répondre à ce deuxième aspect avec une offre de recharge à 17 centimes le kWh pour les habitants des HLM, soit l’équivalent de 35 centimes le litre d’essence !
On approche les collectivités en leur proposant de nous louer des espaces publiques pour installer nos Stations-e. Comme notre modèle avec le bouquet de services s’auto-finance, introduire nos stations n’engendre aucun frais aux collectivités.
FM : Et sur le prix des véhicules électriques, comment voyez-vous l’évolution du marché de l’automobile ?
AR : Les voitures électriques chinoises vont faire baisser les prix d’achat aux consommateurs et finalement faire en sorte que la voiture électrique soit considérée comme une téléphone avec des roues, comme un objet de mobilité avec beaucoup de services offerts en parallèle. Donc la voiture électrique va devenir autre chose que ce qu’est la voiture thermique aujourd’hui. Les constructeurs traditionnels comme Peugeot et Renault devront s’adapter en conséquence.
FM : Travaillez-vous aussi sur les technologies de recharge ou de stockage d’énergie ?
AR : Oui. Stations-e travaille actuellement en partenariat avec le groupe industriel Lohr et la SNCF sur un projet de recharge de trains légers à batterie, associée à du stockage d’énergie.
FM : Quelles sont les ambitions de Stations-e ?
AR : Aujourd’hui Stations-e c’est une équipe de 30 salariés, sachant qu’il y a en plus 150 personnes qui travaillent pour nous en France pour développer les stations. A ce jour, nous avons déjà installé 150 stations de recharge en France et nous visons 300 pour fin 2023.
Mais notre démarche implique une vision plus large que la seule installation de l’infrastructure. Il faut prendre en compte beaucoup de briques comme l’achat de l’énergie, le comportement des propriétaires de véhicules, les partenaires industriels…. Toutes ces composantes vont nous permettre de construire un écosystème qui pourra s’exporter dans d’autres pays en Europe : Espagne, Italie, Allemagne…