đĄ Exploration de Futura-Mobility en Suisse, le pays le plus innovant au monde
đĄ Exploration de Futura-Mobility en Suisse, le pays le plus innovant au monde
Grace Ă des facteurs Ă la fois sociĂ©taux, politiques et gĂ©ographiques, la Suisse sâest forgĂ©e une identitĂ© de vĂ©ritable terrain dâinnovation dans tous les domaines dâactivitĂ©, y compris les transports. Ce nâest pas rĂ©cent ! En effet, selon l’indice mondial de l’Organisation mondiale de la propriĂ©tĂ© intellectuelle (OMPI), en 2023 la Suisse est toujours le pays le plus innovant du monde pour la douziĂšme annĂ©e consĂ©cutive.
Un subtil mélange de confiance, de modestie et de compromis
Fin octobre 2023, une dĂ©lĂ©gation de Futura-Mobility, le think-tank de prospective et dâinnovation des acteurs des mobilitĂ©s, sâest rendue en Suisse pour explorer cet Ă©cosystĂšme dâinnovation Ă travers des visites aux laboratoires de R&D, des instituts et des rencontres de jeunes pousses. Parmi les participants figuraient des reprĂ©sentants de la SNCF, Keolis, Valeo, Plastic Omnium, Stations-e, Paragon Mobility, ESTACA et Bouygues. Les principaux domaines explorĂ©s Ă©taient l’Ă©nergie, et, plus largement, la mobilitĂ© et l’innovation.

La visite de Futura-Mobility a Ă©tĂ© grandement facilitĂ©e par le soutien du Greater Geneva Bern area (GGBa), lâagence de promotion Ă©conomique de Suisse occidentale qui reprĂ©sente six cantons francophones ou bilingues :  Berne, Fribourg, Vaud, NeuchĂątel, GenĂšve et Valais.
Sa mission consiste Ă soutenir les entreprises Ă©trangĂšres (dĂ©marches administratives, conseils au niveau de la fiscalitĂ©, relations avec lâUE, etc.) afin quâelles puissent sâĂ©tablir rapidement et dĂ©velopper leurs activitĂ©s dans la rĂ©gion.


La Suisse a compris que pour dĂ©velopper lâinnovation, une lĂ©gislation favorable et la rencontre entre les sphĂšres acadĂ©mique et industrielle sont indispensables. Au niveau lĂ©gislatif, tout est pensĂ©, planifiĂ© et les dĂ©penses sont programmĂ©es et sĂ©curisĂ©es Ă moyen-long terme. Le cadre lĂ©gislatif est ainsi stable et permet lâinvestissement. Sara El Kabiri, experte mobilitĂ© du futur au sein de lâOffice fĂ©dĂ©ral du dĂ©veloppement territorial ARE, rencontrĂ©e pendant le voyage, a bien illustrĂ© cette approche. Elle a prĂ©sentĂ© un panorama de la politique des transports en Suisse, depuis le 19e siĂšcle jusquâaux Ă©tudes prospectives actuelles et les plans de dĂ©veloppement des transports associĂ©s.

