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La MaaS s’exprime

Par : Lesley Brown 28 avril 2019 no comments

La MaaS s’exprime

Paris, le 17 avril – Station F, Paris : Via ID, la filiale d’investissement du groupe de services automobiles Mobivia, en collaboration avec le cabinet de conseil stratégique Equancy, a organisé une table ronde pour explorer les tenants et aboutissants de la « Mobility as a Service » (MaaS).

 

De gauche à droite : Marie Bonniol,  modératrice du panel et responsable de la communication chez Via ID ; Yann Marteil, directeur général de Via ID ; Julien Honnart, CEO de Klaxit ; Thomas Luc, directeur stratégique mobilité d’Equancy

 

Intervenant en premier, Thomas Luc, directeur stratégique de la mobilité, Equancy, a expliqué comment la MaaS, une nouvelle approche de la mobilité basée sur l’agrégation des services, a vu le jour il y a environ dix ans.

« Depuis, elle est devenue une solution prometteuse aux grands défis de l’urbanisation, de la congestion et de la pollution auxquels la société est aujourd’hui confrontée. »

 

« …une solution prometteuse aux grands défis de l’urbanisation, de la congestion et de la pollution… » – Thomas Luc, Equancy

 

Pourtant, pour que la MaaS se développe vraiment et apporte une réelle plus-value, la technologie et l’agrégation de services ne suffisent pas.

Il faut également encourager les gens à changer leur comportement en matière de mobilité – par exemple en partageant ou en mettant en commun plutôt qu’en possédant une voiture, en utilisant plus souvent les transports publics, etc.

Plus particulièrement en France, M. Luc estime que trois facteurs clés contribuent au développement de la MaaS. A savoir :

– l’ouverture des données sur les transports ;

– l’évolution vers la gestion des systèmes de transport par les autorités locales elles-mêmes ;

– l’intérêt croissant du public pour la MaaS – voir Quelles mobilités émergentes en Europe ?

En 2018, Elisabeth Borne, ministre des transports, a créé un Comité stratégique pour les données et la MaaS, qui réunit des associations d’élus, des représentants des prestataires de services de mobilité (transports publics, autopartage, covoiturage…), des développeurs d’applications et de plateformes digitales et d’autres parties concernées.

Ce groupe de travail de surveillance se concentre sur ce qu’il considère comme des domaines clés, tels que la normalisation des données, le renforcement de la collecte de données sur l’accessibilité pour améliorer la vie des personnes handicapées, et la combinaison des informations et de la billetterie pour fournir la MaaS.

 

Via ID : enjeux et stratégie

En mars 2019, Via ID a annoncé sa prise de participation majoritaire dans UbiGo. Pionnier de la MaaS en Suède, UbiGo propose la mobilité par abonnement comme alternative à l’utilisation d’une voiture individuelle – transport public, location et partage de voitures, taxi et vélos sont proposés selon les besoins et via une seule application.

Après un projet pilote à Göteborg, qui s’est déroulé en 2013/14, UbiGo a été lancé à Stockholm en 2018, avec le fournisseur de technologie Fluidtime et l’opérateur régional de transport public Storstockholms Lokaltrafik (SL). Les opérateurs de services de mobilité faisant partie de l’aventure sont, entre autres, Cabonline, Hertz et Move About.

 

« La MaaS n’est pas une solution pour demain, comme les véhicules autonomes, mais bien pour aujourd’hui, et on pourrait même dire pour hier. C’est une nécessité » – Yann Marteil, Via ID

 

Pourquoi Via ID investit dans la MaaS ? « Parce que les offres se multiplient aujourd’hui et que le concept est passé de l’agrégation et des plates-formes à l’abonnement », explique Yann Marteil, directeur général de Via ID.

« Le phénomène de la numérisation rend possible ce développement technologique. Les impacts sont positifs, comme l’élimination de la congestion et la réduction de la pollution. La MaaS n’est pas une solution pour demain, comme les véhicules autonomes, mais bien pour aujourd’hui, et on pourrait même dire pour hier. C’est une nécessité », a-t-il insisté.

