Transformation des business models – partie 2
Transformation des business models – partie 2
Le 27 juin, sur la péniche India Tango, les membres de Futura-Mobility poursuivent avec des représentants de Toyota, Michelin et POMA leurs réflexions sur les ruptures de business models, le thème choisi pour cette année 2018.
TOYOTA
Sébastien Grellier (photo ci-dessous), directeur communication presse, relations extérieures & environnement de Toyota France, expose le virage pris par le constructeur d’automobile japonais, qui compte aujourd’hui 63 sites de production dans le monde, dont 9 en Europe. Deux axes résument sa présentation : environnement et services.
Vers une faible empreinte environnementale
Pour produire des véhicules respectueux de l’environnement, dans le cadre du Toyota Environmental Challenge 2050, Toyota a adopté une approche à 360° du cycle de vie des véhicules au-delà de la seule phase d’usage des véhicule, depuis la conception jusqu’aux options de recyclage en fin de vie.
« En 2050, aucun CO2 ne sera émis par les usines qui fabriquent nos véhicules », affirme M. Grellier. « On vise à réduire les émissions CO2 de nos nouveaux véhicules de 90 % par rapport à 2010 […]. Pour 2030 on espère vendre plus de 50 % de nos véhicules en électrique, à batterie ou hydrogène ». D’autres aspects sont intégrés à ce challenge comme la biodiversité et l’attention portée aux ressources, eau et énergie en particulier.
Sur le plan enérgetique, Toyota, déjà pionnier dans la fabrication de voitures hybrides il y a 20 ans, vise l’électrification. « En terme technologique, on assistera demain à une coexistence de motorisations électrifiées avec des hybrides, des rechargeables, des 100 % à batteries, et en fonction des régions du monde, des véhicules à hydrogène ». Sébastien Grellier voit le développement de l’hydrogène très lié au développement des énergies renouvelables, qu’il permettra de stocker, et reconnaît à l’hydrogène une simplicité de l’usage avec une autonomie importante et des recharges rapides.
Plus challengeant, le développement des services lies à la data
« Le plus gros défi pour nous n’est pas autour des motorisations, c’est notre cœur de métier, mais autour des services et de la notion de ‘mobility as a service’ ». D’ailleurs, Toyota passe beaucoup plus d’alliances pour avancer sur ce thème.
Deux entités chez Toyota mènent les recherches et développent des services. D’un côté le Toyota Research Institute qui travaille sur l’Intelligence Artificielle (IA) pour le développement du véhicule autonome. De l’autre, l’entité Toyota Connected, lancée depuis mars 2018 en Europe, qui développe de nouveaux services basés sur le big data au travers d’une plateforme. Aux Etats-Unis et au Japon, les premiers véhicules connectés à cette plateforme ont été lancés. Pour l’Europe il faudra attendre encore 12 à 18 mois.
Aujourd’hui, 95 % du business de Toyota relève du domaine traditionnel, la vente des voitures, et seulement 5 % de la location et des services. « A horizon 2030-2040, ce business du service devrait représenter 30 à 40% de notre activité », estime Sébastien Grellier.
Pour développer ces nouveaux services, Toyota s’appuie sur le partenariat olympique et paralympiques jusqu’en 2024. « Avec une première étape à Tokyo, vitrine des nouvelles mobilités », explique Sébastien Grellier. Toyota mise sur la mobilité Hydrogène à Tokyo, avec la voiture Mirai [cf. les taxis Hype à Paris en partenariat avec Air Liquide] et les bus à hydrogène, déjà en service depuis mars 2018 dans cette ville, pour viser une centaine du bus hydrogène en 2020. « Ensuite, quatre ans après, Paris [pour les JO 2024] sera une étape importante pour démontrer comment Toyota contribue à cette nouvelle société de la mobilité ».
Bien entendu, ces changements impactent fortement les équipes en interne, les partenaires et le réseau de distribution. Changer les mentalités en interne et développer des partenariats externes pour développer de nouveaux services représentent une rupture de taille pour Toyota. Alors quelle approche adopter pour encourager ces changements ?
« C’est une rupture forte chez nous, on tend vers une approche ‘on essaie’, ‘on se trompe’, ‘on recommence’, qui n’a plus rien à voir avec l’approche du Kaizen qui est la base du système Toyota », explique Sébastien Grellier. « C’est pour cela que Gilles Pratt a été nommé patron du Toyota Research Institute ». Le défi est de transformer cette mentalité pour inciter les salariés à prendre plus de risques, pour innover.
e-Palette – quand le service devient mobile
Sébastien Grellier a conclu sa présentation avec cette vidéo du concept e-Palette, un prototype conçu par la marque nippone sur son site français de Sophia-Antipolis, près de Nice.