La Suisse en quelques chiffres-clés

(source : site de la ConfĂ©dĂ©ration suisse – 2021)
On remarquera lâimportance du secteur secondaire gĂ©nĂ©rant 25 % du PIB en Suisse en 2021 (contre 17 % en France et 23 % en Allemagne).
- â â Le produit intĂ©rieur brut (PIB) par habitant de la Suisse est le deuxiĂšme plus Ă©levĂ© au monde (en 2020, il atteignait 86â850 USD selon les statistiques du FMI).
- â â En comparaison internationale, le niveau de la dette publique en Suisse reste relativement bas (et ce mĂȘme aprĂšs la crise liĂ©e Ă la pandĂ©mie de COVID-19). DĂ©but 2021, la dette publique brute (avant dĂ©duction du patrimoine financier) sâĂ©levait Ă prĂšs de 15 % du PIB (soit environ 100 milliards de francs).
- â La TVA suisse est la plus basse dâEurope. Son taux est fixĂ© Ă 8 % pour la majoritĂ© des biens et services, 3,7 % pour les prestations dâhĂ©bergement et 2,5 % pour les biens de premiĂšre nĂ©cessitĂ©.
- â â La Suisse consacre chaque annĂ©e plus de 22,5 milliards de francs Ă la recherche et au dĂ©veloppement (R&D), soit environ 3 % de son PIB. Plus des deux tiers de cette somme sont investis par des entreprises privĂ©es.
- â â La Balance commerciale suisse excĂ©dentaire de + 43 Mds de CHF en 2022 (-164 Mds ⏠France ; +82 Mds ⏠Allemagne) â source Eurostat.
LâEPFL, un creuset dâinnovation en lien avec les entreprises
Avec ses 360 laboratoires, 2 500 PHD, plus de 12 000 Ă©tudiants de 130 nationalitĂ©s et plus de 500 startups depuis sa crĂ©ation, lâEPFL Ă Lausanne est un lieu unique, oĂč Ă©ducation, recherche et innovation se mĂȘlent avec le tissu Ă©conomique local, et international. En son sein, Antoine Jourdan, Directeur de Switzerland Innovation Park West EPFL  est chargĂ© de faire le lien entre les besoins des entreprises et les axes de recherche de lâEPFL et des autres rĂ©alitĂ©s acadĂ©miques suisses. Il travaille avec les entreprises dĂšs lâĂ©tape de lâinspiration, puis au travers de collaborations scientifiques, jusquâĂ un accompagnement trĂšs concret de projets. Il facilite Ă©galement lâaccĂšs aux talents pour les entreprises, et les aide Ă avoir une vision longue terme par rapport Ă leur prĂ©sence dans le pays, spĂ©cifiquement dans les parcs dâinnovation, comme lâEPFL Innovation Park.
Parmi les projets menĂ©s par les laboratoires axĂ©s sur la mobilitĂ©, celui des trains Ă©quipĂ©s de camĂ©ras pour analyser les dĂ©formations des rails en temps rĂ©el illustrent parfaitement cette synergie entre la thĂ©orie et la pratique. Autre sujet, l’Ă©tude sur le lancer d’avions en papier pourrait, au-delĂ du simple amusement, avoir des implications importantes dans l’aĂ©rospatiale ou la conception de vĂ©hicules.
Pour aider les entreprises Ă mieux comprendre lâĂ©cosystĂšme dâinnovation suisse et les accompagner, lâEPFL a dĂ©veloppĂ©Â la plateforme KNOVA. Elle facilite la comprĂ©hension des besoins spĂ©cifiques des entreprises et identifie les opportunitĂ©s d’innovation au sein de l’Ă©cosystĂšme. Des sessions de âsprintâ mensuelles et des pĂ©riodes d’immersion de plusieurs mois permettent aux entreprises de collaborer Ă©troitement avec des experts et des chercheurs, favorisant ainsi le dĂ©veloppement de solutions innovantes.
Autre outil de collaboration, le parc de co-création Ecotope cherche à décloisonner encore davantage les frontiÚres entre les entreprises, les laboratoires de recherche et les startups, en favorisant la co-création entre « les décideurs politiques, les chercheurs, les investisseurs, les cadres, les entrepreneurs, les étudiants et les citoyens ».
VITA, pour une IA « socialement consciente » Â
Les recherches du laboratoire Visual Intelligence for Transportation (VITA) Ă lâEPFL Lausanne ouvrent la voie Ă un avenir oĂč les vĂ©hicules autopilotĂ©s ou bien les robots de livraison feront partie de la vie quotidienne. Les espaces de vie des maisons, terminaux et villes pourraient Ă©galement ĂȘtre Ă©quipĂ©s d’une « intelligence ambiante » (les technologies du quotidien fonctionnent ensemble de maniĂšre transparente) capable de percevoir le comportement humain et dâadapter les rĂ©ponses Ă y apporter.
VITA a dĂ©veloppĂ© le concept de « lâintelligence artificielle (IA) socialement consciente », capable de percevoir, naviguer et nĂ©gocier au sein dâenvironnements et dâinteractions socialement complexes. Utilisant notamment de lâanalyse dâimage par lâIA, le laboratoire sâattache Ă la meilleure connaissance des flux de personnes sur des parcours, sur la prĂ©dictivitĂ© des comportements humains, ainsi que sur les jumeaux numĂ©riques des villes.
Expert en Ă©thique de lâIA au sein du VITA, le professeur assistant Alexandre Alahi  questionne notamment les choix Ă©thiques liĂ©s Ă lâautonomie dans la mobilitĂ©. Il souligne lâimportance dâaborder des questions cruciales telles que la responsabilitĂ© en cas d’accident, les dĂ©cisions morales prises par les systĂšmes autonomes et l’impact social de la mobilitĂ© autonome. En particulier, l’Ă©thique liĂ©e Ă la sĂ©curitĂ© routiĂšre est au cĆur de ses prĂ©occupations.