« Grâce à notre relation avec UbiGo, nous avons découvert que le défi est de créer une situation gagnant-gagnant pour les quatre briques de construction de MaaS – autorités locales, utilisateurs, opérateurs de services et intégrateurs de plateformes. »

M. Marteil est convaincu que le développement d’une culture de partenariat sera crucial pour le succès de la MaaS dans les années à venir, suggérant même qu’elle soit rebaptisée « Mobilité en Alliance ». Il croit également que le business model devrait se concentrer sur le ménage plutôt que sur l’individu. Pourquoi ?

« Comme pour Spotify et Netflix, il est dans leur intérêt que les services MaaS soient gérés au niveau du ménage afin de partager leur utilisation entre tous les membres de la famille. Ce modèle permet également de gérer toutes les dépenses liées à la mobilité via une seule application. »

C’est le cas du modèle d’UbiGo. L’abonnement mensuel peut être rechargé et les unités pour l’utilisation des services de mobilité non utilisées peuvent glisser d’un mois sur l’autre.

En comparaison, Whim offre différents plans d’abonnement individuel – Whim Urban 30, Whim Unlimited et Whim To Go.

 

Intégration : cases à cocher

Julien Honnart, PDG de Klaxit lien, a expliqué que  « pour l’intégrer dans les plates-formes MaaS, il faut d’abord établir trois éléments indissociables : l’application, les entreprises et les collectivités locales. »

 

« Si les autorités locales apportent un soutien financier, cela aide à susciter l’intérêt du public » – Julien Honnart, Klaxit

 

Il a expliqué en quoi l’engagement des entreprises est centrale pour créer des réseaux de covoiturage en atteignant une masse critique d’utilisateurs, pour renforcer la confiance entre eux, et aussi pour encourager un changement de comportement en matière de mobilité. Les collectivités locales, quant à elles, sont essentielles pour subventionner les services de covoiturage.

« Nous avons besoin d’un soutien financier pour financer les trajets car actuellement, en moyenne, les covoitureurs sont payés environ 0,10 € par kilomètre, ce qui est un peu plus que le coût de l’essence et représente donc une incitation.

« Mais les personnes qui empruntent ce service doivent aussi y être encouragées, c’est-à-dire qu’elles doivent payer moins cher que le coût de leur propre voiture, sinon cela n’a pas de sens. Si les autorités locales apportent un soutien financier, cela aide à susciter l’intérêt des gens. »

 

« Aucune des start-ups de covoiturage n’est aujourd’hui rentable. Nous sommes encore en train de construire le business model » – Julien Honnart, Klaxit

 

M. Honnart croit en l’importance du local. « Les villes qui subventionnent le covoiturage vont évidemment imposer certaines conditions, nous devons donc travailler avec elles au niveau local. Mais aussi avec un certain degré d’évolutivité de nos services. »

L’idée de Klaxit est de transformer la voiture individuelle en transport public par le partage. « Notre objectif est d’intégrer progressivement les applications MaaS en proposant les meilleures briques de construction de services », explique le CEO.

Pour atteindre cet objectif, Klaxit teste depuis janvier 2019 sur l’application de transport public parisienne MaRATP. « Nous sommes actuellement intégrés au même niveau que les transports publics, ce qui est très positif. » Pourquoi ? « Parce qu’un opérateur comme la RATP pourrait avoir peur que les usagers comparent le covoiturage aux transports en commun et perdent ainsi des clients. »

 

Qui est impliqué, comment et pourquoi ?

Au fur et à mesure que la MaaS se développe, elle implique différents types de parties prenantes. Il y a les fournisseurs « natifs », comme Whim et UbiGo, qui construisent leurs plates-formes autour d’une ville spécifique puis la reproduisent ailleurs.

Ensuite, il y a les opérateurs de transport « établis », comme Keolis, Transdev et la RATP, qui étudient comment intégrer la MaaS dans leurs offres de services existantes.

Les plates-formes de planification d’itinéraires comme Mappy et Citymapper, ainsi que des sociétés de VTC comme Uber et DiDi, font également partie de la MaaS.

