.. Chargement en cours ..

Retour de Shenzhen

Par : Lesley Brown 26 octobre 2017 no comments

Retour de Shenzhen

Par Joëlle Touré, Déléguée générale chez Futura-Mobility

Ile de la Jatte, Paris, 18 octobre 2017 : invitée par InnoCherche, réseau de veille innovation pour les dirigeants, je découvre avec grand intérêt les enseignements tirés de leur dernier voyage exploratoire à Shenzhen, la « Silicon Valley chinoise ».

Quelques « insights » bien sentis pour expliquer le passage de la Chine de « Copycat » – plus grand laboratoire de copie du monde – à « Marketing of the World », expression donnée par Bertrand PETIT, Président Fondateur d’InnoCherche.

Pour exemple, LVMH conçoit ses modèles « Ultra Chic » de maroquinerie en Chine, pour exporter les concepts ensuite dans le monde entier. D’après Jean-Christophe MYON, ambassadeur d’InnoCherche «il y a moins de différence entre un jeune français de 30 ans et un jeune chinois du même âge, qu’entre ce-même jeune et ses propres parents ».

Tout d’abord la culture : culture pragmatique, tournée vers le business, une capacité de prise de décision rapide et d’investissement à la hauteur des gains espérés. Ensuite un mélange subtil et bien orchestré entre absence de réglementation favorisant ainsi l’innovation et réglementation à effet immédiat.

Ce qui permet en deux ans à la toute jeune start-up chinoise ofo d’inonder plus de 200 villes de 7,5 millions de vélos, en libre service, sans borne (on scan le QRcode pour déverrouiller le vélo, on le pose où on veut dans la ville et on re-scan pour terminer sa location) : ça donne à réfléchir sur nos vélos encore arrimés à leur borne…

 

 

Dans l’autre sens, l’interdiction pure et simple des scooters à moteur thermique dans la ville. Des raisons environnementales ? Pas du tout : il s’agit d’endiguer les agressions qui florissaient en scooter. Ou encore le soutien du pouvoir aux innovations comme dans le cas d’Ehang par exemple (cf. notre article).

Ce tournant chinois s’explique également dans la configuration-même du marché intérieur par la grande homogénéité ethnique de la population chinoise où plus de 90% sont du groupe Han, et par la concentration du pouvoir d’achat entre les mains des « 90+ », jeunes gens de moins de trente ans. Ce sont eux les cibles du marketing et les faiseurs de mode de demain dans le monde entier. Les infrastructures très avancées permettent aussi à l’économie de se développer. Ports, routes, aéroports sont parmi les plus modernes du monde.

En terme de vente de marchandises, les centres commerciaux chinois sont composés à 70% de restauration, les boutiques servant de showroom à une clientèle qui commande, sur place ou sur smartphone, paie tout avec son téléphone portable et se fait livrer en moins de 3 petites heures par l’entreprise chinoise JD.com par exemple.

 

 

L’application WeChat 900 millions d’utilisateurs actifs, ça donne le vertige !  permet tout et connaît tout de vous. Comme le dit Homeric de Sarthe, qui a travaillé 7 ans en Chine «  je conseille aux entreprises françaises et aux start-ups de faire du rétro-engineering : d’aller s’inspirer en Chine et de copier les innovations chinoises ! mais surtout pas d’essayer d’entrer sur le marché chinois au risque de se faire tout de suite dépassé ».

Ce libéralisme à la chinoise avance discrètement comme dans un jeu de go, où il s’agit de garder l’effet de surprise et d’entourer ses ennemis plutôt que de les faire tomber. Pour preuve, le projet d’infrastructures mondiales impressionnant du Président Xi Jinping, les nouvelles routes de la soie mené à coup de milliards de dollars par an, comme un pied de nez au « America First » de Donald Trump.

 

 

Autre phénomène surprenant voir perturbant : toutes les craintes projetées sur le « big data » qui deviendrait « big brother » sont réalité en Chine. Les BAT (Baidu, Alibaba et Tencent), ainsi que 6 autres entreprises avec le soutien du gouvernement, ont mis en place un système de notation individuel, unique, combinant dans une « boîte grise »  les scores des individus sur les différentes applications. Ainsi, selon votre note, les tarifs de vos abonnements diffèrent (abonnement aux vélos partagés, eau, électricité, téléphone, location de véhicules, etc.), vous n’avez pas droit aux mêmes offres de crédit… ni aux mêmes rencontres sur le meetic local ! Une jeune femme ne pouvant pas être contactée par un homme ayant un score inférieur au sien.

 

Image de Marcus HO

 

Pourquoi les chinois ne hurlent ils pas au vol de données et au scandale ? D’après Homeric de Sarthe : « gamification – c’est devenu un jeu d’essayer d’obtenir des notes et avis favorables, obéissance civile au gouvernement, et pragmatismetant qu’on peut faire du business… ».