Les experts du secteur automobile estiment souvent que le principal obstacle au dĂ©ploiement gĂ©nĂ©ralisĂ© des voitures autonomes (VA) rĂ©side dans la complexitĂ© technologique et les dĂ©fis liĂ©s Ă la prĂ©diction des comportements humains. Les systĂšmes autonomes doivent non seulement percevoir leur environnement, mais aussi anticiper les actions des piĂ©tons et autres vĂ©hicules, ce qui nĂ©cessite des avancĂ©es significatives en matiĂšre de dĂ©tection et d’analyse des signaux sociaux.
Pour rĂ©pondre Ă ces dĂ©fis, les chercheurs au laboratoire VITA explorent des mĂ©thodes pour enseigner aux IA les normes Ă©thiques et sociales, tout en permettant une adaptation contextuelle. Des solutions telles que la reproduction de l’Ă©thique individuelle ou collective dans les IA sont envisagĂ©es, avec des mĂ©canismes permettant aux utilisateurs de partager leurs valeurs Ă©thiques avec les systĂšmes autonomes.
LASUR, regarder Ă la loupe lâexpĂ©rience de mobilitĂ©Â
Ăgalement au sein de lâEPFL Ă Lausanne, le laboratoire de sociologie urbaine (LASUR), est composĂ© d’une vingtaine de chercheurs et de doctorants unis pour la comprĂ©hension des expĂ©riences urbaines dans une perspective de sciences sociales. Sous la direction du professeur Vincent Kaufmann, travaille notamment sur toutes les formes de mobilitĂ©s, des personnes comme des marchandises, en zone urbaine.
Seul laboratoire de sociologie au sein de lâEPFL, le LASUR est indispensable pour comprendre lâacceptabilitĂ© et lâadoption par la population des technologies dĂ©veloppĂ©es par les ingĂ©nieurs, et pour anticiper ou observer les usages.
Lors de la visite de Futura-Mobility, le rapport à la vitesse et les questions posées par la dé-mobilité ont été deux des sujets approfondis par le professeur Kaufmann.

