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Comment mieux préparer les Jeux Olympiques de Paris en 2024 ?

Par : Joëlle Touré 10 juin 2020 no comments

Comment mieux préparer les Jeux Olympiques de Paris en 2024 ?

par Joëlle Touré, déléguée générale, Futura-Mobility

 

Quels enseignements tirer de l’organisation des Jeux Olympiques passés pour mieux préparer ceux de Paris en 2024 ?

La Mass Transit Academy dirigée par Agnès Grisoglio – également en charge de la transformation chez Transilien SNCF – s’est attachée à répondre à cette question au cours de plusieurs voyages exploratoires à Londres (J.O. de 2012) et à Tokyo (J.O. de 2020… 2021).

La séance (à distance) de Futura-Mobility du 28 mai 2020 a permis aux membres du think tank et à plusieurs de leurs invités de découvrir les principaux enseignements retenus par Mme Grisoglio.

Une organisation hors-norme

Tout d’abord quelques chiffres sur l’organisation des Jeux Olympiques qui restent au sens propre un évènement extra-ordinaire. « Les J.O. c’est environ 40 fois en volume une coupe du monde de football ou de rugby ! » explique Mme Grisoglio. « Et on ne réussit les Jeux que si on réussit la mobilité » ajoute-t-elle.

Tokyo attend ainsi 10 % de voyageurs en plus dans les transports, alors qu’elle est l’une des capitales les plus peuplées au monde avec 37 millions de voyageurs par jour. Seize lignes de métro y transportent plus d’un million de voyageurs !

Et pourtant le réseau fonctionne au cordeau avec des trains bondés en heure de pointe, à 200 % de leur capacité, se succédant toutes les 2,5 minutes. Ils sont pourtant opérés par 42 sociétés différentes pour les 60 lignes Mass Transit, le tout sans aucune autorité organisatrice. Quand on sait qu’une seule minute de retard sur un train au départ en zone urbaine, peut se transformer en 10 minutes à l’arrivée, c’est dire le niveau d’efficacité du réseau tokyoïte !

Peu de recours à la technologie mais des gestes métiers extrêmement précis (10 secondes pour permettre l’accès à une personne en fauteuil roulant) et des solutions simples et frugales, parfois temporaires pour gérer les flux (scotch déroulant pour limiter l’entrée sur les quais par exemple).

 

 

La façon dont sont considérés les Jeux Olympiques varie fortement d’une ville à l’autre. A Tokyo, les investissements réalisés doivent servir aux trajets du quotidien sur le long terme. Donc quand la question est posée du plan de préparation des J.O., les Japonais répondent : « rien ». Car rien n’est en réalité spécifique aux Jeux Olympiques. Les travaux engagés vont servir « pour le bien du système ».

A Londres comme pour Paris, le surplus de voyageurs est très impactant car la taille des deux villes est 4 à 5 fois inférieure à celle de Tokyo ! Ainsi, Londres a dû, comme c’est le cas pour Paris, prévoir un programme d’investissements spécifique.

A Tokyo comme pour toutes les villes hôtes, le COJO qui organise les Jeux adaptent le planning des compétitions au confort des athlètes et des spectateurs. Par exemple, l’athlétisme est prévu lorsque les températures sont les plus clémentes, le basket aura lieu à des horaires permettant aux spectateurs américains de suivre en direct… et tant pis si cela tombe sur le pic de transport !

Dans les deux cas, la route reste dédiée plutôt aux équipes olympiques, et le mass transit est l’outil principal pour répondre à ces flux impressionnants.

Des pistes pour gérer les flux

En termes de gestion des flux de passagers, l’idée admise par toutes les villes est de déranger le moins possible « les affaires courantes » c’est-à-dire les flux de passagers habituels. « Il faut donc à la fois réussir la mobilité des jeux – des athlètes et des spectateurs – et aussi la mobilité de la mégapole », avance Agnès Grisoglio.

Néanmoins, la capacité nominale est inférieure à la demande totale pendant les Jeux Olympiques.  « Atlanta est la ville qui a servi de repoussoir à Londres ». Dans cette première, au réseau mass transit sous-dimensionné, 8 % des spectateurs du 100 mètres ont raté l’évènement car ils n’ont pas pu accéder au stade.

 

 

Pour faire coïncider la capacité de transport à la demande globale, plusieurs leviers sont à disposition des opérateurs :

accroître la capacité d’emport et les travaux, en adaptant certaines gares comme c’est le cas au Japon, ou en fiabilisant le réseau (moratoire travaux à Londres et en Île de France) ;

adapter la signalétique pour permettre aux personnes ne connaissant pas le réseau de se repérer facilement et ainsi fluidifier les flux de passagers. De ce point de vue, au Japon, il y a également un enjeu porté par le gouvernement, qu’est l’ouverture de la société japonaise à l’autre, qu’il soit étranger ou souffrant d’un handicap ;

 

 

organiser les flux des visiteurs en indiquant des trajets préférentiels ou même programmer des événements à la suite des compétitions pour étaler le départ des spectateurs du site olympique ;

jouer sur la demande de transport des habitants. Avec la crise du Covid 19, on peut considérer que ce sera peut-être plus facile dorénavant d’encourager les personnes au télétravail, au décalage des horaires ou l’utilisation d’autres modes, ou encore le fait d’éviter certaines gares ou lignes. « Londres l’a fait et c’est grâce au travel demand management qu’ils ont réduit de 30 % la demande et que les jeux ont été une réussite », explique Mme Grisoglio. Chaque pays traduit à sa façon en communication ce levier pour piloter la demande, ludique à Londres, plus directe au Japon :

 

 

Ces enseignements sont riches non seulement pour l’organisation des Jeux Olympiques mais pour l’organisation des flux de transport en mass transit en général.  « Nous avons ajouté le travel demand management à notre roue des domaines d’excellence de la gestion du mass transit, à l’image de Transport For London qui l’a pérennisé pour gérer les flux lors de grands travaux sur ses lignes », conclut Agnès Grisoglio.

 

Photo de couverture :  Кирилл Соболев – Pixabay