« L’idée est d’avoir un véhicule pour les villes pour 2030 qui soit adaptable – un couteau suisse -, autonome et connecté », expose Sébastien Grellier. Le concept présente en effet une véritable révolution des usages, rendue possible par l’autonomisation des véhicules : les personnes ne se déplacent plus pour aller à la rencontre de services, ce sont les services qui viennent à elles.
« On espère avoir une flotte d’e-Palettes en démonstration pour les jeux olympiques d’Été à Tokyo », projette Sébastien Grellier. Des accords ont déjà été conclus avec Uber, Didi ou Pizza Hut par exemple.
POMA
Denis Baud-Lavigne, responsable commercial chez POMA en charge du développement urbain du transport par câble en France, nous a fait part des transformations en cours chez POMA.
Historiquement, POMA fabrique des véhicules de transport aérien et les infrastructures associées dans les domaines skiables. Depuis 1936, cette entreprise grenobloise s’est diversifiée vers le transport urbain qui a un poids identique en terme de chiffre d’affaires aujourd’hui au secteur lié à la neige.
« Au total, plus de 9000 installations ont été mises en place sur 80 pays dans le monde », expose Denis Baud-Lavigne (document POMA).
Vers la mobilité urbaine par câble
« Le transport par câble en milieu urbain est développé par POMA depuis une quinzaine d’années mais reste une innovation de rupture pour les autorités organisatrices de la mobilité, notamment en France ». Pourtant, avec 5000 personnes par heure et par sens en aérien, et 7000 pour les systèmes au sol, le transport par câble est un transport pertinent en milieu urbain.
Les appareils sont recyclables à 86 %, et ils fonctionnent à l’électricité : un avantage en ville (document POMA).
Un business model élargi aux activités d’exploitation et de maintenance
Le business model est en train de passer d’activités de conception – réalisation à des activités incluant l’exploitation et la maintenance des systèmes installés. « Nos contrats sont devenus pluriannuels, avec parfois des engagements sur 20 ans comme, par exemple, pour le téléphérique de Toulouse », explique Denis Baud-Lavigne.
Ces évolutions ont créé de grands changements en interne.
Les équipes d’exploitation-maintenance sont des clients internes des équipes de production. Ainsi, « l’innovation chez nous est plutôt axée sur la gestion du transfert des compétences sous forme digitale – avec un simulateur de conduite et de maintenance – pour former les gens de l’exploitation et de la maintenance alors même que la machine est en train d’être construite ». Ce qui fait que les personnels sont parfaitement formés dès la mise en service, et permet d’assurer une sécurité et disponibilité performantes.
POMA a également développé une ingénierie de finance pour faire du financement de projets et aborder les sujets de concession, PPP ou SEMOP. « POMA a par exemple une concession à risque trafic dans le domaine touristique de la ville de Namur (Belgique) ». Pour cela il a fallu convaincre les actionnaires du bien-fondé du développement de cette compétence.
Un autre métier est devenu nécessaire chez POMA, le domaine du marketing et de la billetterie. Pour le réaliser, POMA a tissé des partenariats avec ses clients historiques de la neige, entraînant un bouleversement dans leurs relations. « Ce sont des montages intéressants, qui nous font tous progresser ».
En externe, « les phases de concertation ne sont pas un long fleuve tranquille ». Les discussions portent sur l’intrusivité liée au survol des habitations par exemple. De plus, les références urbaines d’installation par câble, toutes à l’étranger dans des pays en voie de développement, ne facilitent pas la projection des habitants de nos contrées. Pour M. Baud-Lavigne, « c’est comme pour le tram dans les années 80, c’est la preuve par l’exemple qui fera que les gens appréhenderont mieux ces installations ».
Par rapport à l’arrivée future de taxis volants, Denis Baud-Lavigne est convaincu que : « on sera complémentaire, on aura tous notre place dans l’intermodalité, les drones taxis n’ont pas vocation à transporter autant de passagers que le transport par câble ou encore que le mode lourd au sol ».
MICHELIN
Erik Grab, vice-président anticipation stratégique & innovation de Michelin, est également intervenu de façon très illustrée et concrète pour évoquer avec les membres de Futura-Mobility la transformation du fabricant de pneus à fournisseur de services autour du pneu.
Le détail de cette intervention est disponible dans l’espace réservé aux membres.
HELIODIVE – bateaux solaires
En fin de matinée, les membres de Futura-Mobility et leurs invités ont pu expérimenter le plaisir d’une promenade en bateau électrique sur la Seine, à une allure impressionnante.
Alexis Synodinos, concepteur et fondateur de Heliodrive : « je fabrique des bateaux qui ne sentent pas mauvais et qui ne polluent pas ». En remontant la Seine à 7 km/h par beau temps, M. Synodinos n’a rien consommé de la charge des batteries électriques : « tout au solaire ! ». Pour Alexis Synodinos, « il ne reste plus rien au moteur thermique » parce que l’électrique est plus puissant et plus efficient.