Dans notre sociĂ©tĂ© contemporaine, la vitesse est souvent synonyme de progrĂšs et de rĂ©ussite. Se dĂ©placer rapidement sur de longues distances, frĂ©quemment, est souvent valorisĂ©, perçu comme un signe de dynamisme et de succĂšs. MĂȘme dans les laboratoires de recherche, les meilleurs sont envoyĂ©s dans des colloques lointains pour prĂ©senter leurs recherches.
Cette norme sociale de la vitesse soulĂšve des questions importantes, notamment en ce qui concerne son impact sur l’environnement et sur la qualitĂ© de vie des individus.
En Suisse par exemple, le mode de vie de beaucoup de gens est basĂ© sur la mobilitĂ© pendulaire : les individus trouvent du travail dans des villes Ă©loignĂ©es mais choisissent de ne pas dĂ©mĂ©nager, comptant plutĂŽt sur les rĂ©seaux de transport pour leurs dĂ©placements quotidiens. Cette pratique repose sur le principe de rĂ©versibilitĂ©, câest-Ă -dire que les individus utilisent les potentiels de vitesse procurĂ©s par les infrastructures existantes pour Ă©viter de faire des choix irrĂ©versibles tels que le dĂ©mĂ©nagement, qui entraĂźneraient des changements significatifs dans leur vie quotidienne, voire la migration inter-rĂ©gionale, qui entraĂźneraient des changements significatifs dans leur vie quotidienne, notamment sur le plan scolaire, linguistique et culturel.
Une recherche intitulĂ©e « Job Mobilities and Family Lives in Europe » (2016) a rĂ©vĂ©lĂ© que prĂšs dâune personne sur deux dans plusieurs pays europĂ©ens avait Ă©tĂ© confrontĂ©e Ă des dĂ©placements Ă longue distance intensifs et rĂ©guliers (tous les jours ou toutes les semaines, ou avec frĂ©quemment une nuit sur place) pour mener sa vie professionnelle. Les individus vivant cette rĂ©alitĂ© sont gĂ©nĂ©ralement moins heureux que les autres et connaissent un taux de divorce plus Ă©levĂ©. Les chercheurs s’accordent Ă dire que la mobilitĂ© excessive constitue l’un des principaux obstacles Ă la dĂ©carbonation des dĂ©placements.
Face à ces défis, des initiatives commencent à émerger. Par exemple, certains instituts de recherche envisagent de mettre en place des quotas de carbone par laboratoire, incitant ainsi les chercheurs à réduire leurs déplacements et à adopter des pratiques plus durables.
LâĂ©nergie Ă©tait le thĂšme principal du voyage exploratoire de Futura-Mobility en Suisse. Notre article dĂ©diĂ© â La Suisse, territoire dâinnovation pour des systĂšmes Ă©nergĂ©tiques plus performants  â dĂ©taille les dĂ©couvertes et les rencontres autour de ce vaste sujet, notamment auprĂšs :
–  de l’EPFL Valais, dans le canton de Sion, et plus spĂ©cifiquement le campus Energypolis
– du laboratoire Industrial Process and Energy Systems Engineering (IPESE), au sein dâEnergypolis
– du Swiss Battery Technology Centre (SBTC) au Switzerland Innovation Park Biel/Bienne
– de lâiBAT, un rĂ©seau universitaire de recherche, dâindustrie et de gouvernement, et de CircuBAT (Circular Economy Lithium-Ion Batteries), qui visĂ© à « amĂ©liorer les batteries dĂšs la conception pour permettre un recyclage plus efficace et prolonger leur durĂ©e de vie ». Deux projets phares du SBTC
– du Centre de recherche sur le stockage de lâĂ©nergie de la Haute Ă©cole spĂ©cialisĂ©e bernoise
– de WattAnyWhere, une jeune pousse franco-suisse qui propose une solution dâapprovisionnement Ă©nergĂ©tique supplĂ©mentaire par production dâĂ©lectricitĂ© Ă partir de biomasse, indĂ©pendamment du rĂ©seau Ă©lectrique.
En plus de sâintĂ©resser Ă la question Ă©nergĂ©tique, Futura-Mobility a Ă©galement profitĂ© de ce voyage en Suisse pour rencontrer des startups dans des phases diffĂ©rentes de dĂ©veloppement, ainsi que des personnes et des communautĂ©s inspirantes dans le domaine des mobilitĂ©s.
Swisspod, le projet hyperloop « made in Switzerland »
En 2018 et 2019, lâĂ©quipe EPFLoop arrive 3Ăšme sur 1 000 Ă©quipes dans le concours hyperloop dâElon Musk. Par la suite, elle sâest associĂ©e avec lâEPFL-DESL pour la recherche et le dĂ©veloppement d’un hyperloop âdesigned in Switzerlandâ et câest ainsi quâest nĂ©e Swisspod.
« Un systĂšme hyperloop est une sĂ©rie de capsules Ă haute vitesse et Ă faible consommation d’Ă©nergie dans un environnement Ă trĂšs basse pression », rĂ©sume Mario Paolone. « « Ătant donnĂ© le temps nĂ©cessaire pour arriver Ă la vitesse de croisiĂšre de 600 ou 700 km/h, ce nâest pas faisable dâarrĂȘter tous les 100 km donc ce mode de transport nâest pas en concurrence avec le train mais plutĂŽt avec les vols intracontinentaux et pourrait donc bouleverser notre façon de voyager. »
La particularitĂ© du projet Swisspod rĂ©side dans son systĂšme de propulsion qui ne nĂ©cessite pas de rail actif (comme dans le train Ă haute vitesse Maglev) et du systĂšme de lĂ©vitation de la capsule intĂ©grĂ© Ă la propulsion. CĂŽtĂ© vitesse, lâoptimum envisagĂ© par lâĂ©quipe est de 610 km/h, car selon les calculs issus de la thĂšse de doctorat de Denis Tudor, aller encore plus vite nĂ©cessiterait trop dâĂ©nergie dĂ©pensĂ©e pour chaque km parcouru. On est clairement sur une dĂ©marche Ă©loignĂ©e de la promesse de M. Musk (en 2013) Ă 1 200 km/h !
En mettant l’accent sur l’efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique, la durabilitĂ© et la rĂ©duction des coĂ»ts de lâinfrastructure, la technologie de transmission de SwissPod est conçue de maniĂšre modulaire, ce qui permet diffĂ©rentes configurations de systĂšmes. Cette approche ouvre un horizon de possibilitĂ©s pour diffĂ©rents types d’applications telles que le transport de marchandises ou de passagers.
L’objectif est de cibler d’abord le fret (0,5% du marchĂ© suisse est ciblĂ©) avant de sâintĂ©resser au transport des passagers, « parce qu’il servira de tremplin pour Ă©valuer la sĂ©curitĂ© et collecter des donnĂ©es », dĂ©taille M. Paolone. Une application potentielle pour transporter les marchandises serait un tube reliant les centres de tri situĂ©s Ă l’extĂ©rieur des centres-villes aux centres de distribution situĂ©s Ă lâintĂ©rieur.
A Lausanne en 2021, Swisspod a mis en place la premiĂšre installation dâessai hyperloop Ă trajectoire infinie, puisque circulaire, au monde. « Cette piste d’essai hyperloop Ă Ă©chelle rĂ©duite (1/12) est conçue pour minimiser la consommation d’Ă©nergie et le coĂ»t de l’infrastructure, tout en imitant le plus possible la vitesse et les caractĂ©ristiques physiques de son modĂšle correspondant Ă lâĂ©chelle rĂ©elle », explique Denis Tudor. Pourquoi circulaire ? « Car pour tester rĂ©ellement le systĂšme de propulsion et le systĂšme de pilotage automatique, il faut une trajectoire d’environ 100 km, ce que permet la piste circulaire ».
Une fois le prototype de la capsule prĂȘt en juillet 2023, les premiers essais sur cette piste ont dĂ©butĂ© en octobre 2023.
Cargo Sous Terrain, le transport de marchandises sans nuisance
Peut-ĂȘtre Ă lâaube dâune prochaine rĂ©volution du transport de marchandises, Cargo Sous Terrain, une entreprise crĂ©Ă©e en 2017 Ă BĂąle, dĂ©veloppe une solution innovante : un systĂšme de transport de marchandises sur une distance de 500 kilomĂštres Ă travers des tubes installĂ©s Ă 20 Ă 60 mĂštres sous terre.

