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đź’ˇ RĂ©duire les Ă©missions de carbone – jusqu’oĂą le rail français peut-il aller ?

Par : Lesley Brown 24 octobre 2019 no comments

đź’ˇ RĂ©duire les Ă©missions de carbone – jusqu’oĂą le rail français peut-il aller ?

Traduit de l’anglais par JoĂ«lle TourĂ©

 

Dans le cadre de ses petits dĂ©jeuners de l’innovation, SNCF RĂ©seau souhaite « rassembler les parties prenantes et des personnalitĂ©s inspirante pour partager leurs points de vue sur les thèmes du numĂ©rique, de l’innovation, de la mobilité ». Le thème de la première Ă©dition, qui s’est tenue le 8 octobre Ă  Paris, Ă©tait la conception bas-carbone.

 

 

« L’un de nos 10 objectifs d’innovation est de placer la performance environnementale au cĹ“ur de tous les processus de l’entreprise », a dĂ©clarĂ© Jean-Jacques Thomas, directeur innovation et numĂ©rique de SNCF RĂ©seau, dans son introduction.

En France, l’ensemble du secteur des transports gĂ©nère environ 27 % des Ă©missions de CO2 du pays, et c’est seulement 1,4 % pour le rail. Patrick Jeantet, PDG, SNCF RĂ©seau, a nĂ©anmoins insistĂ© sur le fait que le rail ne peut pas se reposer sur ses lauriers mais doit « aller plus loin », notamment en « rĂ©volutionnant ses technologies et systèmes, tout en tenant compte des ressources humaines et financières ».

 

 « Le rail est une des solutions à la crise climatique, mais nous devons aller encore plus loin » – Patrick Jeantet, SNCF Réseau

 

Passant de la parole aux actes, SNCF RĂ©seau a adoptĂ© une dĂ©marche d’identification-mesure-rĂ©duction pour lutter contre les Ă©missions de CO2 gĂ©nĂ©rĂ©es par l’ensemble de ses activitĂ©s – depuis la gestion quotidienne et les dĂ©placements des salariĂ©s Ă  l’entretien et Ă  l’amĂ©lioration de l’infrastructure du rĂ©seau national, en passant par la gestion des services ferroviaires. Une des actions mise en place est un calculateur d’émission de carbone pour chaque projet Ă  partir de 2020 et la prĂ©fĂ©rence Ă  la rĂ©novation des infrastructures existantes plutĂ´t que la construction de nouvelles. « Après rĂ©novation, une ligne atteint la neutralitĂ© carbone au bout de quatre ans », a soulignĂ© M. Jeantet.

 

SNCF RĂ©seau rĂ©alise 1 600 projets ferroviaires, achète 180 000 tonnes de rails en acier et consacre annuellement entre 5 et 6 milliards d’euros Ă  l’entretien et Ă  l’amĂ©lioration du rĂ©seau ferroviaire français

 

Le transfert modal, principal moteur de la dĂ©carbonation de la mobilitĂ©, implique de faire circuler davantage de trains.  Pour ce faire, « nous utilisons plus efficacement les infrastructures existantes grâce aux innovations technologiques », a expliquĂ© Bernard Torrin, directeur du dĂ©veloppement durable de SNCF RĂ©seau. C’est le cas par exemple du projet Eole Ă  Paris – voir Vers une mobilitĂ© sans carbone – qui met en Ĺ“uvre une technologie de pointe pour augmenter de manière significative la cadence entre les trains.

 

« Nous voulons faire circuler plus de train en émettant encore moins de carbone » – Bernard Torrin, SNCF Réseau

 

Jusqu’Ă  prĂ©sent, le rail français Ă©tait surtout connu pour ĂŞtre un pionnier de la grande vitesse, en ouvrant sa première ligne TGV en 1981, entre Paris et Lyon. C’est en 2007 que la SNCF a Ă©tabli le record mondial de 574 km/h, pour un train commercial sur roues en acier.

Aujourd’hui, SNCF RĂ©seau entend s’imposer dans un domaine diffĂ©rent : « l’Ă©co-conception des composants, des systèmes et des projets constitue pour nous une opĂ©ration stratĂ©gique et contribue aussi Ă  l’économie circulaire » a indiquĂ© BenoĂ®t Aliadière, responsable des projets Ă©co-conception chez SNCF RĂ©seau. « Nous voulons amĂ©liorer la performance durable des systèmes et des projets ferroviaires en rĂ©duisant leur impact carbone et en amĂ©liorant notre gestion des matières premières et de l’Ă©nergie ».

En ce qui concerne les matières premières, le rĂ©seau ferroviaire français compte 500 000 traverses en bois en service sur l’ensemble du rĂ©seau. En plus de leur haute performance technique, ils rendent un autre service : une tonne de bois retient une tonne de CO2. « L’utilisation de ces 500 000 traverses en bois Ă©quivaut donc Ă  absorber les Ă©missions de carbone de 10 000 voitures en France », a expliquĂ© Patrizia Gatti Gregori, responsable de la performance environnementale et de la rĂ©glementation Ă  SNCF RĂ©seau. « En comparaison, une tonne de CO2 est Ă©mise lors de la production d’une tonne de bĂ©ton [pour les traverses en bĂ©ton]. »

Ces constats ont conduit Ă  la crĂ©ation de Plancher Bois, en 2015, une initiative d’innovation ouverte impliquant des forestiers et des chimistes engagĂ©s dans la protection de l’environnement.  « Cela inclut de travailler avec les ONG pour Ă©viter la dĂ©forestation et s’assurer que le bois destinĂ© aux traverses provient de forĂŞts gĂ©rĂ©es durablement », a dĂ©clarĂ© Mme Gatti Gregori, chef de projet.

