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Journée sur l’Intelligence Artificielle à Futura-Mobility

Par : Lesley Brown 19 décembre 2018 no comments

Journée sur l’Intelligence Artificielle à Futura-Mobility

Le 19/10/18

Ecrit par Lesley Brown, traduit par Charlotte Marrécau

 

Cette session de Futura-Mobility portait sur l’intelligence artificielle (IA) et son rôle dans la mobilité de demain. L’IA va rapidement devenir un outil indispensable à la mobilité car son écosystème – quantités de données nécessaires et disponibles, ordinateurs plus puissants et algorithmes disponibles – se met en place. Néanmoins, malgré ce progrès rapide, il reste encore beaucoup de questions et un réel besoin d’une perspective industrielle et d’une feuille de route adaptée.

Présentations externes et ateliers de partage étaient au programme. Tout au long de la journée les membres ont pu confronter leurs visions sur les challenges de la mobilité de demain. La neutralité de Futura-Mobility leur a ainsi permis de bénéficier d’une vision croisée sur la manière dont la « révolution IA », pour reprendre les mots d’Yves Caseau, peut impacter leur entreprise et plus globalement le secteur des transports.

 

 

Yves Caseau, président de la commission des TICS à  l’académie française des technologies

D’après Yves Caseau, le processus pour faire de l’IA se fait en plusieurs étapes :

  • Collecter des millions de données (la tâche la plus difficile) ;
  • Trouver un algorithme (finalement relativement simple car les développeurs les partagent sur des plateformes en Open Source) ;
  • Intégrer l’ensemble – données + algorithmes – dans un système et le laisser fonctionner pendant un certain temps ;
  • Et enfin faire apprendre le tout – données + algorithmes + système -, en générant des itérations mais surtout en confrontant les résultats aux clients.

 

 

Yves Caseau (photo ci-dessus) a insisté sur le fait que les données seules n’ont pas de valeur, ni les algorithmes. C’est l’ensemble du système – algorithmes + données + itérations – qui crée de la valeur. « En fin de compte, faire de l’IA c’est comme faire une recette » : les œufs et la farine séparés n’ont pas tellement de valeur, mais un gâteau oui. C’est cette recette, plus que les données, qu’il faut protéger.

« Depuis 2012, l’IA  suit une accélération très forte, avec des nouveaux développements technologiques qui sortent tous les trois mois, comme la reconnaissance d’images », a expliqué Yves Caseau.

En effet, l’accélération de l’IA sur la reconnaissance d’images est tellement spectaculaire qu’elle a rattrapé les compétences humaines. Dans le cadre du  challenge ImageNet de 2015, une compétition de reconnaissance visuelle dont l’objectif est d’obtenir la meilleure précision dans la classification d’image, Microsoft et Google ont annoncé avoir battu la performance humaine.

Les solutions développées portent autant sur des verticales métiers, comme la santé ou la finance, que sur des usages du quotidien. Le nombre d’entreprises dans le domaine est passé de 70 entreprises  dans le monde en 2011, à presque 400 en 2015. Entre-temps les acteurs majeurs comme Google, Amazon, Facebook, IBM et Microsoft (les GAFIM) ont investi des millions de dollars en seulement quelques années.

 

Deep Interest In AI: New High In Deals To Artificial Intelligence Startups In Q4’15

 

Yves Caseau a décrit l’IA comme une « boite à outils étendue» : un ensemble de méthodes, protocoles et assemblages. Il a encouragé les groupes industriels à travailler, « le plus tôt sera le mieux », sur les cinq champs d’applications suivants :

  • Les outils d’automatisation (Automatisation robotisée des processus, outils de programmation, moteurs de règles) ;
  • Le traitement automatique du langage naturel (Chatbot et ontologies – «  C’est encore le début pour les Chatbots mais ils vont s’améliorer » explique Yves Caseau) ;
  • La reconnaissance de forme (forêt d’arbres décisionnel, réseau neuronal)
  • La prévision (outils de machine learning/ prédiction d’API) ;
  • La machine Vision (une expérimentation est en cours sur l’utilisation du le mécanisme du réseau neuronal convolutif pour faire du deep learning).

Pour que les projets d’IA réussissent en entreprise, il faut mettre en place les bonnes conditions : notamment encourager ses équipes pour qu’elles réussissent.

« Arrêtez d’empêcher vos équipes de faire de l’IA ! » a déclaré Yves Caseau. La technologie étant imprévisible, il est impossible de savoir en avance où elle mènera. Il est donc insensé d’attendre des ROI sur des projets IA : « Le management vertical tue ! » s’est-il exclamé. Il a insisté sur une autre obligation : celle d’autoriser le partage des données en rappelant que « la valeur est dans la recette, pas les ingrédients ! » 

« Il est également important de ne pas conduire des projets d’IA comme des projets SI – qui ont des deadlines, mais plutôt comme une activité continue »,  a-t-il souligné.

