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Comportements, usages et innovations responsables

Par : Lesley Brown 13 octobre 2017 no comments

Comportements, usages et innovations responsables

Paris, 6 octobre 2017 : Organisée par Futura-Mobility sur la péniche India Tango, cette séance d’une demi-journée a accueilli autour des membres fondateurs, des start-upers, designers, chercheurs avec d’autres industriels de la mobilité ou non.

 

 

1ère scène : Lecture

Marie Privat, à l’innovation chez Safran, nous lit avec un grand talent une des histoires écrites par Anne-Caroline PaucotLes Propulseurs, suite à l’atelier de « prospective fiction » organisé par elle sur la péniche le 19 septembre précédent.

 

 

Les réactions sont nombreuses tant cette histoire fait émerger des réflexions sur :

  • notre rapport aux distances et donc à la mobilité – le monde se rapprochant, c’est un facteur de paix. Ce scénario met en exergue la nécessité de ne pas revenir en arrière en étant limité dans l’espace ;
  • la configuration des villes, notamment la proximité travail / domicile qui, même avec du télétravail, restera toujours certainement un facteur de déplacement important ;
  • notre rapport aux loisirs, la dame dans l’histoire faisant un tour en voiture autonome pour discuter avec ses amis ;
  • la question de l’impact de l’autonomisation des véhicules : plus ou moins de trafic ?

Ainsi, l’intérêt d’un tel travail prospectif sous forme de fictions est validé par les membres de Futura-Mobility.

 

2ème scène : Table-ronde, « comprendre les comportements » 

Pourquoi les comportements individuels changent-ils si lentement alors que tout le monde ou presque est conscient du changement climatique ?

 

 

D’après Anne-Caroline Prévot, directrice de recherche au CNRS en psychologie et chercheuse au MNHN : « les gens disent qu’ils sont de plus en plus en plus concernés et l’on peut s’en réjouir… mais ce n’est pas parce que qu’on dit qu’on est concerné qu’on change nos comportements ».

Sylvie Granon, chercheuse en neurobiologie à l’université Paris-Sud : le vécu et ainsi les émotions générées lors de nos expériences vont être à la base de nos décisions. Ce sur quoi Mme Prévot renchérit : « Le plus important c’est effectivement l’expérience et le vécu bien plus que ce qu’on entend et que ce qu’on est même capable de percevoir par notre intellect ».

Mme Granon met en avant les facteurs de prise de décision :

  • les aspects émotionnels
  • la motivation (l’envie)
  • mais surtout la balance coûts / bénéfices

Trois grands types de motivation à agir ou changer de comportements, selon Mme Prévot :

  • notre attitude : les émotions ressenties (on aime / on n’aime pas), la connaissance qu’on en a, les valeurs qu’on attribue à ce comportement avec notre histoire personnelle
  • les normes sociales, qu’en dira-t-on ? et la pression de groupe
  • la perception du contrôle et de l’efficacité : vais-je y arriver ? Est-ce que ce que je vais faire est important ?

« Pour faire changer les comportements, dans la communication, il est important de jouer sur les trois à la fois, pas sur un seul ».

 

3ème scène : Table-ronde, « faire basculer les comportements »

Comment les propos tenus dans la première table-ronde résonnent-ils en vous ?

 

 

Alice Audouin, president & fondateur, Art of Change 21 :  « Effectivement le fait de montrer va sûrement faire changer les habitudes. Par exemple, les applications sur la pollution de l’air vont sûrement être un facteur déterminant pour faire changer les habitudes. On peut espérer que le facteur santé va être dominant pour choix de mobilité futur – c’est déjà le cas en Chine notamment. »

Etienne Bressoud, director, BVA NudgeUnit & co-fondateur, NudgeFrance : « C’est pas parce qu’on a l’intention de changer, qu’on va changer. Aux États-Unis, expliquer aux américains qu’ils peuvent gagner 50 $ par mois en coupant la climatisation à certaines heures de la journée en mettant le ventilateur à la place, est moins efficace que de leur dire que 77% de leurs voisins le font. On retrouve le poids de la norme sociale.

« Le Nudge travaille sur le contexte, sur l’environnement des gens, sans même passer par l’opinion et les attitudes conscientes des gens. Il faut aussi que les gens puissent changer. Il existe un modèle de Fogg ‘B=MAT’, Behaviour = Motivation x Ability x Trigger. Le trigger est le petit coup de pouce, le nudge. Le nudge c’est comment je re-designe l’environnement de choix d’un individu pour l’inciter a avoir un comportement sans le contraindre et en accord avec ses propres objectifs ».

 

 

Le programme Bretagne Mobilité Active (BMA) s’occupe de la mobilité en regardant l’activité des gens – pourquoi consomment-ils de la mobilité ? », notamment au niveau des entreprises.

Jean-Luc Hannequin, directeur du développement, CCI Ille-et-Vilaine : « On s’est aperçu que les gens ne savent pas expliquer ce qu’ils font ou leur mobilité, que ce soit dans la banque ou dans le bâtiment. En fait, la mobilité est un facteur dysfonctionnel de l’organisation : les chantiers n’étant pas bien organisés, ils mangeaient de la mobilité jusqu’à réduire de 50% leurs marges.

« Apporter la réponse en terme de véhicules électriques aurait caché le véritable traitement du problème de mobilité, qui venait de l’organisation des chantiers en amont. Ainsi, quand on arrive à transformer l’activité, la conséquence est la mobilité. Ce n’est pas le comportement qu’on a visé dans BMA ».

A propos des problèmes de déchet …

Katarzyna Rénie, head of sustainable development, Nespresso France : « Le succès de Nespresso est basé sur une innovation forte qui a eu pour corollaire de créer un déchet nouveau, ce qui est impensable aujourd’hui dans la société actuelle, et c’est un progrès sociétal ! Même si ce déchet est très peu significatif au regard des impacts globaux de Nespresso, l’entreprise n’existera à long terme que si on règle le problème de ce déchet.

« Quand on organise la collecte des capsules usagées dans les boutiques, on ne touche que 20% des clients : les convaincus. Mais pour toucher les autres, l’équilibre effort / bénéfice n’est pas assez bon. Ainsi, on a pensé à s’intégrer dans le geste écologique préféré des français, le tri sélectif ».

On a parlé de plaisir, d’envie : peut-on utiliser le design pour faire adopter des solutions innovantes ?

Marc Van Peteghem, co-fondateur, VPLP Design & Sustainable Design School de Nice; président & co-fondateur, WATEVER :

« On a gagné la coupe de l’Amérique avec un trimaran équipé d’une aile  de 68 m de haut, donc si on peut proposer ça sur d’autres bateaux et qu’on trouve un système amortissable sur moins de 5 ans sur les gains de carburants, cela devrait plaire. Les armateurs n’investiront jamais que si c’est une histoire de climat, et il faut que ce soit rentable. C’est très rapidement rentable.

« L’idée derrière le projet Oceanwings est de se dire que depuis des milliers d’années les bateaux sont propulsés par le vent et que cela fait un peu plus d’un siècle qu’on ne l’utilise plus. Or les bateaux marchands actuels polluent – il faut trouver des solutions.

« Aujourd’hui, un prototype a été développé avec l’aide de l’ADEME et on a un partenariat technique avec le groupe CNIM pour passer à l’échelle industrielle. Le cargo est notre premier objectif, sûrement aussi des grands yachts, la pêche – les palangriers qui font beaucoup de route pour lesquels le carburant représente 45% de leurs frais de fonctionnement ».