Deux voix pour inspirer

LoĂŻc Blaise, pilote et explorateur français, a parlĂ© des leçons apprises lors de ses expĂ©ditions Polar Kid dans l’Arctique en 2017 et 2018 (voir Polar Kid – une aventure Ă©tonnante) et de l’impact de notre sociĂ©tĂ© Ă©mettrice de carbone sur la vie sur Terre. Son message Ă  l’auditoire ? « ArrĂŞtons d’avoir peur et donnons-nous les moyens d’agir, comme le peuple inuit, qui s’adapte, recycle et innove jour après jour, tout en restant une communautĂ© solidaire et unie. »

 

« C’est plus facile pour moi en tant qu’aventurier de faire des concessions que pour les industriels ! » – LoĂŻc Blaise

 

M. Blaise a approuvĂ© le projet d’achat de 15 trains Ă  hydrogène de la SNCF, annoncĂ© en aoĂ»t 2019, dans le cadre de l’engagement de l’entreprise Ă  Ă©liminer tout le matĂ©riel roulant diesel de sa flotte d’ici 2035. NĂ©anmoins, l’explorateur/aventurier a insistĂ© sur la nĂ©cessitĂ© de poursuivre les efforts. « Ces trains doivent rouler avec de l’hydrogène 100% vert » a-t-il dit. « Cela enverra un message fort sur le rail en France, sur son Ă©volution et sur le fait qu’il prend vraiment la dĂ©carbonation au sĂ©rieux. » En mĂŞme temps, il a reconnu qu’il n’est pas si simple de rĂ©duire les Ă©missions de carbone – « C’est plus facile pour moi, en tant qu’aventurier, de faire des concessions que pour les industriels ».

MalgrĂ© les dĂ©fis, quelles mesures l’industrie peut-elle et prend-elle pour Ă©liminer les Ă©missions de carbone d’ici 2050 ? Telle est la question posĂ©e par Benjamin Tincq, co-fondateur du Good Tech Lab et co-auteur de l’Ă©tude Aux Frontières de l’Impact Tech – une analyse de 180 domaines d’innovation contribuant aux 17 Objectifs de DĂ©veloppement Durable des Nations-Unies.

 

« A une Ă©poque oĂą la technologie et la dĂ©gradation du climat s’accĂ©lèrent, les entreprises Ă  forte vocation sociĂ©tale et Ă  culture entrepreneuriale seront les mieux placĂ©es pour attirer les meilleurs talents et former des alliances stratĂ©giques pour pĂ©renniser leurs activitĂ©s » – Benjamin Tincq du Good Tech Lab (source image : goodtechlab.io)

 

Après avoir donnĂ© une vue d’ensemble des facteurs de rĂ©duction des Ă©missions de carbone – des technologies de stockage de l’Ă©nergie Ă  la re-conception des rĂ©acteurs nuclĂ©aires en passant par le captage et la rĂ©utilisation du carbone atmosphĂ©rique pour produire des matières premières –, M. Tincq a livrĂ© trois messages clĂ©s. Premièrement, pour rĂ©soudre les problèmes systĂ©miques de la dĂ©carbonation, l’industrie doit faire converger la technologie, les politiques et les changements dans les pratiques de travail. Deuxièmement, il est essentiel que les entreprises intègrent la notion de faible Ă©mission de carbone dès le dĂ©but des projets – « cela doit faire partie de leur Ă©noncĂ© de mission ». Troisièmement, la dĂ©carbonation est une vĂ©ritable innovation et, en tant que telle, doit ĂŞtre considĂ©rĂ©e dans le contexte mondial, c’est-Ă -dire en prenant en compte des mouvements tels que Extinction Rebellion et le rejet du capitalisme, la popularitĂ© de Greta Thunberg, le dĂ©collage de la honte de voler (flygskam), et bien d’autres encore.

En conclusion de la rencontre, M. Jeantet a insistĂ© sur l’importance du rail comme une des solutions Ă  la crise climatique. « Nous [SNCF RĂ©seau] investissons dans une Ă©conomie dĂ©carbonĂ©e. Nos actions sont guidĂ©es par le dĂ©sir de donner Ă  chacun la possibilitĂ© de voyager librement tout en prĂ©servant la planète. »

> > > On Board With Patrick Jeantet (mars 2019)

 

Les membres de Futura-Mobility présents à la conférence (de gauche à droite) : Jean-Jacques Thomas, directeur Innovation et Digital de SNCF Réseau ; Arnaud Julien, directeur Innovation et Digital de Keolis ; Joëlle Touré, déléguée générale de Futura-Mobility