Il est également important de mettre place une culture de Lab, spécifique à l’IA, pour pouvoir tester plusieurs projets. Il est plus facile de créer des boucles de test avec des machines que dans le monde réel. « C’est plus rapide et surtout plus simple de passer à autre chose après », explique Yves Caseau.

Cette culture du « tester et échouer pour innover » faisait écho à la posture de personnes rencontrées par les membres de Futura-Mobility lors de la learnex en Amérique du Nord de mai 2018. Patrick Cohendet, de HEC Montréal, a expliqué au think-tank que Mosaic,  le hub de créativité et d’innovation qu’il a créé, était né d’une tentative échouée d’obtenir des subventions publiques. De même, Mohamed Hage et Nicolas Delanos, des fermes (urbaines) Lufa, pouvaient rapidement abandonner les projets qui ne marchaient pas et se consacrer à d’autres.

Impact IA

Roxana Rugina (sur la photo ci-dessous), manager de projet chez Impact IA, a donné un aperçu de cette fondation. Impact IA est un think and do tank créé en juin 2018, à l’initiative de Microsoft.

L’objectif de la fondation est d’encourager, au travers d’une approche systémique, le débat collectif et responsable autour des problématiques de l’IA. Elle inclut des membres comme Engie, Bouygues, Orange, Air-France-KLM et SNCF ainsi que les start-ups partenaires de Microsoft.

 

 

En novembre 2018, la fondation a publié un baromètre sur les craintes vis-à-vis de l’IA, identifiées par une enquête publique. Christophe Lienard, Directeur Innovation du groupe Bouygues, a suggéré que les entreprises utilisent par la suite ce baromètre pour conduire des enquêtes au sein de leurs propres équipes « pour obtenir des informations sur leurs craintes et connaitre leur positionnement ».

D’ailleurs, Myriam Coté,  directrice de l’équipe R&D et transfert technologique du MILA, a expliqué aux membres de Futura-Mobility, lors du voyage exploratoire en Amérique du Nord : « C’est mieux de soulever les questions anxiogènes aujourd’hui, alors que les systèmes sont encore peu développés, plutôt que d’attendre qu’ils deviennent véritablement intelligents ».

 Partage d’idées : Comment l’IA peut aider l’industrie du transport ?

Au cours de cet atelier, les participants ont échangé sur les cas d’usages de l’IA ayant un impact pour le secteur du transport public.

 

 

L’analyse prédictive a été mise en avant avec de nombreuses applications : événements rares, cybersécurité, exploitation, trésorerie, intelligence économique et même la prédiction météorologique – « A ce sujet, nous nous intéressons particulièrement au givre sur la caténaire et la prédiction de la chute des feuilles sur les voies », a détaillé Jean-Jacques Thomas, directeur innovation de SNCF Réseau.

Raphaël Frayssinet, manageur de projet innovation au groupe ADP, a partagé une expérience de la compagnie sur un projet de maintenance prédictive pour la gestion des bagages. Les équipes ont rapidement réalisé qu’il n’y avait pas assez de défaillances pour générer suffisamment de données. Le groupe teste actuellement une autre solution IA (FieldBox) à l’aéroport Roissy Charles de Gaule, sur  un convoyeur de 45 km, traitant 65 000 bagages par jour. « Ce système peut également être utile pour prédire les volumes de bagages à traiter », a souligné Raphaël Frayssinet.

« En tant que constructeur, nous avons des données sur les sous-composants mais pas sur leur exploitation », a confié Julien Cabot, Chief Digital Architect d’Alstom, en ajoutant qu’il serait aussi intéressé par les données sur la conduite autonome : « Nous avons quelques données, des pièces du puzzle mais pas la totalité. »

 

 

Arnaud Julien, Directeur Innovation et Digital chez Keolis, a expliqué que l’IA serait utile pour la maintenance prédictive des lignes de métro automatiques. « Le challenge actuel majeur est de rassembler les données en cohérence », a-t-il conclu.

Il a été admis que, dans la plupart des cas, le manque de données empêchait de passer aux étapes suivantes. De plus, il est devenu clair au cours de cet atelier, comme tout au long de la journée, que les questions d’éthiques ne sont jamais loin des sujets d’IA – par exemple,  l’anticipation du départ d’un salarié pour une autre entreprise.

Une chose est sûre : à l’avenir, le pouvoir de prédiction de l’IA sera essentiel dans le domaine de la mobilité sur tous  les sujets  qui touchent la relation client.

Jean-Pierre Farandou, président de Keolis, avait souligné cette  théorie lors de son intervention à Futura-Mobility en avril 2018. Il est convaincu que la 4e révolution de la mobilité (après la 1ère : le train, le charbon et l’acier ; la 2e : la voiture particulière – le pétrole – la production de masse ; et la 3e : mass transit – la voiture – l’électricité) sera la prédiction des besoins des clients grâce à l’IA. «On va arriver à un stade où l’entreprise connaît les besoins du client mieux que lui-même ! »