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Economie de l’attention et mobilité – partie 2 : applications concrètes

Par : Lesley Brown 9 décembre 2019 no comments

Economie de l’attention et mobilité – partie 2 : applications concrètes

Paris, le 15 novembre 2019 : plusieurs invités ont intervenu dans cette séance de Futura-Mobility pour présenter et discuter les applications et les business models du point de vue de leur activité. Parmi eux, le think tank a accueilli :

  • Alexandra Lafay, directrice déléguée, communication, RSE & affaires publiques, Mediatransports. Le métier de cette régie publicitaire de la RATP et des gares SNCF est de vendre de la publicité. Dans son secteur de l’affichage, l’entreprise est confrontée à la question « comment est-ce qu’on gère ce sujet de l’attention ? »
  • Julien Sivan, fondateur et CEO, SKYdeals. Cette startup française cherche à réinventer le marché à destination des voyageurs (travel retail) à bord les avions grâce à la connectivité à bord. Sa plateforme « inflight shoppertainment » est déployée sur Air France depuis mi-janvier 2019. Elle est aussi disponible sur les vols Paris-New York de La Compagnie et va être présent sur le groupe Lufthansa très bientôt…
  • Ali Erhouni, co-fondateur & COO, Firefly Media Senegal . Basée au Sénégal depuis 2016, l’objectif de la startup est de créer un lien entre les annonceurs publicitaires et les usagers de transport en commun à travers des écrans dans les bus.

 

Les audiences – qui, où et combien ? 

« Avec l’évolution des mass médias aujourd’hui, avec la baisse de la durée d’écoute en télévision – idem à la radio – et la basse des ventes de la presse, on observe une vraie fragmentation des audiences ».

 

Alexandra Lafay, directrice déléguée, communication, RSE & affaires publiques, Mediatransports

 

Cependant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, Mediatransports observe une augmentation de ses audiences. « Parce qu’en tant que régie publicitaire spécialisée dans les transports, notre audience c’est le nombre de personnes qui prennent le métro, le train, qui voient les bus tous les jours », a expliqué Mme Lafay. « Donc évidemment le développement des mobilités fait qu’il y a une audience de plus en plus importante dans ce paysage pour la publicité ».

Le potentiel d’audience a été un facteur clé dans la décision de Firefly Media de se lancer en Afrique, plutôt qu’ailleurs. Sur ce continent, plus de 100 millions de personnes empruntent le bus chaque jour. Certaines passent plus de 35 heures par semaine dans les transports publics, notamment les bus.

 

Ali Erhouni, co-fondateur & COO, Firefly Media Senegal

 

Au Sénégal, avec une population d’un peu près 12 millions d’habitants, tous les jours 2 millions de gens prennent les autobus Tata – le réseau privé du pays. « Tout le monde prend le bus car les gens n’ont pas forcément de voiture, il n’y a pas d’Uber ni de métro », a expliqué M. Erhouni.

« Autre élément de contexte », ajouta-t-il, « le marché publicitaire en Afrique est estimé à plus de 50 milliards de dollars. Tous les ans, ce marché croît de 8 %, ce qui est hallucinant par rapport aux marchés beaucoup plus matures comme l’Europe ou les Etats Unis ».

La question de l’habitacle

Mme Lafay a aussi fait écho à la question de l’habitacle évoquée en première partie de séance par Dominique Boullier. Cet habitacle, selon elle, a un vrai sens aujourd’hui pour la publicité en affichage. « Le fait de se sentir ‘en sécurité’, en quelque sorte avec un contenu publicitaire a un vrai sens pour Mediatransports », a-t-elle souligné. « On supporte de plus en plus difficilement d’avoir cette intrusion publicitaire dans un contenu qu’on a choisi ».

D’ailleurs en France, le recours aux adblockers (logiciels permettant aux internautes de bloquer les publicités sur les sites qu’ils visitent) aujourd’hui sur la publicité digitale est en pleine croissance. En 2019, chez les français, plus de 30 % utilisaient des adblockers pour se protéger de ce qu’ils considèrent comme une invasion publicitaire.

Créativité, divertissement, interaction – comment s’engager ?

Il n’existe pas une façon unique de capter l’attention du public dans les transports. Les approches doivent plutôt être adaptées aux contextes, aux publics, à la longueur des trajets, aux motifs du voyage, etc.

Dans l’univers de l’affichage publicitaire, la créativité est la clef de la réussite. « Selon les enquêtes et les études menées, les gens sont contre la publicité intrusive, ‘moche’, qui est perçue comme « de la réclame », a dit Mme Lafay.  « La publicité perçue comme amusante ou récréative, ou qui interpelle, est toujours mieux acceptée ».  

L’efficacité d’une publicité – et donc le volume d’attention qu’elle va pouvoir capter – passe avant tout par la création, comme démontre la campagne d’affichage du groupe Avenir française « Myriam » de 1981, ou encore ce panneau d’affichage actuel (ci-dessous) de l’agence BBC Creative, du janvier 2020, pour la série télévisée « Dracula ».

