💡 Comment mieux préparer les Jeux Olympiques de Paris en 2024 ?
💡 Comment mieux préparer les Jeux Olympiques de Paris en 2024 ?
par Joëlle Touré, déléguée générale, Futura-Mobility
Quels enseignements tirer de l’organisation des Jeux Olympiques passĂ©s pour mieux prĂ©parer ceux de Paris en 2024 ?
La Mass Transit Academy dirigĂ©e par Agnès Grisoglio – Ă©galement en charge de la transformation chez Transilien SNCF – s’est attachĂ©e Ă rĂ©pondre Ă cette question au cours de plusieurs voyages exploratoires Ă Londres (J.O. de 2012) et Ă Tokyo (J.O. de 2020… 2021).
La séance (à distance) de Futura-Mobility du 28 mai 2020 a permis aux membres du think tank et à plusieurs de leurs invités de découvrir les principaux enseignements retenus par Mme Grisoglio.
Une organisation hors-norme
Tout d’abord quelques chiffres sur l’organisation des Jeux Olympiques qui restent au sens propre un Ă©vènement extra-ordinaire. « Les J.O. c’est environ 40 fois en volume une coupe du monde de football ou de rugby ! » explique Mme Grisoglio. « Et on ne rĂ©ussit les Jeux que si on rĂ©ussit la mobilité » ajoute-t-elle.
Tokyo attend ainsi 10 % de voyageurs en plus dans les transports, alors qu’elle est l’une des capitales les plus peuplĂ©es au monde avec 37 millions de voyageurs par jour. Seize lignes de mĂ©tro y transportent plus d’un million de voyageurs !
Et pourtant le rĂ©seau fonctionne au cordeau avec des trains bondĂ©s en heure de pointe, Ă 200 % de leur capacitĂ©, se succĂ©dant toutes les 2,5 minutes. Ils sont pourtant opĂ©rĂ©s par 42 sociĂ©tĂ©s diffĂ©rentes pour les 60 lignes Mass Transit, le tout sans aucune autoritĂ© organisatrice. Quand on sait qu’une seule minute de retard sur un train au dĂ©part en zone urbaine, peut se transformer en 10 minutes Ă l’arrivĂ©e, c’est dire le niveau d’efficacitĂ© du rĂ©seau tokyoĂŻte !
Peu de recours Ă la technologie mais des gestes mĂ©tiers extrĂŞmement prĂ©cis (10 secondes pour permettre l’accès Ă une personne en fauteuil roulant) et des solutions simples et frugales, parfois temporaires pour gĂ©rer les flux (scotch dĂ©roulant pour limiter l’entrĂ©e sur les quais par exemple).
La façon dont sont considĂ©rĂ©s les Jeux Olympiques varie fortement d’une ville Ă l’autre. A Tokyo, les investissements rĂ©alisĂ©s doivent servir aux trajets du quotidien sur le long terme. Donc quand la question est posĂ©e du plan de prĂ©paration des J.O., les Japonais rĂ©pondent : « rien ». Car rien n’est en rĂ©alitĂ© spĂ©cifique aux Jeux Olympiques. Les travaux engagĂ©s vont servir « pour le bien du système ».
A Londres comme pour Paris, le surplus de voyageurs est très impactant car la taille des deux villes est 4 Ă 5 fois infĂ©rieure Ă celle de Tokyo ! Ainsi, Londres a dĂ», comme c’est le cas pour Paris, prĂ©voir un programme d’investissements spĂ©cifique.
A Tokyo comme pour toutes les villes hĂ´tes, le COJO qui organise les Jeux adaptent le planning des compĂ©titions au confort des athlètes et des spectateurs. Par exemple, l’athlĂ©tisme est prĂ©vu lorsque les tempĂ©ratures sont les plus clĂ©mentes, le basket aura lieu Ă des horaires permettant aux spectateurs amĂ©ricains de suivre en direct… et tant pis si cela tombe sur le pic de transport !
Dans les deux cas, la route reste dĂ©diĂ©e plutĂ´t aux Ă©quipes olympiques, et le mass transit est l’outil principal pour rĂ©pondre Ă ces flux impressionnants.
Des pistes pour gérer les flux
En termes de gestion des flux de passagers, l’idĂ©e admise par toutes les villes est de dĂ©ranger le moins possible « les affaires courantes » c’est-Ă -dire les flux de passagers habituels. « Il faut donc Ă la fois rĂ©ussir la mobilitĂ© des jeux – des athlètes et des spectateurs – et aussi la mobilitĂ© de la mĂ©gapole », avance Agnès Grisoglio.
NĂ©anmoins, la capacitĂ© nominale est infĂ©rieure Ă la demande totale pendant les Jeux Olympiques. « Atlanta est la ville qui a servi de repoussoir Ă Londres ». Dans cette première, au rĂ©seau mass transit sous-dimensionnĂ©, 8 % des spectateurs du 100 mètres ont ratĂ© l’Ă©vènement car ils n’ont pas pu accĂ©der au stade.
Pour faire coïncider la capacité de transport à la demande globale, plusieurs leviers sont à disposition des opérateurs :
– accroĂ®tre la capacitĂ© d’emport et les travaux, en adaptant certaines gares comme c’est le cas au Japon, ou en fiabilisant le rĂ©seau (moratoire travaux Ă Londres et en ĂŽle de France) ;
– adapter la signalĂ©tique pour permettre aux personnes ne connaissant pas le rĂ©seau de se repĂ©rer facilement et ainsi fluidifier les flux de passagers. De ce point de vue, au Japon, il y a Ă©galement un enjeu portĂ© par le gouvernement, qu’est l’ouverture de la sociĂ©tĂ© japonaise Ă l’autre, qu’il soit Ă©tranger ou souffrant d’un handicap ;
– organiser les flux des visiteurs en indiquant des trajets prĂ©fĂ©rentiels ou mĂŞme programmer des Ă©vĂ©nements Ă la suite des compĂ©titions pour Ă©taler le dĂ©part des spectateurs du site olympique ;
– jouer sur la demande de transport des habitants. Avec la crise du Covid 19, on peut considĂ©rer que ce sera peut-ĂŞtre plus facile dorĂ©navant d’encourager les personnes au tĂ©lĂ©travail, au dĂ©calage des horaires ou l’utilisation d’autres modes, ou encore le fait d’Ă©viter certaines gares ou lignes. « Londres l’a fait et c’est grâce au travel demand management qu’ils ont rĂ©duit de 30 % la demande et que les jeux ont Ă©tĂ© une rĂ©ussite », explique Mme Grisoglio. Chaque pays traduit Ă sa façon en communication ce levier pour piloter la demande, ludique Ă Londres, plus directe au Japon :
Ces enseignements sont riches non seulement pour l’organisation des Jeux Olympiques mais pour l’organisation des flux de transport en mass transit en gĂ©nĂ©ral.  « Nous avons ajoutĂ© le travel demand management Ă notre roue des domaines d’excellence de la gestion du mass transit, Ă l’image de Transport For London qui l’a pĂ©rennisĂ© pour gĂ©rer les flux lors de grands travaux sur ses lignes », conclut Agnès Grisoglio.
Photo de couverture :  Кирилл Соболев – Pixabay