Cette infrastructure de tubes Ă trois voies (deux pour le transport et une au milieu pour la maintenance), vise Ă rĂ©pondre Ă une demande croissante de transport tout en Ă©vitant d’engorger les infrastructures existantes telles que les voies ferrĂ©es et les routes. En Ă©liminant les Ă©missions et le bruit associĂ©s au transport de marchandises, le projet vise Ă amĂ©liorer la qualitĂ© de vie des habitants tout en prĂ©servant l’esthĂ©tique des paysages suisses. Lâobjectif est Ă©galement de rĂ©duire le trafic de marchandises dans les zones urbaines, contribuant ainsi Ă dĂ©sengorger les centres-villes et Ă amĂ©liorer la circulation.
Le systĂšme reposera sur 12 centres logistiques stratĂ©giquement situĂ©s pour faciliter l’entrĂ©e et la sortie des marchandises. Une des caractĂ©ristiques uniques du projet est l’utilisation de vĂ©hicules automatisĂ©s Ă©quipĂ©s pour transporter des petits colis, permettant ainsi un tri efficace dĂšs le point d’origine. Les marchandises sont regroupĂ©es selon leur destination, puis livrĂ©es en ville par des vĂ©hicules combinant les chargements de plusieurs clients.
Des Ă©tudes menĂ©es en collaboration avec l’UniversitĂ© de Zurich ont dĂ©montrĂ© que le systĂšme Cargo Sous Terrain pourrait rĂ©duire jusqu’Ă 25 % du trafic de marchandises dans la ville de Zurich, illustrant ainsi son potentiel Ă grande Ă©chelle.