 

 

Quant à SKYdeals et Firefly Media, l’engagement de leurs audiences passe par le divertissement et le niveau d’interaction créé.

Et c’est bien parce que le fondateur était convaincu que les passagers avaient besoin de se divertir en vol, et que la proposition du shopping ludique en vol pouvait être attractive, que SKYdeals a été créée. « Le shopping est un moyen d’assouvir un besoin primaire du voyageur qui est de tuer le temps », a souligné M. Sivan.  Fort de ce constat et grâce à la connectivité naissante à bord les avions, SKYdeals propose de l’animation commerciale en continu en relation avec l’expérience du voyage (les zones survolées par exemple sont liées à des offres spécifiques). Une approche qui va permettre de développer les ventes.

 

Julien Sivan, fondateur et CEO, SKYdeals

 

Firefly Media partage cette approche du divertissement. L’installation d’écrans connectés dans les bus est étudiée pour remplir plusieurs fonctions : d’une part, divertir les usagers et, d’autre part, permettre à la startup de capitaliser sur les personnes qui prennent les bus en enrichissant la connaissance pour l’entreprise de ces clients.

Depuis son lancement en 2016, en l’espace de 2-3 mois, la startup a introduit le WiFi à bord. Un service gratuit qui permet aux passagers de profiter du temps de trajet pour effectuer des paiements en ligne et accéder à d’autres services utiles en étant connectés.

L’étape suivante pour Firefly, suite à la demande de ses annonceurs, consiste à entrer en interaction avec les usagers « pour les connaitre encore plus et leur proposer des services », a souligné M. Erhouni. Comme les écrans dans les bus ne sont pas tactiles et qu’il y a souvent seulement un ou deux écrans par bus, cette interactivité passe par le smartphone et les canaux WhatsApp ou SMS. L’écran diffuse un sondage, un quiz, un jeu, un questionnaire ou une devinette en indiquant un numéro de téléphone à composer. Cela permet d’engager plus fortement le passager dans l’expérience et de lui faire gagner des lots. Firefly Media est gagnante car à travers les données collectées lors de cette interactivité, elle peut mieux qualifier l’audience pour les annonceurs. Par ailleurs, l’entreprise pourrait monétiser ces données auprès des réseaux de transports « pour leur permettre d’en savoir plus sur la qualité de leurs services, le nombre de passagers, etc. » a expliqué M. Erhouni.  Tout le monde serait-il gagnant ?

Que réserve l’avenir ?

Pour rester compétitif, Mediatransports, Firefly Media et SKYdeals sont aussi en train d’analyser les tendances et d’explorer de nouveaux horizons pour capter l’attention d’audiences de plus en plus nombreuses.

Firefly Media a l’ambition de positionner ses écrans partout au Sénégal et de faire « passer à l’échelle » son business model dans d’autres pays de la région que ça soit la Côte d’Ivoire, le Maroc, ou le Ghana. Pourquoi ces pays en particulier ? « Parce que, comme au Sénégal, il y a des transports de cars privés et beaucoup de gens qui prennent le bus », a expliqué M. Erhouni. « D’autres facteurs clés sont : l’explosion démographique en Afrique, qui sera le deuxième continent le plus peuplé d’ici 2050, et la croissance de la population urbaine, qui entraînera une augmentation de l’utilisation des transports en commun ».  

 

Source photo : fireflymedia.tv

 

Dans le futur, Mediatransports souhaite sortir de la pub « pure » pour véhiculer d’autres messages. « Notre réflexion aujourd’hui, et celle d’autres régies publicitaires en affichage, c’est de voir comment on peut aller vers plus de services », a ajouté Mme Lafay. Sa régie a déjà fait des tentatives en ce sens avec des campagnes pour le Secours Populaire et Les Restos du Cœur, par exemple, où le public était invité à faire des micro-dons en direct, en bas des écrans publicitaires, avec une carte de paiement sans contact.

Mediatransports et la RATP s’associent pour promouvoir le micro-don dans le métro parisien au profit d’associations

Mme Lafay considère que cette évolution du secteur de l’affichage contribue d’une certaine manière à la captation de l’attention – « parce que si les gens savent qu’ils peuvent avoir autre chose qu’une proposition publicitaire, peut-être vont-ils plus s’y intéresser ».

Goodeed – faire des dons en regardant des pubs

Quant à SKYdeals, qui envisage de diversifier ses ventes pour aller au-delà des produits qu’on trouve classiquement en duty free… « the sky is the limit ».  « On constate que les passagers qu’on touche aujourd’hui sont beaucoup des hommes », a expliqué M. Sivan.  « Donc on va enrichir notre offre pour satisfaire cette clientèle particulière ».

 

 

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Photo de couverture : Daisy-Mae par Laura Brown