Compte tenu de la nouvelle donne sur le marché automobile – partage plutôt que possession, préoccupations croissantes concernant les émissions, villes introduisant des mesures restrictives, arrivée de nouveaux entrants comme Google et Tesla – il n’est pas surprenant que les constructeurs automobiles aient également adopté la MaaS.

Pour rester compétitifs, les groupes automobiles traditionnels ont tout intérêt à s’adapter à leur époque. C’est pourquoi de nombreuses majors, qui disposent d’une énorme capacité d’investissement, prennent des mesures pour se positionner dans l’écosystème MaaS.

En 2015, Daimler a créé moovel, sa propre offre MaaS qui regroupe les services d’autobus et de train, le covoiturage, les VTC et les taxis. En février 2019, moovel a été rebaptisé REACH NOW dans le cadre d’une joint venture de mobilité entre Daimler et BMW Group.

Les deux groupes investissent ensemble plus d’un milliard d’euros pour développer et interconnecter plus étroitement leurs services d’autopartage, de VTC / taxis, de stationnement, de stations de recharge et de transport multimodal. La coopération comprend cinq entreprises communes : REACH NOW – services multimodaux ; CHARGE NOW – station de recharge ; FREE NOW – appels de taxi/VTC ; PARK NOW – stationnement ; et SHARE NOW – autopartage.

 

Au cours de la table ronde, les participants ont reçu un exemplaire de Demain !, une publication conjointe d’Equancy et de Via ID sur « la mobilité automobile du futur »

 

Des étapes à franchir

Pour l’avenir, M. Marteil estime que les parties prenantes désireuses d’acquérir une position sur le marché de la MaaS devraient se concentrer sur le développement d’applications locales, la création d’un réseau de tiers de confiance et la promotion de l’inventivité et de l’agilité – « pour mettre à l’épreuve les nouvelles solutions ».

Quant à Equancy, elle a trois convictions sur la manière d’aborder la MaaS :

1. L’expérience client doit être au centre de l’attention. Il s’agit de construire une offre globale avec les services associés, d’anticiper les besoins, d’identifier les irritants clients et de s’inspirer des plateformes d’autres secteurs comme lafourchette.com et leboncoin.fr.

 

2. Développer des synergies pour accélérer, innover et partager les risques est vital. Par exemple, pour mutualiser les forces, comme l’illustre le partenariat MaaS annoncé en février 2019 entre RATP Dev et tpg, l’opérateur de transport public genevois ; ou pour élargir l’offre de services comme l’a fait Uber par l’acquisition de Jump en 2018, start-up du vélo électrique sans bornes (free floating).

 

3. La gestion et la bonne exploitation des données seront la clé du succès de la MaaS pour deux raisons principales. D’abord elles vont aider les opérateurs à mieux comprendre comment les clients utilisent la mobilité et leurs préférences. Cela devrait conduire à une plus grande fidélité et à une meilleure rétention des clients. Et puis, les données vont devenir une nouvelle source de valeur pour les opérateurs.

 

Lire, parler, partager, être d’accord et ne pas être d’accord… la mobilité d’aujourd’hui/de demain

 

Il est utile de partager

Dans le cadre de la MaaS, Yann Marteil est favorable à l’instauration d’un régulateur indépendant pour l’open data car les différentes parties prenantes ne partagent pas nécessairement les mêmes intérêts – bien commun vs. profit commercial.

« Un cadre clair est une nécessité absolue. Il est essentiel d’agir dans le meilleur intérêt de tous. C’est le cas par exemple en Scandinavie et en Californie, où chacun est obligé de partager ses données. Nous avons besoin d’un cadre français et européen pour les données qui aideront à développer la MaaS. »

Partant du principe « pas de donnée = pas de nouveaux services », le parlement national finlandais a adopté en 2017 une loi sur les services de transport. Cette loi fixe des exigences pour l’open data aux transporteurs publics et privés. Cela concerne tous les modes de transports partagés, les taxis et les loueurs de voitures. De même, les gestionnaires de transport et de stationnement sont tenus de partager leurs informations.

 

Nouvelle législation adoptée en Finlande pour permettre la MaaS