Le financement de Cargo Sous Terrain est assurĂ© exclusivement par des fonds privĂ©s, conformĂ©ment Ă la loi fĂ©dĂ©rale sur le transport souterrain des marchandises (LTSM). Actuellement en phase de planification, lâentreprise prĂ©voit ensuite de solliciter en 2024-2025 l’autorisation de construction auprĂšs des autoritĂ©s fĂ©dĂ©rales.
DĂ©congestionner et dĂ©carboner les transports de passagers sur lâeau
En phase dâexpĂ©rimentation, MobyFly, une jeune pousse du canton du Valais, conçoit des bateaux Ă foils rapides pour le marchĂ© du fast ferry. Sa mission ? DĂ©congestionner les villes et contribuer Ă dĂ©carboner le transport maritime.


« L’une des caractĂ©ristiques les plus marquantes de ces bateaux hydro-foil est leur logiciel de contrĂŽle de vol, dĂ©veloppĂ© Ă partir de la technologie des drones », souligne Sue Putallaz, co-fondatrice et CEO de la start-up. « Avec une expĂ©rience de dix ans, ce logiciel a dĂ©jĂ fait ses preuves sur de nombreux bateaux, y compris dans des compĂ©titions prestigieuses telles que l’America’s Cup. Il garantit une stabilitĂ© optimale du bateau, tout en permettant d’atteindre une vitesse optimale pour une efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique maximale ».
PropulsĂ©s par des moteurs Ă©lectriques ou Ă hydrogĂšne Ă 70 km/h, selon MobyFly ses bateaux sont capables de consommer jusquâĂ 95 % moins dâĂ©nergie que les ferries au diesel en service aujourdâhui. Bien que la lĂ©gislation actuelle oblige encore la prĂ©sence d’un conducteur Ă bord, avec le temps, il sera envisageable de passer en pilotage autonome.
Les lignes de transport couvrant des distances de 0 Ă 100 kilomĂštres Ă travers le monde constituent le marchĂ© ciblĂ© par MobyFly. Les bateaux sont conçus pour accueillir entre 12 et 350 passagers, rĂ©pondant ainsi aux besoins non seulement des voyageurs touristiques, mais aussi des pendulaires (navetteurs) cherchant Ă se dĂ©placer efficacement d’un point A Ă un point B.
L’entreprise, qui dispose dĂ©jĂ d’un prototype certifiĂ© sur le lac LĂ©man, prĂ©voit de lancer prochainement sa premiĂšre prĂ©-sĂ©rie.
Soutien politique, partenariats et emplacements stratégiques
Une des belles « success-stories » racontĂ©es pendant le voyage est celle de Carvelo, un projet issu de lâAcadĂ©mie de la MobilitĂ© (voir encadrĂ©) et dĂ©veloppĂ© en collaboration avec l’Office fĂ©dĂ©ral de l’Ă©nergie en 2015. Au fil des annĂ©es, Carvelo est devenue la plus grande plateforme mondiale de partage de vĂ©los-cargos Ă©lectriques avec un rĂ©seau couvrant plus de 100 villes en Suisse en 2023. Son modĂšle commercial est rentable, avec un chiffre d’affaires de 1,6 million de francs suisses par an.

Selon Dr. Jörg Beckmann, vice-directeur du Touring Club Suisse et directeur gĂ©nĂ©ral fondateur de l’AcadĂ©mie de la mobilitĂ©, les leçons tirĂ©es de Carvelo soulignent l’importance du soutien politique dans la mise Ă l’Ă©chelle de solutions innovantes. En outre, les partenariats avec les entreprises locales et l’emplacement stratĂ©gique des stations de vĂ©los-cargos auprĂšs des commerçants ont permis d’Ă©tendre la portĂ©e et l’utilisation du service.

Des start-ups innovantes, des acteurs industriels et des gouvernements nationaux unissent leurs forces au sein de lâAcadĂ©mie de la MobilitĂ©, crĂ©Ă©e en 2008 par le Touring Club Suisse (TCS). Elle Ćuvre pour un dĂ©veloppement structurel durable des mobilitĂ©s et joue un rĂŽle central dans le conseil politique. Ses efforts de lobbying visent Ă promouvoir les solutions de mobilitĂ© partagĂ©e.

Les initiatives pionniÚres menées par Dr. Jörg Beckmann et son équipe sont par exemple :
– le transport par drone et le e-VTOL avec la crĂ©ation de la Drone & Vertical Mobility Academy, une commande originale de la FĂ©dĂ©ration Internationale de l’Automobile (FIA) ;
– la mise en Ćuvre de solutions du quotidien comme Carvelo ;
– des offres de vĂ©hicules Ă©lectriques partagĂ©s.
Fairtiq, une billettique intelligente pour les transports publics
Une autre belle rĂ©ussite suisse est celle de Fairtiq qui propose une application mobile actuellement disponible en Suisse, Allemagne, en Autriche, au Liechtenstein et en France pour les transports publics (train, tram, bus). Lâutilisateur nâa quâà « swiper » pour dĂ©marrer son trajet et pour le clĂŽturer Ă destination. Lâapplication dĂ©tecte automatiquement le moyen de transport utilisĂ© par le passager puis sĂ©lectionne, chaque fin de mois par exemple, la facturation de la meilleure marchĂ© pour le passager en fonction des donnĂ©es collectĂ©es et des offres disponibles chez les opĂ©rateurs de transport.

Depuis son lancement en 2016 Ă Berne, Fairtiq a gĂ©rĂ© plus de 150 millions de voyages Ă travers ses systĂšmes, dont 3 millions rien qu’en France. La trĂšs grande simplicitĂ© du systĂšme pour les passagers fait sa force.

Les clĂ©s du succĂšs de Fairtiq, selon son fondateur et co-CEO Gian-Mattia Schucan, rĂ©sident dans des solutions innovantes et personnalisĂ©es pour rĂ©pondre aux besoins diversifiĂ©s de sa clientĂšle internationale, un investissement continu dans la R&D et une Ă©quipe diversifiĂ©e. « Avec des professionnels issus de divers horizons et dotĂ©s d’expertises variĂ©es, on cultive un environnement collaboratif et stimulant qui favorise l’innovation et la croissance ».
 La partie Ă©mergĂ©e de lâiceberg
Lors de ce voyage exploratoire, la dĂ©lĂ©gation de Futura-Mobility a dĂ©couvert une Suisse riche en idĂ©es et en initiatives innovantes. Les diverses activitĂ©s de recherche gĂ©nĂšrent un foisonnement dâidĂ©es Ă potentiel industriel. Chercheurs, ingĂ©nieurs, sociologues, entrepreneurs⊠tous sont passionnĂ©s et interconnectĂ©s par lâĂ©cosystĂšme dâinnovation soutenu par les pouvoirs publics. Les deux jours de voyage de Futura-Mobility nâont pu rĂ©vĂ©ler quâun aperçu de cette richesse. Il reste Ă©videmment beaucoup Ă explorer dans le pays le plus innovant du monde.